70 ans de présence française en Tunisie
Notice
À l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la signature du traité du Bardo, ce film de propagande célèbre l'action modernisatrice de la France en Tunisie.
Éclairage
La France célèbre, en 1951, le soixante-dixième anniversaire de la signature du traité du Bardo (1881). Produit par les Actualités françaises, le film 70 ans de présence française glorifie l'action coloniale en Tunisie. Derrière l'outrance de la propagande, perce néanmoins le désarroi du pays protecteur à un tournant de l'histoire tunisienne. Investi en août 1950, le gouvernement M'hamed Chenik a pour mission de conduire la Tunisie vers l'autonomie interne. Mais les réformes sont vite bloquées devant la pression des groupes colonialistes et la situation s'enlise. Sur un ton paternaliste, le commentateur s'adresse aux jeunes Tunisiens qui s'impatientent, blâmant leur ingratitude vis-à-vis de l'œuvre modernisatrice déjà accomplie par la France. La jeunesse est alors au premier plan des préoccupations de la classe politique. Majoritaire dans le pays, elle joue un rôle de plus en plus actif dans la lutte nationale, notamment à travers les mouvements de jeunesse.
Les producteurs du film prennent en compte l'apparition de ce nouvel acteur mais restent embourbés dans un discours archaïque, reprenant un argumentaire qui n'a pas évolué depuis les années 1930. C'est l'éternelle référence au passé romain, à une Tunisie prospère transformée en désert par l'invasion arabe et ressuscitée seulement par la présence française. C'est la vision monolithique d'une société musulmane immobile, qui ne serait sortie de sa torpeur qu'en 1881 : « rien n'était survenu depuis le Moyen-Âge », martèle le commentateur Philippe Este. Dans la grande mosquée de Kairouan, la caméra s'attarde sur les colonnes et les chapiteaux de remploi, rabaissant l'architecture islamique à une vaste entreprise de pillage des monuments antiques. L'œuvre des réformateurs du XIXe siècle, Ahmed Bey en tête, est passée sous silence, au prix de nombreuses contorsions historiques : manufactures, voies ferrées, écoles modernes, clame Este, n'auraient vu le jour qu'après la conquête française. Le documentaire vante notamment les résultats du plan de scolarisation mis en œuvre après la Deuxième Guerre mondiale. La population scolaire du pays est mise en parallèle avec celle de l'Égypte, non sans quelque mauvaise foi car, malgré une nette progression, le taux de scolarisation reste très faible (environ 30 % des enfants musulmans fréquentent l'école primaire en 1954-1955). Toutefois, les producteurs du film ne peuvent résister à cette pique contre un pays dont la modernité et l'indépendance font rêver les Tunisiens.
Le documentaire s'achève sur les images de Bab el-Bhar (la Porte de la mer, appelée Porte de France durant le protectorat), qui ouvre la médina de Tunis vers l'avenue de France et la ville dite européenne. Sur la place dominée par la vieille porte, trône la statue du cardinal Lavigerie brandissant une croix. La lourdeur des symboles n'empêche pas le commentateur d'expliciter son message : « la route de l'avenir tunisien passe par la Porte de France ».