Portrait du chef étoilé Michel GUERARD
Notice
Rencontre avec Michel Guérard, 80 ans, chef 3 étoiles du restaurant "La ferme aux grives" à Eugénie Les Bains.
Éclairage
En ce beau jour d'avril 2013, à Eugénie-les-Bains, on fête les 20 ans de la Ferme aux grives mais on célèbre aussi, en filigrane, les 40 ans de l'installation du maître des lieux qui est à l'origine de la renaissance de la petite commune du Tursan.
Car cette Ferme aux grives, ouverte en 1993, participe d'un long processus d'enrichissements successifs d'un établissement prestigieux classique devenu, au fil des années, un modèle du genre. Un genre qui répond à une demande, un modèle qui sait s'adapter au temps et aux subtiles évolutions des attentes d'une clientèle mouvante, qui s'élargit précisément grâce à l'écoute d'un grand chef, également chef d'entreprise avisé, toujours en avance sur son temps.
De fait, une suite d'initiatives heureuses explique le succès de Michel Guérard : tout d'abord, au début des années 1970, l'intégration d'un premier restaurant gastronomique dans le domaine fondé par son beau-père Adrien Barthélemy, créateur de la Chaîne thermale du soleil (1) ; ensuite l'installation d'équipements luxueux destinés à recevoir une clientèle adepte de la "cuisine minceur" dont il est le concepteur ; puis l'association avec l'industrie agro-alimentaire via la société Findus qui démocratise en quelque sorte la cuisine gastronomique ; enfin la création d'un restaurant de charme, plus accessible que la grande table étoilée toute proche.
C'est vrai que l'homme semble heureux devant la belle composition de légumes arrangés à la façon d'un tableau d'Arcimboldo (2). Et ce n'est pas le hasard si, dans son propos, se succèdent les mots et expressions "rêve", "besoin de retour", "retour à la terre", "simplicité et qualité". C'est que ce modeste établissement, eu égard au prestige des Prés d'Eugénie, le ramène aux fondamentaux, à sa jeunesse, aux premières émotions qui l'ont jadis sensibilisé au beau et au bon.
Car l'homme est un peu cabotin. Quand il parle de "bistro abominable", il évoque un établissement que –il est vrai – il a acquis à la bougie (3) mais dans lequel il concocte déjà une cuisine de très haut niveau qui fait, dès 1965, de ce Pot au feu un haut lieu de la gastronomie parisienne. Et si l'enseigne rappelle les plats canailles, on y sert déjà sa fameuse salade folle, prémices de cette "nouvelle cuisine" qui lui vaudra la première étoile au Michelin deux ans plus tard.
Originaire du Vexin français, élevé dans les paysages qu'affectionnait Monet, dans une famille de bouchers-éleveurs, Michel Guérard est sensibilisé, dès son plus jeune âge, à la qualité d'un produit. Le vrai, le bon, l'authentique se retrouvent donc aussi naturellement dans cette belle dépendance où l'on sert une cuisine raffinée de bon aloi qui représente - on le comprend désormais - la concrétisation d'un rêve, l'exaltation d'un idéal que l'on pourrait décrire comme une vision emphatique, traditionnelle et naïve de l'auberge d'autrefois ; une image d'Épinal, en quelque sorte.
De fait, plus que ses autres réalisations de prestige, La Ferme aux grives véhicule un affect qui touche autant la sensibilité de son concepteur que celle de ceux qui viennent s'y régaler. Elle en appelle aux souvenirs d'enfance les plus profonds et c'est là, en partie, la raison de son succès.
(1) Empreintes landaises : "L'école d'arts culinaires".
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Arcimboldo
(3) La vente à la bougie est une forme d'adjudication qui consiste à enchérir tant que deux bougies sont allumées. Les enchères cessent dès que les deux chandelles ont atteint leur terme, ce qui clôt la transaction..