Assemblée générale des syndicats de sylviculteurs à Mimizan

01 juillet 1969
02m 53s
Réf. 00101

Notice

Résumé :

Comme l'explique son président, Dominique Dorlane, au cours de cette interview, la 52ème assemblée générale des syndicats de sylviculteurs du Sud-Ouest, qui s'est tenue à Mimizan, a été l'occasion de résoudre un certain nombre de problèmes relatifs à la gestion sylvicole dans la forêt des Landes de Gascogne et de réfléchir à de nouveaux débouchés pour une totale exploitation des bois

Date de diffusion :
01 juillet 1969

Éclairage

L'assemblée générale des sylviculteurs du "massif gascon" [1] revêt chaque année une allure de grand'messe. Elle réunit avant tout le petit monde des propriétaires forestiers – grosses fortunes foncières ou modestes "ayant-pins" [2] – et celui des industriels du bois, c'est-à-dire les scieurs, mais aussi les gros consommateurs de matière première que sont les papeteries [3] et les entreprises fabriquant des panneaux de particules [4].

On ne manque évidemment pas de convier les représentants de l'État, à commencer par le préfet du département où se tient la réunion, sans oublier les fonctionnaires dont les attributions sont précisément liées à la forêt : ceux du Génie Rural ou des Eaux et Forêts [5], et bien entendu l'ONF, Office National des Forêts, qui, gestionnaire lui-même des forêts domaniales sur le cordon dunaire littoral, est un acteur et un régulateur important du marché du bois.

Que serait enfin une telle assemblée s'il n'y avait la présence de nombreux élus ? Parlementaires, conseillers généraux ou maires, parfois eux-mêmes propriétaires ou gestionnaires d'importantes superficies forestières dans le cas de communes ayant conservé ou acquis parfois plusieurs centaines d' hectares boisés, sont très attentifs aux questions débattues. Bien que le mot soit dans les années 1960, en France, un peu suspect et en tout cas peu usité, ils fonctionnent à certains égards comme un "lobby", ou groupe de pression [6].

Enfin, se risquerait-on à oublier les associations syndicales de DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) et les uniformes des pompiers dits alors "forestiers" ? Certainement pas, car hommes et femmes de la forêt des Landes de Gascogne ont encore, ô combien brûlant ! le traumatisme des "années de braise", de 1942 à 1949, lorsque les grands incendies ravagent les pinhadars.

Avec l'ordre du jour de l'assemblée générale de Mimizan, on repère les préoccupations des sylviculteurs de la forêt landaise.

Il est d'abord question de problèmes de gestion, de regroupements, de concentration. De fait, la gestion directe des boisements n'est plus toujours possible pour des propriétés parfois fragmentées au gré des héritages ou des ventes, et des propriétaires qui ne sont pas toujours résidents dans la région et qui peuvent même avoir un mode de vie complètement étranger à ces questions. D'où la montée en puissance des structures juridiques (groupements forestiers, sociétés civiles, plans de gestion...) censées simplifier et valoriser la conduite des peuplements.

Si la sylviculture peut avoir, pour les "Landais de vieille souche" comme pour bien d'autres acteurs du monde forestier, une dimension sentimentale liée au fait qu'elle s'inscrit forcément dans le "temps long", elle n'a pas moins à affronter les impératifs économiques. Pour la culture du pin maritime (Pinus pinaster) et des résineux en général très liés à la production industrielle - laquelle s'inscrit évidemment dans des cycles plus courts - se pose donc la question de l'intensification des peuplements.

De puissants engins forestiers arrivent sur le marché. On développe la ligniculture, les plants produits en pépinières commencent à être préférés aux semis à l'ancienne, les travaux de dépressage ou d'ébranchage des jeunes tiges sont prônés par les uns ou laissent perplexes les autres.

Les industriels du sciage veulent de préférence du bois "sans nœuds", tandis que l'industrie papetière ou les usines de panneaux de particules achètent, moins cher évidemment, les cimes et autres parties moins nobles. D'où la recherche de débouchés nouveaux et les tentatives d'intensification que stimule la recherche (rôle important de l'Institut du Pin à l'Université de Bordeaux et de l'INRA à Cestas-Pierroton).

[1] Massif gascon : terme souvent utilisé dans la presse pour désigner les espaces forestiers des Landes de Gascogne. Il est un peu abusif toutefois car le domaine gascon, au sens linguistique et même historique, comprend bien d'autres zones boisées (forêts des montagnes du Béarn, de la Bigorre ou du Couserans).

