Assemblée générale des syndicats de sylviculteurs à Mimizan
Notice
Comme l'explique son président, Dominique Dorlane, au cours de cette interview, la 52ème assemblée générale des syndicats de sylviculteurs du Sud-Ouest, qui s'est tenue à Mimizan, a été l'occasion de résoudre un certain nombre de problèmes relatifs à la gestion sylvicole dans la forêt des Landes de Gascogne et de réfléchir à de nouveaux débouchés pour une totale exploitation des bois
Éclairage
L'assemblée générale des sylviculteurs du "massif gascon" [1] revêt chaque année une allure de grand'messe. Elle réunit avant tout le petit monde des propriétaires forestiers – grosses fortunes foncières ou modestes "ayant-pins" [2] – et celui des industriels du bois, c'est-à-dire les scieurs, mais aussi les gros consommateurs de matière première que sont les papeteries [3] et les entreprises fabriquant des panneaux de particules [4].
On ne manque évidemment pas de convier les représentants de l'État, à commencer par le préfet du département où se tient la réunion, sans oublier les fonctionnaires dont les attributions sont précisément liées à la forêt : ceux du Génie Rural ou des Eaux et Forêts [5], et bien entendu l'ONF, Office National des Forêts, qui, gestionnaire lui-même des forêts domaniales sur le cordon dunaire littoral, est un acteur et un régulateur important du marché du bois.
Que serait enfin une telle assemblée s'il n'y avait la présence de nombreux élus ? Parlementaires, conseillers généraux ou maires, parfois eux-mêmes propriétaires ou gestionnaires d'importantes superficies forestières dans le cas de communes ayant conservé ou acquis parfois plusieurs centaines d' hectares boisés, sont très attentifs aux questions débattues. Bien que le mot soit dans les années 1960, en France, un peu suspect et en tout cas peu usité, ils fonctionnent à certains égards comme un "lobby", ou groupe de pression [6].
Enfin, se risquerait-on à oublier les associations syndicales de DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) et les uniformes des pompiers dits alors "forestiers" ? Certainement pas, car hommes et femmes de la forêt des Landes de Gascogne ont encore, ô combien brûlant ! le traumatisme des "années de braise", de 1942 à 1949, lorsque les grands incendies ravagent les pinhadars.
Avec l'ordre du jour de l'assemblée générale de Mimizan, on repère les préoccupations des sylviculteurs de la forêt landaise.
Il est d'abord question de problèmes de gestion, de regroupements, de concentration. De fait, la gestion directe des boisements n'est plus toujours possible pour des propriétés parfois fragmentées au gré des héritages ou des ventes, et des propriétaires qui ne sont pas toujours résidents dans la région et qui peuvent même avoir un mode de vie complètement étranger à ces questions. D'où la montée en puissance des structures juridiques (groupements forestiers, sociétés civiles, plans de gestion...) censées simplifier et valoriser la conduite des peuplements.
Si la sylviculture peut avoir, pour les "Landais de vieille souche" comme pour bien d'autres acteurs du monde forestier, une dimension sentimentale liée au fait qu'elle s'inscrit forcément dans le "temps long", elle n'a pas moins à affronter les impératifs économiques. Pour la culture du pin maritime (Pinus pinaster) et des résineux en général très liés à la production industrielle - laquelle s'inscrit évidemment dans des cycles plus courts - se pose donc la question de l'intensification des peuplements.
De puissants engins forestiers arrivent sur le marché. On développe la ligniculture, les plants produits en pépinières commencent à être préférés aux semis à l'ancienne, les travaux de dépressage ou d'ébranchage des jeunes tiges sont prônés par les uns ou laissent perplexes les autres.
Les industriels du sciage veulent de préférence du bois "sans nœuds", tandis que l'industrie papetière ou les usines de panneaux de particules achètent, moins cher évidemment, les cimes et autres parties moins nobles. D'où la recherche de débouchés nouveaux et les tentatives d'intensification que stimule la recherche (rôle important de l'Institut du Pin à l'Université de Bordeaux et de l'INRA à Cestas-Pierroton).
[1] Massif gascon : terme souvent utilisé dans la presse pour désigner les espaces forestiers des Landes de Gascogne. Il est un peu abusif toutefois car le domaine gascon, au sens linguistique et même historique, comprend bien d'autres zones boisées (forêts des montagnes du Béarn, de la Bigorre ou du Couserans).
[2 ] "Ayant-pin" : expression sans doute désuète des anciens textes notariés ou coutumes d'antan mais qui reflète pleinement les mentalités d'une société bien typée.
[3] Les usines de pâte à papier dans les Landes de Gascogne, apparaissent entre les années 1920 et 1945. Dès les années 1920, milieux sylvicoles et élus oeuvrent, non sans difficultés car la crise est sévère dans les années 1930, pour mettre en place des unités utilisant une matière première abondante. Cinq usines apparaissent : Bègles, Facture-Biganos, Mimizan, Roquefort, Tartas. On passe plus tard à trois seulement dans les années 1980 (Facture, Mimizan, Tartas).
[4] Panneaux de particules : usines à Labouheyre, Morcenx, Rion-des-Landes.
[5] La fonction de "DDAF" ou directeur départemental de l'agriculture et de la forêt apparaît en 1984. Le corps des ingénieurs agronomes issus du corps du Génie Rural et celui des Eaux et Forêts fusionnent en 1965 ; d'où leur nouvel acronyme : IGREF. D'autres fusions et regroupements viennent après, notamment avec les Ponts et Chaussées en 2009. La RGPP (révision générale des politiques publiques) amplifie encore les regroupements des administrations, sinon les compétences.
[6] On observe dans la séquence que le journaliste Philippe Louit signale la présence du sénateur Max Monichon (1900-1977). Cet élu girondin est l'auteur, en décembre 1959, d'un célèbre amendement à la loi Sérot d'avril 1930. Il s'agit de mesures fiscales incitant les propriétaires privés à assurer une bonne gestion forestière pendant 30 ans, c'est-à-dire en évitant de couper prématurément les arbres.