Le pouvoir beylical sous l'occupation germano-italienne
Notice
Dans la Tunisie occupée par les forces germano-italiennes, Moncef Bey reçoit les représentants de l'Axe à l'occasion de l'Aïd el-kebir.
Éclairage
Depuis la fin de l'année 1941, France-Actualités, société à capitaux français et allemands, détient le monopole des actualités en France et s'attache à promouvoir la politique de collaboration. Dans ce numéro de janvier 1943, le journal évoque la célébration de l'‘īd al-kabīr en Tunisie, sujet en apparence rebattu, chaque fête musulmane étant l'occasion d'exalter l'attachement indéfectible unissant les populations d'Afrique du Nord à la métropole. Pourtant, ce rassurant « marronnier » cache très imparfaitement le séisme qui secoue alors le pays. Moncef a succédé au bey Ahmed le 19 juin 1942. Proche des nationalistes, il n'entend pas se satisfaire du rôle mineur que les autorités françaises ont réservé jusqu'alors au bey malgré le statut de protectorat. Moncef Bey initie une série de réformes qui lui valent une immédiate popularité, comme le montre ici la foule tunisienne massée devant le palais. Dès la fin de l'été 1942, le conflit couve entre le nouveau bey et le très pétainiste amiral Esteva, résident général de France à Tunis. À la suite du débarquement allié en Afrique du Nord, les troupes germano-italiennes prennent pied en Tunisie qu'elles occupent six mois durant (novembre 1942 – mai 1943). Tout en refusant de prendre parti pour les puissances de l'Axe, Moncef Bey tire profit de l'effacement de la France. Le 1er janvier 1943, il n'hésite pas à investir un nouveau gouvernement sans l'assentiment du résident général, un geste politique que le commentateur se garde bien d'évoquer. Celui-ci préfère mettre en avant l'appui du bey « au manifeste par lequel l'amiral Esteva di[t] sa fidélité au maréchal Pétain », une attaque voilée contre le général Giraud alors que la conférence d'Anfa s'ouvre à Casablanca. Le film ne révèle pas seulement l'affaiblissement de l'amiral Esteva, progressivement mis à l'écart par des collaborationnistes toujours plus zélés, mais aussi celui de la France. Aux vues traditionnelles du résident général présentant ses vœux au bey, se substituent celles du général Hans-Jürgen von Arnim, commandant en chef des troupes de l'Axe en Afrique, et de Rudolf Rahn, ministre plénipotentiaire du Reich en Tunisie. De telles images se révèlent a posteriori désastreuses pour Moncef Bey qui, malgré sa prudente neutralité, est accusé de collaboration à la libération de Tunis. Les autorités françaises saisissent ce prétexte pour déposer un souverain jugé trop indépendant. Moncef Bey, qui avait brièvement unifié le mouvement national autour de sa personne, meurt en exil à Pau en 1948.