Vente de coupes de bois de l'ONF à Mont-de-Marsan
Notice
A Mont-de-Marsan, la vente de coupes de bois de l'ONF révèle une importante hausse des cours du bois d'œuvre et d'industrie ; face à la raréfaction de la pâte à papier, les papeteries, souhaitant garantir leurs productions, sont peu regardantes quant aux prix et n'hésitent pas à investir dans des coupes destinées aux scieries.
Éclairage
Les cours du bois de pin, matière première très importante pour l'industrie, sont depuis que les pinhadars des Landes de Gascogne ont été étendus, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, au cœur des préoccupations des forestiers. Le petit monde des marchands de bois - acheteurs salariés des grands groupes papetiers [1], scieurs [2] des petites ou grandes entreprises locales et bien évidemment propriétaires attentifs à leurs revenus - suit donc attentivement les grandes ventes qu'organise l'ONF [3].
Certes, dans les Landes de Gascogne, cet organisme est avant tout gestionnaire des grandes forêts domaniales [4] du littoral dunaire, mais - vieux "privilège" hérité de l'administration quasi militaire des Eaux et Forêts d'antan - il supervise les ventes de bois. Les propres quantités qu'il met sur le marché jouent un rôle important par rapport à la fixation des cours moyens.
La "grand'messe" des ventes ONF dans la salle municipale de l'Auberge landaise à Mont-de-Marsan pourrait ne refléter qu'une simple et pittoresque mercuriale. Il n'en est rien, en fait, car les grandes tendances économiques mondiales influencent le marché.
Du fait de la hausse de la demande internationale en pâte à papier – liée aux besoins en emballage en papier kraft ou en carton et à la montée de la grande distribution s'approvisionnant parfois assez loin, y compris dans les pays ateliers d'Asie commençant à monter en puissance – les bois d'industrie ou "bois de trituration" (la seconde qualité en fait) s'arrachent. Les cours flambent même, avec même des incidences sur le cours des bois d'œuvre, plus délicats et variés à dénicher par les scieurs recherchant souvent les meilleurs produits pour le parquet, le lambris ou l'ameublement.
Soucieux d'équilibre et de modération, l'ONF tente de retirer certains lots de la vente pour conserver une dimension raisonnable au marché. Mais il a fort à faire car, en cette fin 1974, l'économie mondiale subit pleinement le premier "choc pétrolier".
En effet, d'une part, les gros industriels sont friands de stocks assez abondants, fût-ce même de bois d'oeuvre, car, au fond, les grandes manœuvres sur le marché de la pâte à papier ont commencé. D'autre part, les petits scieurs sont pénalisés par la conjoncture et le renchérissement des coûts énergétiques.
Le rythme de la gestion forestière est peut-être lent mais il n'est nullement à l'abri des soubresauts de l'économie.
[1] Groupes papetiers : à vrai dire, au milieu des années 1960, on commence à peine à parler de "groupes" dans le petit cercle des usines papetières des Landes de Gascogne, même si capitaux nécessaires et diversification des activités (fabrication de sacs et sachets ou d'ouate cellulosique par exemple) annoncent regroupements et accession à la dimension internationale qui devient effective dans le contexte de la mondialisation à la fin des années 1980. Il s'agit d'abord, pour le massif gascon, des grandes unités apparues pour les premières au début des années 1920 : papeteries de Gascogne à Mimizan, Cellulose du Pin à Biganos (Facture), unités de production de Roquefort et de Tartas...
[2] Scieurs : ce vocable désigne les scieries – mobiles jadis, plus souvent "fixes" dans les années 1960 – qui sont fréquemment de petites unités de type PME induisant d'ailleurs l'activité d'une importante main-d'œuvre dans bien des communes de la zone forestière. Concentration, efforts de productivité et concurrence internationale en réduisent considérablement le nombre par la suite.
[3] Office National des Forêts : inspirée par le projet du ministre de l'agriculture Edgard Pisani, la loi du 23 décembre 1964 a permis d'instaurer l'ONF au 1er janvier 1966 ; il a le statut juridique d'établissement public industriel et commercial (EPIC).
[4] Forêts domaniales : propriétés foncières appartenant à l'État. Sur le littoral gascon elles se situent pour l'essentiel, sur le cordon dunaire du fait de sa fixation par l'administration des Ponts et Chaussées au XIXe siècle, dans les Landes comme en Gironde.