Réunion de l'assemblée territoriale camerounaise

13 février 1957
29s
Réf. 00077

Notice

Résumé :

Conformément à la loi-cadre de 1956, l'assemblée territoriale du Cameroun élue est appelée à gérer les affaires intérieures du pays et elle tient sa première séance en février 1957. L'élection a eu lieu sans la participation du parti indépendantiste interdit depuis 1955, dans un contexte de guerre ouverte dans le sud ; elle a donc donné la majorité aux candidats « modérés », notamment Ahmadou Ahidjo.

Date de diffusion :
13 février 1957
Source :

Éclairage

En 1922, la France obtient officiellement - sous l'égide de la Société des Nations (SDN) - le mandat sur la plus grande partie du protectorat allemand du Cameroun, tandis que le reste du territoire est confié à la Grande-Bretagne. Le mandat que la France a reçu de la SDN se transforme en 1946 en tutelle dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Selon la charte, les puissances coloniales s'engagent à développer la capacité des zones sous tutelle à s'administrer elles-mêmes, mais les accords de tutelle précisent que la France continue de gérer le Cameroun « comme une partie intégrante du territoire français ». Après la répression des émeutes de Douala de 1945, des intellectuels et syndicalistes camerounais fondent en 1948 l'Union des populations du Cameroun (UPC). L'UPC revendique l'indépendance et la réunification du pays et devient très populaire dans le sud du pays. Elle s'affilie au Rassemblement Démocratique Africain (RDA) mais refuse le revirement de 1950, lorsque le RDA rompt avec le Parti Communiste Français. Le leader de l'UPC, Ruben Um Nyobé, soutient les demandes du parti devant l'ONU en 1952, et l'Assemblée Générale invite la France à accélérer le processus d'émancipation. Mais l'UPC, considérée comme communiste, devient la cible du Haut-commissaire Roland Pré qui multiplie les arrestations. Le bras de fer avec l'administration débouche sur les émeutes de mai 1955 à Douala ; le gouvernement français interdit l'UPC, qui entre alors dans la clandestinité. Parallèlement, l'administration soutient des personnalités conciliantes, revendiquant l'autonomie nationale, à l'instar d'André-Marie Mbida ou du conseiller de l'Union française Ahmadou Ahidjo. Deux ans après Diên Biên Phu et le début de la guerre d'Algérie, la France souhaite limiter les zones de tension. Elle entend accorder davantage d'autonomie aux territoires d'outre-mer selon un processus contrôlé, avec des leaders politiques « modérés ». La loi-cadre présentée en 1956 prévoit donc de confier la gestion des affaires intérieures aux assemblées territoriales élues au suffrage universel. Conformément à cette réforme, une assemblée territoriale doit être élue fin 1956, sans que l'UPC ne puisse participer au jeu électoral. Ruben Um Nyobé invite les Camerounais au boycott, en comptant sur l'appui du conseiller de l'Union française Paul Soppo-Priso, qui revendique également l'indépendance. Mais la décision de Soppo-Priso de se présenter aux élections et la pression des militants radicaux conduisent l'UPC à recourir au boycott actif et à la lutte armée pour empêcher le processus électoral. La répression du gouvernement français et du nouveau Haut-commissaire Pierre Messmer est immédiate, ouvrant la voie à une longue guerre au Cameroun.

Bien que les élections de 1956 se déroulent dans ce climat très tendu et que le taux de participation ne dépasse pas les 50 %, les médias français sont peu loquaces sur la situation qui prévaut au Cameroun, avec un strict encadrement des reporters venus sur place. Ils présentent donc l'élection comme une grande avancée attribuée à générosité de la France. Le journaliste indique ainsi avec emphase qu'avec cette « assemblée élue au collège unique et au suffrage universel », « la France donnait au monde une grande leçon de libéralisme ». La majorité revient aux candidats proches des positions françaises : au premier plan le chef de file des 31 élus du nord, le jeune Ahmadou Ahidjo, sur lequel s'ouvre et s'achève le reportage, mais aussi André-Marie Mbida, originaire comme 21 autres élus du centre du Cameroun, que l'on voit à la tribune, aux côtés de Pierre Messmer. Les deux hommes prennent la tête du conseil du gouvernement. La caméra met en évidence des élus représentant les différentes régions, selon une vision « ethniciste » de la vie politique, sans mentionner la guerre menée dans le sud du pays.

Bénédicte Brunet-La Ruche

Transcription

Journaliste
C’est que, dans le même temps, au Cameroun, sans tapage et sans publicité, la France donnait au monde une grande leçon de libéralisme. Une assemblée, élue au collège unique et au suffrage universel, tenait sa séance inaugurale. Elle devra décider, en toute liberté, des voies qui mèneront à l’émancipation du Cameroun.
(Musique)