[2 ] "Ayant-pin" : expression sans doute désuète des anciens textes notariés ou coutumes d'antan mais qui reflète pleinement les mentalités d'une société bien typée.

[3] Les usines de pâte à papier dans les Landes de Gascogne, apparaissent entre les années 1920 et 1945. Dès les années 1920, milieux sylvicoles et élus oeuvrent, non sans difficultés car la crise est sévère dans les années 1930, pour mettre en place des unités utilisant une matière première abondante. Cinq usines apparaissent : Bègles, Facture-Biganos, Mimizan, Roquefort, Tartas. On passe plus tard à trois seulement dans les années 1980 (Facture, Mimizan, Tartas).

[4] Panneaux de particules : usines à Labouheyre, Morcenx, Rion-des-Landes.

[5] La fonction de "DDAF" ou directeur départemental de l'agriculture et de la forêt apparaît en 1984. Le corps des ingénieurs agronomes issus du corps du Génie Rural et celui des Eaux et Forêts fusionnent en 1965 ; d'où leur nouvel acronyme : IGREF. D'autres fusions et regroupements viennent après, notamment avec les Ponts et Chaussées en 2009. La RGPP (révision générale des politiques publiques) amplifie encore les regroupements des administrations, sinon les compétences.

[6] On observe dans la séquence que le journaliste Philippe Louit signale la présence du sénateur Max Monichon (1900-1977). Cet élu girondin est l'auteur, en décembre 1959, d'un célèbre amendement à la loi Sérot d'avril 1930. Il s'agit de mesures fiscales incitant les propriétaires privés à assurer une bonne gestion forestière pendant 30 ans, c'est-à-dire en évitant de couper prématurément les arbres.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Journaliste
La 52e Assemblée générale des syndicats de sylviculteurs du sud-ouest s’est déroulée jeudi à Mimizan sous la présidence de Monsieur Dominique Dorlanne, en présence également du président national, Le Comte Leclerc de Hauteclocque, en présence également du sénateur Max Monichon et de bien d’autres personnalités. Mais c’est avec Monsieur Dominique Dorlanne, à l’issue de cette assemblée, que je voudrais, maintenant, faire le point de la situation actuelle de nos forêts d’Aquitaine.
Dominique Dorlanne
La forêt de Gascogne, qui était notre préoccupation essentielle aujourd’hui, est évidement confrontée à de très nombreux problèmes. Et nous sommes obligés chaque année de choisir certains de ces problèmes pour essayer de les traiter plus à fond. Ce qui nous a occupé cette année, ici à Mimizan ; en même temps d’ailleurs que c’est la préoccupation essentielle de la fédération nationale, on l’a bien vu lors de l’Assemblée générale que cette dernière a tenu à Lyon ; ce sont les problèmes de gestion sylvicole qui se rejoignent avec les impératifs de réorganisation, les impératifs de regroupement des propriétaires forestiers. D’autre part, une autre question très préoccupante pour nous, est la question de nos rapports avec nos acheteurs ; dans la région il s’agit essentiellement des papeteries, des fabricants de panneaux de particules, mais également des industries plus traditionnelles que sont les industriels en bois. Nous avons essayé, au syndicat des sylviculteurs, de mettre sur pied un programme global que nous avons aujourd’hui, avec l’approbation unanime de l’Assemblée générale, mis au point et que nous offrons maintenant à nos acheteurs, à nos utilisateurs, avec lesquels nous ne sommes pas toujours d’accord mais avec lesquels nous devons nous mettre d’accord et seule, à notre avis, cette politique de concertation permet d’y arriver.
Journaliste
Je crois d’ailleurs, Monsieur le président, qu’il y a un point sur lequel vous avez particulièrement insisté également, c’est l’intensification industrielle nécessaire dans ce département des Landes et dans les régions forestières pour permettre une totale exploitation des bois.
Dominique Dorlanne
C’est exact. Nous souhaitons, en effet, que les efforts de productivité que nous faisons depuis 10 ans et même plus de 10 ans, soient récompensés. Ils le sont déjà dans les faits matériellement, et nous obtenons une bien meilleure productivité des bois. Nous souhaitons maintenant trouver pour ces bois nouveaux, pour cette augmentation de production, des débouchés qui soient également nouveaux. Nous souhaitons d’ailleurs que les industries utilisatrices que nous voulons diversifier et que nous attendons surtout dans les domaines où elles sont les plus utiles ; nous souhaitons donc que ces industries s’attaquent aux problèmes des bois de second choix qui, à certains moments de l’année ou dans certaines années, posent quelques problèmes d’utilisation et par conséquent de prix.