Les réalisations de la France en Algérie

1949
10m 24s
Réf. 00047

Éclairage

Ce film du Gouvernement Général de l'Algérie s'inscrit dans la tradition de la propagande coloniale visant à louer les bienfaits et les réalisations de la France en Algérie. Le développement dont il est ici question a été mis en œuvre précisément au titre du contrôle du territoire et de l'encadrement des populations : infrastructures routières, équipements médicaux, écoles, mise en valeur agricole ou industrielle, maillage administratif.

Dans les faits, les résultats ne sont pas aussi brillants que le laisse supposer le commentaire.

La scolarisation atteint seulement 15% des enfants de colonisés d'Algérie en 1954. Le maillage médical est très inégal et surtout très insuffisant en zone rurale. La moitié des Algériennes accouchent en ville sans suivi, contre 7,8% des Européennes (Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d'indépendance algérienne, Paris, Flammarion, collection Champs Histoire, p.39).

Sur le plan économique, les déséquilibres sont particulièrement forts. La colonisation agraire a été spécialement encouragée. Elle s'est manifestée d'une part, via la colonisation officielle par la distribution des terres du domaine public (préalablement agrandi aux dépens des « indigènes ») à de grands colons ou à des sociétés capitalistes et l'installation dans des villages de familles de petits colons. D'autre part, il s'agit de la colonisation privée par l'achat de terres par des colons aux propriétaires « indigènes », favorisé par la législation coloniale qui facilite la rupture de l'indivision traditionnelle. Ainsi les propriétés des colons représentent 2 726 700 hectares en 1950 soit 27,06 % du sol cultivable. En 1950, la taille moyenne d'une propriété européenne est de 123,73 hectares, à comparer aux 11,65 hectares chez les « indigènes ». Or les 630 732 propriétaires « indigènes » sont beaucoup plus nombreux que les 22 037 colons européens (Guy Pervillé, Atlas de la guerre d'Algérie, de la conquête à l'indépendance, Paris, éditions Autrement, collection « Atlas / Mémoires, 2003, page 12). L'agriculture européenne produit et commercialise la majeure partie des produits agricoles tandis que les fellahs en sont réduits à une agriculture de subsistance.

Sur le plan démographique, la propagande voit dans l'augmentation de la population musulmane la preuve des bienfaits de la colonisation qui crée les ressources alimentaires. Du fait de la transition démographique, c'est-à-dire une baisse continue de la mortalité associée à une forte hausse de la natalité, la population musulmane a en effet été multipliée par trois entre 1830 et 1954, passant de 3 à 9 millions, mais sans que son niveau de vie augmente dans les mêmes proportions. L'agriculture de subsistance des fellahs peine à nourrir en quantités suffisantes les bouches toujours plus nombreuses. Par conséquent, l'exode rural comme l'émigration vers la métropole s'accélèrent.

Sur le plan politique, l'Assemblée algérienne telle qu'elle est définie par le nouveau statut de 1947 entérine une flagrante inégalité. Elle est constituée de deux collèges, composé chacun de soixante représentants. Le premier collège représente les Français d'Algérie pleinement citoyens, hommes et femmes (soit 984 000 personnes en 1954), et une petite minorité de Français musulmans d'Algérie, autorisés à voter pour ce premier collège (65 000 personnes maximum). Le second collège concerne uniquement les « Français musulmans d'Algérie » (8 455 000 en 1954). Les femmes musulmanes ne disposeront du droit de vote qu'en 1958, alors que c'est à Alger qu'a été signée l'ordonnance du 21 avril 1944 qui accorde ce droit aux Françaises. Les élections truquées de l'Assemblée algérienne organisées par le nouveau gouverneur général Naegelen décrédibilisent l'ensemble de l'administration coloniale.

La nuit de la Toussaint Rouge, le 1er novembre 1954, qui marque le déclenchement de la guerre d'indépendance algérienne, vient apporter un violent démenti à la propagande française et sanctionner l'échec du projet colonial.

