La professionnalisation du rugby : réactions à Saint-Vincent-de-Tyrosse

28 août 1995
02m 04s
Réf. 00347

Notice

Résumé :

Réaction des habitants de Saint-Vincent-de-Tyrosse suite à l'annonce de la professionnalisation du rugby, par les instances internationales. Si les jeunes considèrent le sport comme un débouché professionnel possible, les plus anciens s'inquiètent de la disparition des petits clubs et s'interrogent quant au réel pouvoir de l'argent dans le milieu sportif.

Date de diffusion :
28 août 1995
Source :
Thèmes :

Éclairage

Saint-Vincent-de-Tyrosse, bourgade de 5000 habitants, est une pépinière formatrice, et voit ses meilleurs joueurs suivre une carrière qui les éloigne d'elle. Cela ne date pas du système professionnel mis en place en 1995. Pour ne citer que quelques exemples de ces nombreux départs : en 1971, Jean-Pierre Lux part, à 25 ans, à Dax ; en 1985, Guy Accoceberry part, à 18 ans, à Bègles ; en 1999, François Gelez part, à 20 ans, à Agen...

A Saint-Vincent-de-Tyrosse, le rugby doit être une fête, qui allie créativité et joie sur le terrain. On n'imagine pas embaucher des salariés et adopter des stratégies de "gagne" qui fermeraient le jeu pour assurer la marque.

Leur conception de la formation n'est pas de former de futurs professionnels, mais des amateurs, parmi lesquels les plus doués pourront choisir de se consacrer au rugby pro quelque temps, quitte à se faire remarquer pour être recrutés par des clubs plus fortunés.

Peut-on imaginer de "sauver" des équipes de purs amateurs et à quelle échelle ?

D'abord, "le rugby amateur, contrairement aux représentations communes, n'est pas réellement un rugby de villages, mais de sous-préfectures et de petites villes" [1]. L'implication des parents, des bénévoles, des anciens, peut alors se déployer en direction de tous les âges. Une organisation durable suppose aussi une convergence des acteurs : "le rugby amateur, d'enracinement local, repose sur une relation ternaire entre les pratiquants, les associations et les décideurs des structures politiques et administratives. " [2]

Il y a donc une question d'échelle, d'infrastructures, mais aussi d'animation d'un réseau, où les occasions de se retrouver et de faire la fête, "à la landaise", donne des motivations pour s'engager dans un service bénévole et faciliter la transmission entre générations. Cela ne peut être décidé en haut lieu, mais soutenu localement et par les instances de la Fédération.

[1] BOUTHIER, Daniel, Le rugby, Paris : Presses Universitaires de France, 2007.

[2] Ibid.

Hubert Cahuzac

Transcription

Présentatrice
La fin d’une époque avec l’arrivée du rugby professionnel. Une décision annoncée hier vous le savez par les instances internationales. Une triste révolution pour les petits clubs qui forment ce qu’on appelle "le rugby de clocher". Déception et amertume. Exemple à Saint-Vincent-de-Tyrosse dans les Landes. Patrick Pannier, Gérard Boisseau.
Patrick Pannier
Comme tous les jours de l’année, Stéphane, Sylvain et Fabien vont tripoter le ballon ovale. L’endroit où ils aiment à se retrouver, un terrain de rugby. Mais ce qui n’était jusque-là qu’un jeu, depuis hier, est devenu pour ces étudiants un débouché professionnel possible.
Sylvain Dubertrand
Le rugby intéresse de plus en plus de monde. Y'a qu'à voir la Coupe du monde, les médias, de plus en plus de sponsors viennent et c’est sûr que on peut en faire un métier maintenant.
Patrick Pannier
Dans ce village de 5000 habitants, on compte autant de supporters. Mais pour les anciens, les instances mondiales du rugby ont signé hier l’arrêt de mort des petits clubs qui ne pourront plus se mesurer aux grands.
Intervenant
Ils vont faire une sélection et il y aura peut-être en France 20 équipes qui pourront jouer à ce niveau mais pas les autres.
Patrick Pannier
Dans ce club où de tout temps on ne joue que pour son maillot, la camaraderie et la troisième mi-temps, l’argent n’a jamais fait pousser plus fort en mêlée ou courir plus vite.
Alain Fabre
Le peu d’argent qu’on peut avoir en jouant, disons que c’est des primes de match, comme on fait un petit peu partout dans les environs du club, dans la côte basque, quoi ! C’est l’argent qui permet de participer, de faire des petites troisièmes mi-temps ensemble, se retrouver, prendre l’apéritif avec les femmes des joueurs, les amis. Ça va pas plus loin, quoi !
Michel Dufranc
Ce qui a fait la force du rugby dans le passé, ça a été des choses très vertes comme la créativité, l’instinct, l’amusement, la joie. Depuis quelque temps il y a de moins en moins de joie sur le terrain, alors je souhaite qu’on puisse la retrouver mais est-ce que l’argent est le bon vecteur ça me semble difficile à croire.
Patrick Pannier
A Tyrosse comme on le fait depuis 1918, on continuera à privilégier formation, éducation et bénévolat en espérant ne pas être pillé encore davantage par les clubs professionnels les plus fortunés.