Le bidonville de Gennevilliers
Notice
Reportage sur la vie des immigrés nord-africains dans le bidonville de Gennevilliers et interview d'un couple d'Algériens installé en HLM à quelques pas du bidonville.
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Éclairage
Pendant plusieurs décennies, Gennevilliers - comme Nanterre - eut le triste privilège d'accueillir des bidonvilles qui étaient installés sur des terrains vagues de la commune. Situé à quelques kilomètres de Paris, dans la banlieue nord, Gennevilliers avait connu deux circonstances particulières : les bombardements qui endommagèrent la zone entre 1942 et 1944 et qui précarisèrent une population importante ; l'arrivée massive de travailleurs immigrés ensuite, en lien avec l'industrialisation.
Rasés en 1960, ces bidonvilles furent progressivement remplacés par des immeubles dont la construction s'étala sur plus d'une dizaine d'années. Or, si la démolition correspond au discours politique de l'époque qui stigmatisait pour des raisons morales la marginalisation dont les bidonvilles sont un effet et une cause, elle ne fut pas immédiatement suivie du relogement des populations concernées. Ces dernières furent souvent contraintes d'occuper d'autres logements de fortune. Avec cette conséquence : il fallut attendre les années 70 pour que des solutions - évidemment non définitives - soient apportées.
Diffusé le 4 mars 1960, ce reportage de Cinq colonnes à la une montre les images d'un bidonville misérable, situé à « trois kilomètres à vol d'oiseau de l'Arc de Triomphe de l'Étoile à Gennevilliers ». Mais à cette sombre description de la modernité, fait écho une version positive des faits, le bidonville devant être rasé quelques jours après l'enregistrement. De dénonciation des pouvoirs publics il n'est donc pas question ici. Seul est mis en cause le propriétaire d'un hôtel qui avait refusé de recevoir l'équipe de tournage, lui qui hébergeait des immigrés dans des conditions inacceptables.
Et pourtant... En dépit de cette absence de jugement critique, la veille de sa diffusion, ce reportage de Jean-Claude Bergeret connut un veto de la part du général de Gaulle qui exigea de le voir. En effet, tout en ne parlant pas directement de la guerre d'Algérie, celui-ci traite d'un sujet qui n'y est pas totalement étranger. D'autant que la situation s'est durcie sur le territoire algérien et que la guerre commence à s'étendre en France. D'où un pouvoir qui veille à ne pas à aggraver les tensions, notamment en pratiquant le contrôle si ce n'est la censure. Une option vers laquelle semblent abonder les auteurs de ce reportage : qu'il s'agisse des images ou des entretiens conduits par Pierre Desgraupes, l'ensemble est mesuré et joue la carte de l'apaisement.
D'ailleurs, c'est seulement vers la fin du reportage, à l'occasion d'un échange entre Pierre Desgraupes et un couple d'Algériens - dont l'assimilation ne paraît pas poser problème (ils vivent en HLM et semblent satisfais de leur condition) - qu'il est question de difficultés pouvant résulter du contexte de crise. En effet, le mari parle d'une rafle dont il a été victime, sa femme disant le sentiment d'injustice qu'elle en a éprouvé. Puis à la question de savoir quel sera leur vote face à la question de l'autodétermination, tous deux disent le savoir sans en dire plus pour autant.
Une façon de promouvoir une option politique assurant la réconciliation entre la France et l'Algérie et donnant au téléspectateur métropolitain des gages de sa possible réussite. De part en part, un discours conforme... à celui du chef de l'État.