Léon : sauvetage des oiseaux victimes de la marée noire

21 décembre 1999
01m 23s
Réf. 00085

Notice

Résumé :

Depuis le naufrage de l'Erika, les pompiers de Léon recueillent un nombre inhabituel d'oiseaux mazoutés, échoués sur les plages du littoral. Transportés à la caserne, les oiseaux sont pris en charge et tout est mis en œuvre pour les sauver.

Date de diffusion :
21 décembre 1999
Source :
France 3 (Collection: 12/13 )

Éclairage

Le samedi 11 décembre 1999, l'Erika, un pétrolier battant pavillon maltais mais affrété par la société Total-Fina-Elf, est en difficulté au large de la Bretagne. Le commandant de ce bâtiment, construit en 1975, signale alors une gîte anormale et évoque "des fissures" mais les très mauvaises conditions météorologiques ne peuvent autoriser une quelconque intervention.

L'appel de détresse lancé le lendemain, à 6 heures du matin, augure donc du pire. Le navire croise alors au large de Penmarc'h, au sud du Finistère, et, à 8 heures, il se casse en deux libérant 10 000 tonnes de fuel. Depuis la catastrophe du Torrey Canyon, au large de la Grande Bretagne, le 18 mars 1967, c'est le 7e accident majeur qui se produit près des côtes d'Europe occidentale. Les conséquences devraient être, une fois de plus, terribles pour l'équilibre écologique.

Dans l'après-midi, un remorqueur tente d'éloigner la carcasse des côtes d'Ouessant et à 18 heures, le plan POLMAR [1] est lancé. Commencent alors les opérations de pompage rendues difficiles par les intempéries car, une fois de plus, le drame a lieu à la mauvaise saison, entre équinoxe d'automne et équinoxe de printemps. Jusqu'au 25 décembre, les efforts sont insuffisants pour éviter la pollution de la côte près de Lorient, où une tempête aggrave la situation. Dominique Voynet, alors ministre de l'Écologie, se veut pourtant rassurante, affirmant que "ce n'est pas la catastrophe du siècle". Comparées aux 119 000 tonnes du Torrey Canyon, aux 80 000 tonnes de l'Aegian Sea au large de la Corogne en 1992 et, plus tard, en 2002, aux 70 000 tonnes lâchées par le Prestige au large des côtes de Gascogne, les 20 000 tonnes perdues par l'Erika pourraient effectivement sembler "minimes" ; elles causent pourtant la plus grande mortalité d'oiseaux marins et la pollution la plus dangereuse à ce jour, compte tenu de la nature des produits déversés dans la mer.

Du Finistère à la Charente-Maritime, 400 km de côtes sont souillées ; on compte entre 150 000 et 300 000 oiseaux morts, soit dix fois plus que lors du naufrage de l'Amoco Cadiz, en 1978, au large des côtes bretonnes. Le poids des déchets rejetés par la mer annonce, une fois de plus, une longue lutte pour rendre aux territoires concernés un aspect attrayant et relancer l'activité halieutique ; des opérations qui se révèlent d'autant plus urgentes et méticuleuses que les produits rejetés sont à haute teneur cancérigène. À long terme, les conséquences peuvent être très graves ; dans l'immédiat, des milliers d'oiseaux en détresse doivent être sauvés et leur sacrifice rend compte de l'impact sur leur biotope et l'environnement en général. Le préjudice écologique est en effet immense expliquant la réaction de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) et la mise en place d'une législation adaptée à ce type de nuisance.

Ainsi, dès janvier 2000, les Affaires Maritimes mettent en évidence les dangers de la navigation sous pavillon de complaisance et, le 1er avril, une marche est organisée à Paris par des représentants des régions concernées exigeant des mesures drastiques, notamment l'indemnisation des professionnels de la mer et du tourisme ; ils exigent aussi des sanctions contre les auteurs de dégazages illicites d'hydrocarbures en mer.

