Signature d'un contrat de pays à Pouillon

13 novembre 1984
02m 10s
Réf. 00056

Notice

Résumé :

En Chalosse, un contrat de pays entre le canton de Pouillon et la région Aquitaine est signé en présence d'Henri Emmanuelli, secrétaire d'Etat au budget, et de Philippe Madrelle, président de la région Aquitaine. Il prévoit une aide financière pour le soutien à l'activité agricole et le développement des structures touristiques et éducatives .

Date de diffusion :
13 novembre 1984
Source :

Éclairage

La nécessité d'aménagement du territoire apparaît en France dans l'immédiat après-guerre (Paris et le désert français, de Jean François Gravier, 1947) et s'amorce dans les années 1950 où il est question surtout de faire de la décentralisation industrielle afin de desserrer la toute puissance parisienne. Sous la Ve République, le gouvernement Pompidou crée la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR) en 1963. La question régionale commence à émerger. Le Général de Gaulle quitte le pouvoir en avril 1969 sur l'échec référendaire de son projet dit de la "régionalisation".

Mais l'affaire n'est pas abandonnée. Elle aboutit, treize ans plus tard, à la décentralisation initiée par Gaston Defferre [1], alors que la gauche a accédé au pouvoir avec l'élection de François Mitterrand en mai 1981.

Entre temps, l'action très régalienne de l'État français de tradition centralisatrice a évolué. Les grands projets d'aménagement du territoire pilotés "d'en haut", type opérations touristiques de la MIACLR ou de la MIACA [2], ne sont plus à l'ordre du jour. Des actions plus fines et délicates doivent être menées à des échelles plus réduites en raisons de l'apparition de problèmes nouveaux : esquisse d'une "diagonale du vide" [3] depuis certains cantons d'Aquitaine jusqu'à la Lorraine des Côtes, problèmes de reconversion de nombreux sites ou bassins industriels que la tertiarisation de l'économie place souvent en voie de marginalisation, nécessité un peu plus tard (années 1990) de se préoccuper de certains quartiers urbains ou suburbains.

Pour autant, la revivification rurale n'a pas disparu des préoccupations des élus. Les contrats de pays, portant sur un ou des cantons ou bien sur de petites régions au profil socio-économique et démographique bien identifié, font partie du nouvel arsenal imaginé par les différents acteurs de l'administration de l'aménagement territorial.

En effet, le profil agricole de nombreux cantons a évolué.

D'un côté, prospère une agriculture productiviste de plus en plus capitalistique, généralement assez spécialisée et fortement en prise avec les grands marchés mondiaux, mais encore protégée par les dispositions de la PAC [4]. De l'autre, existe une ruralité plus exposée, dans des zones vieillissantes où la déprise agricole s'accélère et où les conditions d'exploitation ne sont pas optimales (qualité des terres, possibilités d'irrigation difficiles, structures agraires). Les choix de spécialisation productive y sont plus délicats en raison des soubresauts des marchés, de l'emprise grandissante des industries agro-alimentaires et de la dépendance aux réseaux de distribution. C'est sans doute un peu le profil du canton de Pouillon.

Dans la partie sud-ouest de la Chalosse, au sud de Dax, le pays des Arrigans [5] et des gèrts [6] a une tradition de polyculture qui reposait sur le système du métayage. Les luttes paysannes des années 1919-1920 (la révolte des Picatalòs) entraînant par la suite la loi de 1946 sur le fermage et le métayage y ont marqué les mentalités. De ce fait, le canton est un des assez rares "fiefs" ruraux du parti communiste et les "paysans" syndiqués y accordent assez volontiers leur confiance au MODEF (Mouvement de défense des exploitations familiales).

Il y a donc une certaine logique très politique à voir un canton de gauche, dans un département dont le président du Conseil général, Henri Emmanuelli, est ministre du gouvernement de Laurent Fabius, et dans un Conseil régional dont l'exécutif est également socialiste (présidence de Philippe Madrelle), bénéficier d'une aide substantielle grâce à l'outil plutôt souple des contrats de pays.

[1] Les réformes portées par ce ministre de l'intérieur socialiste (1981-1985) correspondent, dans les grandes lignes, à l'attribution du pouvoir exécutif aux Conseils généraux et aux Conseils régionaux dont on délimite certaines compétences territoriales.

[2] MIACLR : Mission Interministérielle d'Aménagement de la Côte du Languedoc-Roussillon (1963) ; MIACA : Mission Interministérielle d'Aménagement de la Côte Aquitaine (1967).

[3] Diagonale du vide : du Nord-Est au Sud-Ouest de l'Hexagone, elle est caractérisée par de faibles densités de population, le vieillissement démographique, une armature urbaine faite majoritairement de villes moyennes, des activités rurales en voie de marginalisation, des sites industriels isolés ou en déclin, un certain enclavement parfois.

[4] La politique agricole commune de la Communauté économique européenne est alors très favorable aux céréaliers ou aux éleveurs.

[5] Petites rivières descendant des crêtes aux confins du Béarn.

[6] Gèrts : vastes landes du côté de Mouscardés, Estibeaux et Tilh, anciennes zones de transhumance, très largement défrichées dans les années 1960 et désormais vouées au maïs.

Jean-Jacques Fénié

Transcription

Alain Chollon
Au lendemain des cérémonies du 11 novembre et de la fête locale, on ne fait les choses à moitié en Chalosse. Pouillon, la capitale du canton, on dort encore sur ses deux oreilles, c’est lundi. Et seul le cantonnier de service ramasse les feuilles mortes à la pelle. Mais Pouillon s’éveille peu à peu surtout dans l’après-midi sous les lambris de la mairie.
M. Marcade
L’évolution des structures agricoles depuis 10 ans nous a valu une diminution de 40 % du nombre des exploitants. Mais par contre, une augmentation sensible de la superficie des exploitations agricoles.
Alain Chollon
Pouillon, la nonchalante et il fallait lui fournir de l’adrénaline, c’est fait ou presque. Depuis hier, sous l’œil attentif d’un ministre, Henri Emmanuelli, du président du Conseil régional Philippe Madrelle, d’un député, d’un sous-préfet, les élus peuvent se frotter les mains. Après 5 ans de combats, ils signent donc un contrat de pays. La région aquitaine apporte dans ses valises 2 millions et 700 000 francs. Principaux secteurs qui bénéficieront de cette manne, le maïs afin d’asseoir la coopérative locale sur de nouvelles bases de rentabilité. L’élevage et le vin aussi: ici la vigne c’est une tradition. Autrefois, elle occupait 40% des surfaces agricoles et puis arriva le temps de l’arrachage. Et pourtant les petits producteurs s’accrochent, tels Raoul Abadie.
(Bruit)
Raoul Abadie
Il y a eu une petite récolte et après on a, ça ne s’est pas trop mal passé, au niveau de la cave.
Alain Chollon
Vous n’avez pas de problème pour le commercialiser ce vin de pays ?
Raoul Abadie
Non, pas tellement, pas tellement. On y arrive, on y arrive oui.
Alain Chollon
A priori sur le papier, Raoul Abadie peut encore espérer. Il a du pain sur la planche, c’est sûr, de même que les 275 associés de la coopérative viticole. Avec ce contrat, les beaux jours commencent à pointer, à l’horizon nuageux de cette Chalosse. Au total, 12 actions prioritaires pour assainir particulièrement le tissu économique classique, mais aussi marquer des points pour l’avenir. Ainsi, il est prévu de parfaire les structures touristiques et éducatives afin de maintenir principalement les jeunes au pays, démographie oblige. Un regret, rien pour l’heure, côté industrie, demain, peut-être.