Le soulèvement de Madagascar
Notice
Le soulèvement qui éclate à Madagascar en avril 1947 oppose pendant vingt mois les autorités françaises aux rebelles malgaches qui espèrent voir évoluer le statut de l'île. Peu relayé par les médias, ce conflit reste encore mal connu.
Éclairage
Les "troubles séparatistes" évoqués dans ce sujet ont éclaté dans la nuit du 29 au 30 avril 1947 à Madagascar et vont durer vingt mois. Le désordre et l'isolement de l'île suite à la défaite française en 1940 puis la reprise en main du territoire par la France Libre en 1943 et la Conférence de Brazzaville l'année suivante ont réveillé chez les nationalistes malgaches l'espoir d'une évolution des relations entre l'île et sa métropole. Après guerre, les revendications concernent d'abord la représentativité politique malgache au sein des Assemblées Constituantes.
Mais au printemps 1947, une insurrection paysanne éclate sur la côte Est de l'île. Révolte spontanée ou complot organisé par des sociétés secrètes nationalistes, il n'en demeure pas moins que le mouvement réunit bientôt les paysans pauvres des hauts plateaux et les élites de l'île qui réclament un nouveau statut plus égalitaire pour les populations malgaches (soit 4 millions de personnes pour 35 000 Européens résidents). La répression française est brutale : aujourd'hui le débat sur le nombre de victimes est encore ouvert. Les chiffres oscillent entre 10 000 et 80 000 malgaches tués contre moins de 2000 soldats français. Cette disparité peut s'expliquer par la faiblesse de l'armement des rebelles : on remarque ainsi que dans le reportage les villageois soumis ne sont armés que de lances. D'autre part, au nombre d'insurgés morts au combat s'ajoutent les décès liés à la malnutrition dans les zones insurgées isolées.
Mais les historiens sont au moins d'accord sur un point : les autorités françaises qui, grâce à leurs informateurs, pouvaient prévoir une telle flambée de violence n'ont rien fait pour l'empêcher. Les accords de paix s'accompagnent donc de ce que le journaliste nomme le retour de la "prospérité" c'est-à-dire la résolution de la crise alimentaire et sanitaire dans ces zones. Cette révolte a des conséquences politiques directes : les trois parlementaires malgaches élus à l'Assemblée sont arrêtés et contraints à l'exil au terme d'un procès expéditif.
Le soulèvement de Madagascar demeure un des premiers exemples de révoltes anti-françaises de l'immédiat-après-guerre dont la répression n'entrave pas la marche vers l'indépendance de l'île obtenue en juin 1960 (cf. La proclamation d'indépendance de Madagascar).
Dès le début du reportage, le journaliste affirme que les troubles malgaches touchent à leur fin. Pour preuve de ce qu'il avance, il filme un cas qu'il veut emblématique : celui d'un village entier à nouveau soumis aux autorités locales françaises.On ne peut que s'étonner de cette prise de position du journaliste car ces images sont diffusés le 4 décembre 1947, un an avant la pacification totale de l'île.
Deux hypothèses peuvent alors être avancées : soit l'évolution des événements fait alors réellement espérer un règlement rapide du conflit ; soit les actualités malgaches cherchent à masquer l'ampleur des troubles qui perdurent sur l'île et à encourager les redditions de ce genre. Dans ce cas, ce reportage s'inscrit dans un traitement médiatique plus global de l'événement : ainsi, en métropole, les rares informations données sur la rébellion n'alertent pas l'opinion publique car elles en minimisent la portée (ce qui rend aujourd'hui le travail de l'historien plus ardu).
Le reportage montre explicitement à l'image la supériorité des colons par rapport à des indigènes dont on décrit certains rites comme autant d'éléments du folklore local. Ainsi,la caméra est placée sur l'estrade à côté des représentants du gouvernement français et les villageois sont filmés en contre-plongée. Cette impression de domination française est accentuée par les images de la soumission à genoux d'une masse de villageois dont les vues générales ne nous permettent pas d'évaluer le nombre : s'agit-il de tout le village ou d'une minorité ? Le cadrage nous donne l'impression globale peut-être trompeuse d'être face à une foule nombreuse.
Enfin, la présence visible de la caméra vers laquelle certains malgaches tournent leurs regards peut également nous alerter sur la mise en scène du reportage. Les dernières images montrant la foule en liesse et les civils en rang au passage des militaires manquent de spontanéité et ne peuvent dont être prises comme significatives de l'état d'esprit de la population. Les images sont ici au service d'un propos qui tend à rappeler que face aux troubles causés par des rebelles présentés comme isolés et marginalisés, la population malgache dans son ensemble reste attachée à la présence française sur l'île.