Débâcle des scieries landaises : le cas de la scierie de Bénesse-Maremme
Notice
Dans les Landes, les scieries ferment les unes après les autres ne pouvant plus faire face aux prix élevés pratiqués par les propriétaires forestiers locaux. Exemple, à Benesse-Maremme où la scierie de Christian Nicolas a du fermer après 31 ans d'activité.
Éclairage
Le vaste mouvement de désindustrialisation, lentement mais sûrement amorcé dans les vieilles contrées européennes depuis la fin des années 1970, ne manque pas de toucher les industries du bois dans les Landes. Au début des années 2000, en dépit de la tempête du 27 décembre 1999 [1], les vastes espaces forestiers du département, essentiellement en pins maritimes, sont un atout non négligeable. Ils fournissent une matière première abondante, utile à l'industrie papetière, à la fabrication des panneaux de particules, au sciage en général (bois d'œuvre pour le bâtiment ou l'ameublement) et même - en cette période où l'on se préoccupe de l'environnement et des énergies vertes - fort avantageuse pour le chauffage. Pourtant l'équilibre entre producteurs de bois (les propriétaires forestiers) et clients industriels ne se fait pas parfaitement. L'adéquation semble particulièrement difficile pour les petites ou moyennes scieries constellant le massif des Landes de Gascogne.
Les faits sont là. Le nombre de ces établissements industriels, souvent des PME à structure familiale, a fortement diminué (90 scieries dans les Landes en 1992, 36 seulement en 2004 après la disparition de 11 usines dans la seule année 2003) ; et d'autres unités sont menacées, avec toutes les incidences socio-économiques que cela implique. Pourquoi cette situation paradoxale alors que la demande en bois et dérivés ne fléchit guère [2] ?
La plupart des scieries se sont pourtant modernisées : automatisation, travail en continu et même, dans certains gros établissements très performants, scannage préalable des grumes pour en rentabiliser au mieux la découpe. On est loin du travail quasiment artisanal des scieries mobiles à vapeur et des "machinaïres" [4] des pinhadars de jadis, mais cela engendre endettement et, conjoncture oblige, difficultés de trésorerie.
Cependant le temps long des forêts et des sylviculteurs ne suit pas exactement le rythme nécessairement plus court des industriels. Ceux-là répondent à la demande d'un marché très évolutif et généralement instable, lié à la conjoncture économique et, qui plus est, confronté à la concurrence internationale. Elle n'est pas nouvelle, mais se précise et s'élargit.
Certes, en ces années 2000 la mondialisation se confirme et réel est l'appétit manifesté, tant pour le bois que pour d'autres matières premières, par la Chine ou par d'autres pays émergents. Mais, au seul niveau européen, la compétition est rude, pour au moins deux raisons.
D'une part, à l'intérieur même de l'Union européenne, les fameux avantages comparatifs [4] peuvent déjà profiter depuis deux décennies ou plus à des pays à main-d'œuvre moins coûteuse ou à fiscalité avantageuse (Espagne ou Irlande par exemple).
D'autre part, en ce printemps 2004 où fait rage en France le débat référendaire sur le projet de Traité constitutionnel européen, se profile aussi l'entrée des pays de l'ex-Europe de l'Est du temps de la Guerre froide, appelés aussi et plus pertinemment du point de vue géographique les "PECO" (pays d'Europe centrale et orientale). Caricaturée sous la forme réductrice dite du "plombier polonais", se pose encore la question des avantages comparatifs dans ces États qui entrent cette année même dans l'UE [5], assoiffés de liberté et résolument tournés vers le libéralisme économique. Le changement de "géométrie" de l'Europe suscite d'ailleurs des opérations de délocalisations des sites productifs ou même des services vers la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie ou autres.
[1] Elle touche beaucoup plus la Gironde et la partie nord des Landes, tandis que le redoutable ouragan Klaus du samedi 24 janvier 2009 ravage, lui, le cœur du massif landais.
[2] La consommation croît dans un contexte de besoins qui augmentent dans les secteurs de l'ameublement, du bâtiment (décoration, lambris, parquets), du bricolage et de l'aménagement liés à l'augmentation du parc immobilier et du temps de loisirs.
[3] Machinaïre : terme gascon, couramment utilisé sur les chantiers, désignant l'ouvrier qui, fonction importante, entretenait la machine à vapeur actionnant les scies mécaniques.
[4] Vieux paramètre du libre-échange, cette notion représente les avantages qu'un pays peut mettre en avant et exploiter dans l'échange international : coût et qualité voire docilité de sa main-d'œuvre, formation de ses cadres, facilité d'accès aux matières premières, fiscalité, législation sur le travail...
[5] En 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie. La Bulgarie et la Roumanie n'adhèrent qu'en 2007.