L'opération de nettoyage, financée par la société Total-Fina-Elf qui s'était déclarée "non responsable", dure une partie de l'été ; pendant ce temps, le sauvetage des 36 000 oiseaux mazoutés ramassés vivants se poursuit. Fin janvier 2002, la LPO dépose donc plainte auprès du Parquet de Paris pour que soient établies les responsabilités pénales et reconnus trois chefs de préjudice à l'encontre des fautifs : préjudice moral par référence à sa mission, la protection des oiseaux et des écosystèmes dont ils dépendent ; préjudice économique lié aux dépenses de l'association engagées en faveur des oiseaux mazoutés ; préjudice écologique enfin, lié à la destruction d'espèces protégées.

Moins que des réparations financières, c'est surtout la reconnaissance du "vivant non commercial" que plaide la LPO devant le Tribunal correctionnel de Paris, pendant les quatre mois du procès de l'Erika (12 février-13 juin 2007). À l'heure où l'Europe tente de limiter la perte de la biodiversité, alors qu'on sait qu'il a fallu 20 ans pour faire disparaître les traces du naufrage de l'Amoco Cadiz, cette requête s'inscrit dans un souci légal. Le bilan est lourd : les alcidés ou oiseaux marins sont les plus touchés : guillemots de Troïl, macreuses noires, fous de Bassan et mouettes tridactyles notamment.

"La plus grande catastrophe ornithologique du monde", selon les propos de Maître Ferré, l'un des deux avocats de la LPO, est bien l'aboutissement d'un faisceau d'incompétences et d'incohérences heureusement compensés, à terre, par un "extraordinaire élan de solidarité humaine".

Bien après les nouveaux épisodes liés aux naufrages de l'Ievoli Sun, le 30 octobre 2000 au large des îles anglo-normandes d'Aurigny, et du Prestige, le 19 novembre 2002 dans le golfe de Gascogne, jugement est rendu le 16 janvier 2008 pour les ravages causés par l'Erika après 6 longues années d'instruction. L'accumulation de ces accidents majeurs a-t-elle influencé le verdict ? De fait, Total et Rina, armateur et gestionnaire, sont condamnés à payer des amendes maximales. Si les associations environnementales - dont Les Amis de la Terre - saluent ce geste, elles espèrent que cette jurisprudence ouvrira la voie à une réforme radicale du droit maritime.

En tout cas, Michel Barnier, alors ministre de l'Agriculture et de la Pêche, parle de "Jugement exemplaire" car, pour la première fois, "on donne un prix à la nature".

[1] Les plans POLMAR constituent des plans d'intervention en cas de pollution accidentelle des milieux marins, permettant la mobilisation et la coordination des moyens de lutte.

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Xavier Beele
Bon on voit que celui-là est quand même un ..., oh si, il est touché quand même. Il est touché. Le seul problème c’est de savoir s’il en a avalé ou pas.
Journaliste
Cet oiseau des mers est un fou de bassan, une espèce très répandue sur les côtes bretonnes. Pour cette seule journée de lundi, c’est le sixième recueilli ainsi par les pompiers landais. Un d’entre eux n’a pas survécu à son mazoutage. Pour le commandant Beele, spécialiste du littoral, ces oiseaux ne sont pas victimes d’un simple dégazage par un navire au large, comme il en voit trop souvent chaque année.
Xavier Beele
Normalement, on doit avoir très peu d’oiseaux mazoutés dans les Landes et surtout pas d’oiseaux avec un mazout aussi collant quoi.
Journaliste
Il n’y a pas un rapprochement avec ce qui s’est passé avec l'Erika ?
Xavier Beele
Je pense que oui.
Journaliste
Depuis hier, la caserne des pompiers s’est transformée en clinique vétérinaire. Les oiseaux les moins touchés sont nettoyés sur place, les plus atteints par le mazout sont envoyés au Teich près de Bordeaux, certains irrécupérables, sont simplement euthanasiés.
Xavier Beele
Prévoit des cartons, du scotch, du savon pour nettoyer les oiseaux et puis des brosses, des brosses à dents pour nettoyer les oiseaux, des brosses.
Journaliste
Pendant ce temps-là, d’autres sapeurs-pompiers sur le rivage, poursuivent leur funeste patrouille, tous pensent que l’échouage des oiseaux mazoutés ne fait que commencer.