Le statut des femmes agricultrices
Notice
Rencontre, dans les Landes, avec trois agricultrices qui se battent pour que leur statut soit reconnu comme tel : Maïté, chef d'exploitation depuis 5 ans à la tête d'un élevage bovin, Henriette, femme d'agriculteur et vice-présidente du Modef des Landes et Michèle, chef d'exploitation depuis 4 ans spécialisé dans l'élevage de canetons.
Éclairage
Avant la Révolution, le statut de la femme n'est pas, dans nos régions, si défavorable que dans les pays de droit coutumier de la France septentrionale : elle conservait la propriété de sa dot, du douaire que lui apportait son mari et, souvent de la moitié des biens acquis durant le mariage, tous biens qu'elle pouvait transmettre à ses propres héritiers. Devenue veuve, elle bénéficiait, du moins dans les familles paysannes les plus aisées, d'une "pension" consistant en une pièce dans la maison, un bout de jardin et une certaine quantité d'aliments qui lui permettaient théoriquement de bénéficier d'une certaine indépendance. Au XIXe siècle, et jusqu'à une période pas si ancienne, elle n'est plus juridiquement qu'une "mineure" sous la coupe d'abord de son père, puis de son époux, ne pouvant passer de contrats qu'avec leur autorisation.
Dans la pratique, la situation a toujours été plus nuancée : sans entrer dans le détail des relations à l'intérieur de la famille et entre les époux, difficiles à connaître, le statut de la femme dépendait, entre autres facteurs, de la situation matérielle et du niveau social de la famille : dans les familles aisées, disposant de servantes, elle pouvait se contenter d'être la daune, la maîtresse de maison, régnant sur son univers domestique. Dans la grande majorité des cas, cependant, elle devait participer aux travaux des champs, chez elle, ou chez les autres pour les plus pauvres d'entre elles, embauchées au moment des grands travaux pour des salaires bien inférieurs à ceux des hommes. Son domaine, c'était d'ordinaire la maison avec les enfants, le jardin et la basse-cour. Grâce au petit élevage des volailles, dont elle allait porter les produits au marché, elle pouvait faire "bouillir la marmite" et satisfaire aux besoins élémentaires de la maisonnée, l'argent issu de la production agricole et du gros bétail étant généralement reversé dans l'exploitation et servant à couvrir les gros besoins.
La situation des femmes à la ferme s'est cependant peu à peu améliorée depuis la dernière guerre : avec la mécanisation de l'agriculture, elles participent de moins en moins aux gros travaux. Plus instruites, elles s'investissent plus activement dans la gestion de l'exploitation et peuvent participer à des activités extérieures. La diversification des activités liées au développement du "tourisme vert" leur a permis d'acquérir bien souvent une certaine indépendance financière grâce à la gestion de chambres d'hôtes, campings à la ferme ou à la vente directe des produits de la basse-cour (palmipèdes gras, par exemple).
Néanmoins, les mentalités ont bien du mal à évoluer et le partage des tâches au sein de l'entreprise familiale se fait bien souvent à leur détriment : à leur domination presque exclusive dans la sphère domestique (enfants, repas, ménage...) s'ajoutent des travaux à l'extérieur, les uns traditionnels (jardins, basse-cour), les autres plus nouveaux, mais tout aussi contraignants, qui sont liés à la gestion de l'exploitation : relations avec l'assureur, le banquier..., dont l'exploitant leur laisse souvent la gestion courante, se contentant d'intervenir lors des "grandes" décisions.
Un statut pour les agricultrices ? Il était alors nécessaire, mais a-t-il changé vraiment leur situation réelle ? La polyvalence de leurs activités demeure et leurs responsabilités augmentent : elles conduisent le tracteur et gèrent les finances de la ferme, mais continuent à s'occuper des enfants, de la cuisine et du ménage. Seul un changement profond des mentalités, lent à se dessiner, pourrait faire évoluer cette situation.