Landes
Notice
Originaire de Labouheyre, le photographe et poète landais Félix Arnaudin (1844-1921) a à cœur, tout au long de sa vie, de livrer un témoignage fidèle des Landes et de ses traditions, au moment où celles-ci connaissent une irréversible mutation liée à la plantation des pins et au développement de l'industrie sylvicole.
Éclairage
Au milieu du XIXe siècle, ce que l'on nomme aujourd'hui le massif forestier des Landes de Gascogne se donnait à voir tel une mosaïque de forêts, de champs et de "lande rase" destinée à la pâture des ovins. À ce paysage répondait un mode de production "agro-sylvo-pastoral", avec un système social propre et une culture orale multiséculaires, véritable miroir et vecteur d'une conscience communautaire.
Né en 1844 puis parti étudier à Mont-de-Marsan, Félix Arnaudin retrouva son village natal de Labouheyre en 1861, et assista, impuissant, à la dislocation du monde de son enfance au profit de la sylviculture, véritablement favorisée par la loi du 19 juin 1857, incitant les communes à ensemencer les terrains communaux, condamnant ainsi la pratique de l'élevage extensif.
Félix Arnaudin refusa ce nouveau mode d'exploitation de la Lande, envisageant la "forêt industrielle" comme une mise à mort de l'ancienne sociabilité et des rapports de solidarité. Après quelques courtes expériences professionnelles et des oppositions avec sa famille donnant lieu à une rupture en 1874, il se considéra de plus en plus comme un "déclassé". Célibataire, sans emploi, vivant du revenu de ses quelques métairies, il entrevoyait ce qui, à l'époque, semblait être un échec social comme le signe d'une vocation.
En s'opposant aux transformations sociétales, économiques et environnementales de son pays, il choisit, non pas d'en souffrir dans une nostalgie de l'ancienne société, mais plutôt de se positionner comme un des derniers témoins de la vieille lande. Jusqu'à sa mort, en 1921, il œuvra à révéler une terre, une langue et un paysage en mutation. Dans une démarche rigoureuse aux procédures reconnues par les instances scientifiques de l'époque, il collecta, écrivit, collectionna et laissa à la postérité une somme de traditions en passe de disparaître.
Dans un journal intime commencé à l'âge de 17 ans, il nota ses réflexions personnelles et relata à travers les épisodes de sa vie privée l'évanouissement d'un monde. Parallèlement à cette littérature journalière, Félix Arnaudin entrepris de consigner une tradition orale ancestrale en recueillant proverbes, contes et chants populaires, lors de veillées paysannes. Cette matière fera l'objet de trois publications de son vivant : Contes populaires (1887), Chants populaires (1912) et Choses anciennes de l'Ancienne Grande-Lande, première série (1920).
Aux retranscriptions scrupuleuses de cette oralité viennent s'ajouter les multiples feuillets de notes parfois très scientifiques, dans un souci permanent d'une justesse de la méthode de travail. Comparable à l'enquête de terrain aujourd'hui, il parcourut la lande à bicyclette, interrogeant les derniers porteurs de la tradition avec un questionnaire préparé au préalable. Dénuée de tout préjugé romantique, sa démarche sera toujours portée par une intention objective tant dans la dimension folkloriste et ethnographique de son œuvre que dans celle historique et littéraire.
Néanmoins, le travail de Félix Arnaudin trouve toute son originalité dans la photographie. À la fois technicien et artiste, s'adaptant aux évolutions technologiques, il livre un témoignage précieux, figeant dans une sorte d'éternité et d'universalité des paysages et une société disparaissant à l'ère du "progrès". Ce corpus de près de 2700 plaques photographiques fut entièrement répertorié par l'auteur lui-même permettant la localisation et la datation des clichés dans un souci sans cesse réaffirmé de méthode faisant de lui un véritable folkloriste.
Son travail fut redécouvert et publié au début des années 1960, et réédité depuis.
Bibliographie :
- ARNAUDIN Félix, Œuvres complètes, Belin-Belliet : Parc Naturel des Landes de Gascogne, Bordeaux : éd. Confluences, 1994-2007, 9 volumes.
- SARGOS Jacques, MANCIET Bernard, BARDOU Pierre, LATRY Guy, Félix Arnaudin, imagier de la Grande-Lande, Bordeaux : éd. Belin, 1993.