Ecole d'arts culinaires chez GUERARD

09 juillet 1985
03m 35s
Réf. 00737

Notice

Résumé :

Michel Guérard, chef cuisinier et ambassadeur de la cuisine française aux États Unis, ouvrira une école d'arts culinaires à Aire sur l'Adour Eugénie les bains, dans laquelle l'élite des cuisiniers sera formée. Guérard souhaite mettre en avant la cuisine régionale, les cuisiniers créateurs mais aussi porter un intérêt pour la cuisine de santé. Reportage au sein du restaurant, dans les cuisines et terrasse, et interview de Michel Guérard.

Date de diffusion :
09 juillet 1985
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Éclairage

Eugénie-les-Bains : déjà en 1985 ce nom figure dans la liste des étapes gourmandes incontournables pour ceux qui élèvent la gastronomie au rang d'un art. Comment un tel miracle a-t-il pu s'opérer ?

Rien ne prédestinait, en effet, ce petit hameau de la commune de Saint-Loubouer, en Tursan, que l'on appelait simplement, en gascon, Las Aigas, "Les Eaux", à une telle célébrité. Rien ou presque...Car, depuis la nuit des temps, les eaux sulfurées sodiques qui y sourdent à une température variant de 22° à 41° y soignent les populations locales bien avant que ne soient reconnues les propriétés thérapeutiques des sources qui y sont captées sous le règne d'Henri IV, dans le cadre des missions confiées à la Surintendance des Eaux créée en 1605.

Ce n'est donc pas un hasard si le petit bourg devenu, depuis la création d'un premier établissement d'accueil des touristes en 1750, station thermale, accueille en 1860 Eugénie de Montijo en route pour sa résidence de Biarritz. Elle donne le ton et prête son nom, l'année suivante, à la nouvelle commune qui trouve son identité propre.

Mais si la mode des eaux a connu son apogée à la fin du XIXe siècle, les deux grands conflits mondiaux du XXe relèguent Eugénie aux oubliettes. Seules résistent les grandes stations comme Vichy qui continue à accueillir les curistes du monde entier.

Dans les Landes, et plus particulièrement en Tursan, le renouveau survient cependant exactement un siècle après la création de la commune qui possède un patrimoine bâti cossu et élégant, hérité du Second Empire. Adrien Barthélémy, un visionnaire, qui a fondé au sortir de la guerre, en 1946, la Chaîne thermale du soleil (1), rachète les belles bâtisses et commence à rénover ; ce n'est que le début d'une longue histoire à laquelle s'intègre, en 1972, un jeune chef cuisinier normand, Michel Guérard, qui épouse la fille d'Adrien. Un visionnaire lui aussi qui, à ses talents de chef étoilé, adjoint un sens aigu des affaires.

C'est la fin des "Trente Glorieuses" mais on ne le sait pas encore. La France est prospère, le tourisme se développe rapidement sous l'égide de la MIACA. Et si la côte est la première bénéficiaire de ces mesures, l'intérieur du pays landais en recueille aussi les bénéfices. Mais le Sud-Ouest vit sur ses acquis de terroir gastronomique ; il faut innover. Et Michel Guérard d'inventer la "nouvelle cuisine", celle qui redonne la première place au produit d'excellence cuisiné, travaillé, présenté avec le plus grand soin dans un souci de privilégier, avant tout, le goût et l'esthétique.

Mais le génie du "maître à penser" ne s'arrête pas là ; se souvenant que les eaux de Saint-Loubouer sont connues pour leurs vertus amincissantes (2), il invente la cuisine minceur alliant gastronomie et diététique avant de songer à transmettre, à l'instar de Paul Bocuse, à Lyon, sa philosophie dans une école qui s'ouvrirait aux femmes ; certainement en hommage à toutes ces mères et grand-mères inspiratrices, sûrement avec une pensée pour Marthe-Alice Pouypoudat et sa fameuse roulade aux cailles et au jambon de Chalosse qui, par l'intermédiaire de l'impératrice, est devenue célèbre sur les grandes tables parisiennes dès 1862 (3). Une structure qu'il souhaite fonder dans l'antique cité d'Aire-sur-l'Adour mais qui ne verra jamais le jour alors que ne tarde pas à s'installer, à quelques kilomètres de là, dans la petite bastide de Grenade, l'un de ses élèves surdoués, Didier Oudill.

