Reggane à l'heure H
Notice
Ce film retrace la mise au point de la première bombe nucléaire française, depuis sa fabrication jusqu'à son explosion dans le Sahara, le 13 février 1960.
Éclairage
L'ambition et les moyens alloués à ce film du Service cinématographique des armées (avec par exemple la musique concrète du compositeur Pierre Schaeffer) souligne bien l'enjeu stratégique que représente la bombe nucléaire aussi bien pour sa conception en toute autonomie que pour son expérimentation.
Le contexte de la mise au point de la bombe A française s'inscrit dans celui de la guerre froide. À cette date, comme le rappelle le commentaire, l'arme nucléaire est détenue par trois grandes puissances : les Etats-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne. La conception puis l'expérimentation dans le Sahara marque le tournant de la politique nucléaire de la France en toute indépendance, souhaitée par le général De Gaulle.
La première partie du film retrace donc en détails les étapes de la fabrication sous la direction du Commissariat à l'énergie atomique, de l'extraction du minerai d'uranium jusqu'à l'explosion. Pour cette expérimentation, deux bases sont spécifiquement construites au sud de Reggane dans le Sahara algérien. Les autorités françaises affirment, comme dans ce film, qu'il s'agit d'une zone géographique inhabitée. En réalité, au moins 20 000 personnes vivent à l'époque dans la zone des retombées radioactives.
L'opération « Gerboise bleue » (son nom n'est pas mentionnée dans le commentaire) a lieu le 13 février 1960 et atteint pleinement ses objectifs. Treize autres essais nucléaires suivront entre 1961 et 1966. Un document - déclassifié il y a peu dans le cadre de l'enquête pénale déclenchée par la plainte d'anciens militaires français dans le Sahara et en Polynésie - révèle que le nuage radioactif provoqué par ce premier essai à Reggane a recouvert la moitié nord du continent africain avec des retombées jusqu'en Espagne et en Sicile. Les populations civiles algériennes ont ainsi été victimes des conséquences de ces essais.
Le contexte de la guerre d'indépendance en Algérie n'est jamais évoqué dans le sujet, au profit de la mise en avant de l'indépendance de la France et de ses prouesses scientifiques, rendues par la modernité des installations, le compte à rebours spectaculaire avant l'explosion et le lyrisme du commentaire qui conclut : « La France, par son seul effort national, se trouve en mesure de renforcer dans le domaine de l'armement nucléaire le potentiel défensif de la Communauté et de l'Occident ».
La question du Sahara est un enjeu fondamental aussi bien pour la France que pour les nationalistes algériens, non seulement pour les essais nucléaires mais aussi suite à la découverte de gisements d'hydrocarbures. C'est sur ce sujet qu'achoppent les pourparlers ouverts entre le GPRA et les autorités françaises à Évian en mai 1961 puis de nouveau les discussions au château de Lugrin en juillet 1961. Finalement les accords d'Évian du 19 mars 1962 prévoient que les intérêts de la France au Sahara soient maintenus pour une durée de cinq ans. Cinq installations militaires françaises restent donc actives après l'indépendance. Quatre - Colomb Béchar, Hammaguir, Reggane et In Ekker - sont évacuées comme prévu en 1967, la dernière base, celle de B2 – Namous est abandonnée par l'armée française en 1978.