Peggy Derder

Transcription

(Musique)
Journaliste
Un peu plus de cent ans d’histoire française ont fait d’une Algérie, laissée à l’abandon pendant des siècles, cette terre ruisselante de moissons, qui émerveille le voyageur. Car le spectacle de cette abondance organisée, qui s’est attachée à tous les domaines, a de quoi rendre fière la nation qui l’a conçue, voulue, bâtie. L’Algérie, aujourd’hui, a ses ports, immenses darses modernes, équipés pour l'avenir, libre aux plus gros tonnages. Portes ouvertes sur le vaste monde, où s’échangent les produits naturels de la fécondité algérienne et les créations de la technique qui permettront de nouvelles richesses.
(Bruit)
Journaliste
L’Algérie a, maintenant, son réseau de voies ferrées où circulent les machines les plus modernes, de la diesel, dernier mot de la traction ferroviaire, à [la galate], dont les lignes profilées parlent de distance et de vitesse. L’Algérie a son réseau de routes, routes solides qui ont remplacé les pistes d’antan, déployées à travers plaines et collines comme un écheveau qui facilite les liaisons et les échanges de village à village, de ville à ville, de province à province. L’Algérie, où l’eau a toujours été un problème vital, possède son réseau de barrages, réseau toujours en croissance, barrages à l’avant-garde du modernisme où l’eau s’accumule pour permettre une distribution régulière, et rendre, à la fertilité, des millions d’hectares, hier désertiques. Qui reconnaîtrait l’Algérie d’autrefois dans ces espaces traversés de canaux ruisselants, qui du bassin jusqu’au domaine, jusqu’au verger, iront se ramifiant, se diversifiant par un jeu extraordinaire de canalisations de toutes sortes, porter la vie à la terre ?
(Musique)
Journaliste
Au milieu de toutes ces réussites, emportées de haute lutte contre une nature marâtre, la France ne pouvait oublier l’homme lui-même. Donnant au pays les moyens de prospérer, elle donnait, en même temps, à l’habitant, le moyen de se défendre contre les misères d’une santé souvent en danger.
(Musique)
Journaliste
C’est à ce souci de sauver l’homme de la maladie, de le garder contre les méfaits d’une hygiène trop souvent oubliée, que l’Algérie doit la construction d’hôpitaux exemplaires comme celui de Sétif et de sanas modernes, tel celui de Rivet.
(Musique)
Journaliste
Apporter la santé à l’homme n’est pas tout. Lui donner l’instruction est d’une égale utilité. C’est dans ce sens que des écoles de tous ordres se sont ouvertes à travers l’Algérie. Des lycées de la grande ville aux humbles écoles de campagne, où jeunes Français, musulmans, garçons et filles, mêlent leurs études et leurs jeux.
(Musique)
Journaliste
La France ne s’en est pas encore tenue là. Car si, en apportant à l’Algérie une nouvelle prospérité et les éléments d’une meilleure santé, elle a fait que le chiffre de la population passe, en cent ans, de 2 à 9 millions, si, en donnant aux populations algériennes les possibilités d’une instruction moderne, elle ouvre à ces enfants, sur le seul critère du mérite individuel, l’accès aux plus hautes situations, elle n’a pas hésité, nation démocratique, à les appeler à la gestion de leur pays dans l’ordre et la prospérité qu’elle y apportait. En imposant la paix intérieure et la tranquillité des rapports humains, en libérant de toutes leurs entraves anciennes, les échanges et les contacts, elle a, dès le début, tendu à créer le climat propice à une féconde coopération.
(Musique)
Journaliste
Déjà, Louis Philippe, dès 1834, au temps où nul n’imaginait que la petite darse barbaresque d’Alger pourrait, un jour, devenir l’immense port d’aujourd’hui, proclamait tous les Algériens ressortissants français et créait les premières communes dont les conseils municipaux devaient comprendre un quart de musulmans.
(Musique)
Journaliste