(1) La Chaîne thermale du Soleil est la première chaîne française d'établissements thermaux. Fondée en 1946 par Adrien Barthélémy, elle accueille chaque année 145 000 patients dans ses 20 établissements. En 2013, Michel Guérard en est le directeur.

(2) Elles permettent de traiter des maladies métaboliques et de la nutrition (excès de poids), des rhumatismes, et des affections chroniques des voies digestives et des voies urinaires.

(3) http://www.sudouest.fr/2011/05/08/marthe-alice-une-grande-inspiratrice-392233-4720.php

Bénédicte Boyrie-Fénié

Transcription

Présentateur
Une page cuisine à présent. La ville de Lyon aura, vous le savez, son Ecole Nationale des Arts Culinaires. L’annonce a été faite il y a quelques jours par le Ministre de la Culture en personne, Monsieur Jacques Lang. Mais Aire-sur-l’Adour aura également son école où on trouvera, comme à Lyon un grand de la cuisine française, Michel Guérard. Michel Guérard qui officie à Eugénie-les-Bains. Annie Delmont l’a rencontré.
silence
(silence)
Annie Delmont
Bon appétit, mesdames, messieurs. Avec ce bar aux petits légumes, vous entrez dans la grande cuisine, que dis-je, l’art culinaire. Il est vrai que nous sommes chez l’un des maîtres à penser, Michel Guérard, Eugénie-les-Bains. Sur sa carte de visite, un autre titre, ambassadeur de la cuisine française aux Etats-Unis depuis 15 ans. Il est donc porté, avec Bocuse et Senderens, deux autres grands, à la tête de l’ENAC, l’Ecole Nationale des Arts Culinaires ; une école située à Lyon qui formera l’élite des cuisiniers. Ouf, il était temps, car la France perdait sur le marché international tout son prestige.
Michel Guérard
La décision qui vient d’être prise est très importante parce que elle légitimise, si vous voulez, une fois pour toute, la cuisine française, qui est quand même, quoi qu’on dise, enfin, pas quoi qu’on dise, tout le monde le sait, une grande vitrine d’une certaine culture de la France. La démarche aussi, qui a également présidé à cette Ecole Nationale des Arts Culinaires, c’est en fait une volonté de continuer de maîtriser la cuisine française mais la cuisine dans le monde entier. C’est-à-dire de dire tout simplement : Et bien, nous autres, français, sommes les seuls au monde capables de faire la mode de la cuisine, et puis de la défaire également. Ça aussi, derrière tout ça, vous le sentez bien, il y a la finalité économique qui nous permet de mieux vendre l’agroalimentaire.
Annie Delmont
Cette école nationale va satelliser, par exemple dans les Landes, ce sera nouveau, très différent de ce qui existe jusqu’à maintenant. Et ce satellite devrait être implanté à Aire-sur-l’Adour. On y trouvera trois enseignements et d’abord, l’Ecole des Femmes, Molière ne l’aurait pas reniée.
Michel Guérard
Quand je dis l’Ecole des Femmes, ce sont les grandes cuisinières françaises, elles existent toujours. Elles-mêmes, elles se multiplient actuellement et c’est une bonne chose. Alors, ces grandes cuisinières françaises à travers la cuisine régionale. Car la cuisine régionale est la matrice de toute, de la cuisine française. Et justement, comme je viens de le dire, il est bon de l’animer à nouveau. Le second volet, c’est quelque chose d’essentiel, à mon avis, pour la cuisine française, c’est les grands créateurs. Des cuisiniers grands créateurs, il y en a très peu, finalement. Et c’est ceux-la auxquels nous allons faire appel dans cette école, pour qu’ils viennent d’abord nous présenter leurs dernières créations. D’ailleurs, je fais appel aux cuisiniers français mais également étrangers, parce qu’il y a également à l’étranger quelques grands créateurs. Et puis, le troisième volet, c’est quelque chose que j’ai à coeur depuis très longtemps et qui, finalement, est extrêmement essentiel. Ça n’a jamais été fait, c’est pour ça que je crois que l’Ecole d’Aire-sur-l’Adour aura un succès fou, c’est l’Ecole de cuisine de santé.
Annie Delmont
Dans cette maison et dans ce village où l’imagination culinaire a pris le pouvoir, on n’est pas avare de projet. Michel Guérard sera à Lyon, certes, il veut être aussi landais. Alors, on reparlera d’Aire-sur-l’Adour.