Le circuit des églises à peintures murales
Notice
Le Parc naturel régional des Landes de Gascogne propose de découvrir quatre siècles d'art pictural religieux à travers un circuit de sept églises landaises et girondines. Ces fresques particulièrement bien conservées, datant du XVIe siècle pour les plus anciennes, offrent des programmes iconographiques variés.
Éclairage
Le christianisme constitue le fondement de la société médiévale en Europe et, dans la grande période d'expansion démographique et économique des débuts du second millénaire, "la France se couvre d'un blanc manteau d'églises", selon l'expression de Raoul le Glabre [1]. Les nouvelles communautés villageoises se mettent sous la protection d'un saint expliquant que l'on compte aujourd'hui dans notre pays 3500 hagiotoponymes [2], soit le dixième de l'ensemble des noms de communes du territoire. Ces noms de saints représentent le vocable de l'église du lieu ; viennent en tête saint Pierre et saint Paul et les autre apôtres mais également certains évêques qui se sont prodigués pour leurs ouailles et dont le culte s'est répandu dans leur diocèse. Saint Martin, évêque de Tours, évangélisateur de la Gaule, a donné ainsi son nom à 350 paroisses.
L'héritage culturel religieux est, de ce fait, immense et représente un peu partout une manne pour l'économie locale mais aussi une charge pour la collectivité. Il en est de l'Aquitaine comme des autres régions de France ; riche d'une multitude d'édifices romans, elle s'efforce de restaurer et de mettre en valeur, sous l'égide de la DRAC, un patrimoine longtemps méconnu du grand public. Ainsi, lors du renouvellement de sa charte, en 1990, le Parc naturel régional des Landes de Gascogne inclut-il dans ses objectifs le dégagement des peintures murales ornant douze églises et chapelles situées sur son territoire ainsi que trois autres édifices appartenant à des communes périphériques. Les Monuments Historiques suivent ce programme ambitieux.
Déclinées dans un registre classique évoquant la vie du Christ, les Œuvres de miséricorde et les Sept Péchés capitaux, le Jugement dernier ou les quatre évangélistes, ces peintures, où dominent les jaunes, les bruns et le rouge minium [3], peuvent se comparer à un "catéchisme" en bandes dessinées. Elles sont destinées à édifier des populations incultes. À la Renaissance, elles sont pour la plupart remplacées par une nouvelle iconographie, simplement décorative, car ce rôle didactique n'est plus compris ; au XIXe siècle, on recouvre l'ensemble de badigeons divers qui, finalement, en assurent dans une certaine mesure la protection.
En Gironde [4] et dans les Landes [5], on redécouvre donc aujourd'hui ces œuvres présentées parfois avec beaucoup de naïveté. Les plus anciennes remontent aux XIII-XIVe siècle et se lisent encore dans l'église de Sore ; les plus récentes, présentent, à Sabres, quatre Docteurs de l'Église, porteurs de la bonne parole, dans l'esprit de la Contre-Réforme [6].
Malheureusement, ces lieux de culte, parfois excentrés, souvent désaffectés, sont généralement fermés d'où l'idée d'organiser des visites assurées par des bénévoles, chaque année, le 25 juillet, jour de la Sain-Jacques. L'initiative en revient à François Lalanne, conservateur du patrimoine, qui rappelle que visiteurs et autochtones ont perdu les "clés" pour comprendre et interpréter des thèmes qui ne sont plus familiers et bien souvent restitués sous forme de fragments.
Comment expliquer en effet, sans l'aide d'un guide averti, le phylactère [7] de l'église de Lugaut qui stipule, en latin, un acte de donation d'Amanieu d'Albret à l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ? Comment saisir le thème récurrent de l'accueil du pèlerin, au milieu de ces Landes traversées par trois chemins jacquaires majeurs [8] ? Comment identifier enfin, à Vert, le personnage de saint Vincent, diacre de l'évêque Valère, patron de la paroisse ? Autant de détails précis qui exigent une parfaite connaissance de l'histoire de la Gascogne et que reçoivent avec bonheur les hôtes de passage, alliant souvent tourisme vert et tourisme culturel [9].
Si la vie spirituelle s'efface quelque peu aujourd'hui des lieux sacrés, le sacré reprend vie dans la pénombre des églises du parc en ces moments de grâce où le temporel rejoint malgré tout le spirituel, dans ces instants de rencontre entre deux époques que mille ans séparent parfois...
[1] Né en Bourgogne en 985 et mort après 1047, Raoul le Glabre est un moine chroniqueur de son temps.
[2] Noms de lieux fondés sur un nom de saint, par exemple Saint-Vincent-de-Tyrosse (Landes).
[3] Oxyde de plomb d'un beau rouge à l'origine du mot "miniature", lettre rouge tracée avec du minium sur les manuscrits enluminés.
[4] Vieux Lugo, Origne et Saint-Léger-de-Balson.
[5] Belhade, Moustey, Biganon, Richet, Sore, Sabres, Vert, Garein et, hors des limites du PNR, Ousse-Suzan, Saint-Yaguen et Lugaut sur la commune de Retjons.
[6] Mouvement par lequel l'Église catholique romaine réagit, dans le courant du XVIe siècle, à la Réforme protestante.
[7] Banderole utilisée par les artistes du Moyen Âge pour y inscrire les paroles prononcées par les personnages d'un tableau ou d'un vitrail.
[8] Outre la voie dite "côtière" qu'empruntaient essentiellement les étrangers débarqués à Soulac et tout un chevelu de petits chemins secondaires, les Landes sont traversées par la voie de Tours (via turensis), par celle qui descend de Vézelay (via turonensis) et celle qui arrive du Puy-en-Velay (via podiensis).
[9] SUAU Jean-Pierre et GABORIT, Michelle, Peintures murales des églises de la Grande Lande, Bordeaux : éd. P.N.R.L.G. / Confluences, 2002, 156 pages.