En 1863, dans les douars, ces grandes communes rurales dont la superficie atteint parfois celle de tout un arrondissement métropolitain, un sénatus-consulte organise le pouvoir des djemââ. La djemââ est une assemblée de notables musulmans qui représente ce douar. Élue par les musulmans eux-mêmes dans la forme démocratique, la djemââ se réunissait alors au pied d’un marabout, à l’ombre des figuiers, et discutait non seulement de l’administration de la commune, mais émettait des vœux d’importance plus large, prenait sa place dans l’esprit d’une administration soucieuse de préparer l’avenir.
(Musique)
Journaliste
Et, en 1866, dans les conseils municipaux, la participation musulmane, d’un quart jusque-là, passe à un tiers.
(Musique)
Journaliste
Avec la IIIe République, le pouvoir civil s’installe. Alger devient préfecture. Deux autres chefs-lieux prennent place à côté d’Alger : Oran d’une part, Constantine, de l’autre. Les trois départements algériens sont directement rattachés au ministère de l’Intérieur. Les gouverneurs militaires, Bugeaud, Guesdon, Clauzel, entre autres, font place au civil. Laferrière arrive, et c’est le début de l’heure qui devait, en 1944, porter la représentation musulmane dans les conseils municipaux d'un tiers à deux cinquièmes. Dès 1898, Laferrière établissait les premières délégations financières. Elles fonctionnèrent quarante-cinq ans pour devenir, en 1945, l’Assemblée financière. Parallèlement à cette date, un grand nombre de Djemââ se transforment en centres municipaux. Et leur président devient le maire. Heure magnifique pour l’Algérie que celle de cette heureuse transformation à laquelle la présence de plusieurs ministres de l’Intérieur, venus remettre leur écharpe aux nouveaux maires, confère, jusque dans les communes les plus reculées, un éclat et un retentissement particuliers.
(Musique)
Journaliste
Le départ d’une nouvelle phase politique est donné. La démocratie s’installe avec plus de poids à chaque nouvelle occasion. Le collège musulman s’élargit. Ce sont tous les Français d’Algérie qui élisent des délégués à l’assemblée consultative, puis à l’Assemblée nationale. Et il faut remarquer que la représentation algérienne à l’Assemblée nationale comporte un nombre de députés musulmans égal à celui des non-musulmans.
(Musique)
Journaliste
Aujourd’hui, sur les quais de la Seine, à la porte du palais Bourbon, dans la cour de l’Assemblée ou au seuil du conseil de la République se rencontrent, chaque jour, des silhouettes dont les racines plongent profondément dans le tuf algérien. De ces profonds changements devait naître l’Assemblée algérienne. Créée par le statut de l’Algérie, le 20 septembre 1947, cette Assemblée comporte 120 membres : 60 représentants du premier collège et 60 du second.
(Musique)
Journaliste
Elle siège régulièrement, remplissant le rôle magnifique qui lui est confié, sous la présidence de monsieur Laquière et de monsieur Sayah Abd El Kader, premier vice-président.
(Musique)
Journaliste
Elle devient l’élément moteur politique naturel de l’Algérie, sa voix, son expression. Et il faudra retenir la date du 22 avril 1948 où monsieur le ministre Naegelen, gouverneur général de l’Algérie, en ouvrant la première session, définissait, par ses paroles pleines de sens, l’importance et la grandeur de cet événement historique.
Marcel-Edmond Naegelen
Dans un monde [INAUDIBLE] des catastrophes [INAUDIBLE], dont des doctrines de haine et de violence ont accablé l’humanité, a peine à retrouver son équilibre économique, intellectuel et moral, l’Algérie ne saurait constituer un îlot épargné par le malheur. Il nous faut lui rendre la prospérité et le calme. Il nous faut y enseigner le respect et l’amour de tous les hommes. Il nous faut faire passer dans les faits ce qui n’est encore qu’un texte législatif, cet admirable article 2 du statut. Tous les ressortissants de nationalité française des départements d’Algérie jouissent, sans distinction d’origine, de race, de langue ni de religion, des droits rattachés à la qualité de citoyen français, étant soumis aux mêmes obligations.
(Bruit)
Journaliste
La France démocratique continue.
(Musique)