Jean Chouan
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Résumé
Evocation de Jean Cottereau, surnommé Jean Chouan, à travers quelques gravures et images du musée du même nom, installé à Saint-Ouën-des-Toits, dans la maison où le contre-révolutionnaire mayennais vécut jusque sa mort en 1794.
Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
10 août 2005
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- 00037
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Contexte historique
ParDirecteur des archives départementales de la Mayenne
Publication : 01 sept. 2021
La famille Cottereau, originaire de la campagne à l’ouest de Laval, entre Saint-Berthevin et Le Bourgneuf-La Forêt, est célèbre pour avoir transmis son surnom, « Chouan », au mouvement contre-révolutionnaire qui secoue le grand Ouest dans la décennie 1790. Mais des membres de la famille se font remarquer dès la fin des années 1770 par leur esprit rebelle.
En effet le père, Pierre Cottereau, est marchand sabotier et passe de longues journées à arpenter la forêt de Concise. Afin de communiquer avec ses compères, il pousse un sifflement qui évoque celui de la chouette hulotte, ou chat-huant, ce qui lui vaut le surnom de « Chouan ». On suppose que ce temps passé en forêt est dû à une activité illégale : le faux-saunage. En effet, la monarchie française finance ses dépenses grâce à un certain nombre d’impôts qui sont généralement inégalitaires selon les provinces et/ou le statut social des personnes. Parmi ces impôts, la gabelle porte sur le sel ; elle est perçue dans des administrations dédiées appelées « greniers à sel ». Les régions maritimes payent une gabelle bien moins élevée (ex. Cotentin : 3 livres 10 sous le quintal, Bretagne : 1 à 3 livres) que les régions plus éloignées du littoral (ex. Maine : 58 livres 19 sous). Le faux-saunage consiste à acheter du sel dans les provinces où il est moins taxé et à le revendre illégalement là où il est davantage taxé, créant ainsi un bénéfice pour le revendeur et un manque à gagner pour l’administration royale, ce qui explique que le faux-saunage soit considéré comme un crime. Le nord et l’ouest de la Mayenne, limitrophes respectivement du Cotentin et de la Bretagne, se prêtent particulièrement à ce trafic.
Pierre Cottereau laisse une descendance de huit enfants : quatre filles et quatre garçons. Ces derniers poursuivent l’activité faux-saunière de leur père, à laquelle ils rajoutent régulièrement des passages à tabac sur leurs voisins, pour des motifs souvent futiles, qui leur coûtent cher en procès, en amendes et en réparations. La Révolution qui éclate en 1789 entend établir dès l’été l’égalité sur le territoire entre les individus, désormais tous citoyens, et entre les provinces, désormais redécoupées en départements. La gabelle, impôt inégalitaire et impopulaire, est supprimée : les faux-sauniers perdent ainsi une source de revenus et s’opposent aux décisions de l’Assemblée nationale constituante. L’année suivante, à l’été 1790, les Révolutionnaires souhaitent limiter l’influence sociale et politique du clergé et lui imposent de prêter serment à la constitution. L’Ouest catholique ne peut tolérer cet affront : de nombreux prêtres sont réfractaires à ce serment et une partie de la population les soutient. Enfin, en 1793, est décidée une levée en masse de 300 000 hommes pour former une armée révolutionnaire en guerre contre les monarchies d’Europe, qui sont hostiles à la République française. La guerre civile éclate alors sous le nom de « guerres de Vendée » au sud de la Loire et de « Chouannerie » au nord, en l’honneur de Jean Cottereau, dit Jean Chouan, fils de Pierre et l’un des meneurs de la rébellion. Il s’agit bien d’une guerre civile dans la mesure où la population des villes et villages se déchire : Perrine Dugué, dans les environs de Sainte-Suzanne, est tuée pour ses idéaux républicains et devient une héroïne pour son camp.
La chouannerie tient la dragée haute à l’armée républicaine jusque vers 1800 ; de nouveaux combats auront lieu sporadiquement en 1815 et en 1832, quand la monarchie, restaurée, est menacée. Mais Jean Chouan et ses frères sont morts depuis longtemps, puisque l’année 1794 est fatale à trois d’entre eux. La violence entre les camps en présence est souvent décuplée pendant la guerre civile ; le reportage évoque quelques-unes des exactions commises ou des représailles pratiquées. Il n’est pas étonnant, dans ces circonstances, que les belligérants aient tout tenté pour mener leurs actions aussi discrètement que possible, usant de passages secrets et autres caches. En raison de sa forte connotation politique et des ruses destinées à garantir l’anonymat des combattants, cette période a donné lieu à des légendes. La figure de Jean Chouan est devenue un personnage de roman sous les plumes d’Honoré de Balzac et de Victor Hugo. Plus récemment, à l’approche du bicentenaire de la Révolution française, un spectacle lui a même été consacré au château de Lassay sous le nom de "Jean Chouan l’insoumis", un qualificatif qui correspond assez bien au personnage. Depuis 1989, l’ancienne maison de Jean Chouan, située dans la closerie des Poiriers à Saint-Ouën-des-Toits, est transformée en musée de la Chouannerie et de la Révolution.
Bibliographie
La création de la légende
- Archives départementales de la Mayenne, 544 J 4, Jacques Duchemin des Cepeaux, Lettres sur la Chouannerie, 1824-1835 (cité par l’abbé Angot sous l’ancienne cote L 108 ; écrit à la demande du roi Charles X, ce récit est très partisan mais s’appuie aussi sur des témoignages directs).
- Honoré de Balzac, Les Chouans, Paris, Urbain Canel, coll. « La comédie humaine », 1829.
- Victor Hugo, La Légende des siècles, « Nouvelle série », Paris, Lévy frères, Hetzel et Cie, 1877, t. II, p. 233.
Le temps des historiens impartiaux
- Alphonse Angot et Ferdinand Gaugain, « Jean Chouan », Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Goupil, 1900-1910, t. II, p. 64.
- Ferdinand Gaugain, Histoire de la Révolution dans la Mayenne, Laval, Chailland, 1918, 4 vol.
- Ferdinand Gaugain, « L'armée vendéenne dans la Mayenne », Bulletin de la commission Historique et archéologique de la Mayenne, 1918, n° 34, p. 192-215 et 268-286.
- Ernest Laurain, Chouans et contre-chouans, Laval, Éditions des Arts Réunis, 1928.
La légende se poursuit
- Job de Roincé (scénario) et Pierre Rousseau (dessin), La belle histoire de Jean Chouan, coll. « À la française », n° 3, 1942.
- Jean Chouan l'insoumis, château de Lassay, 1988.
- « Closerie des Poiriers » et « Confessionnal de prêtre réfractaire », Le patrimoine des communes de la Mayenne, Paris, Flohic, 2002, t. 2, p. 670.