Le massacre d'Ascq

01 avril 1944
12m 12s
Réf. 00040

Notice

Résumé :
Le 1er avril 1944, jour du dimanche des Rameaux, un groupe de résistants d'Ascq pose une charge d'explosifs sur la voie ferrée. A 22h45, au lieu du convoi de marchandises attendu, un bataillon blindé de la 12e Panzer SS "Hitler jugend" entre en gare, la charge explose mais seuls trois wagons déraillent. Les SS raflent les hommes du village, et commencent le massacre de 86 d'entre-eux.
Date de diffusion :
29 mars 1969
Date d'événement :
01 avril 1944
Source :
Thèmes :

Éclairage

Ascq, à la veille de la guerre, est une petite ville d’un peu plus de 3000 habitants, à l’est de Lille, située à mi-chemin entre Lille et la frontière belge. Dès le début de l’occupation du bourg d’Ascq, des soldats allemands sont cantonnés en face de la gare, car la situation de la commune est stratégique. Ascq est traversée par la route nationale reliant Lille à Tournai, elle est également traversée par la voie ferrée Lille-Baisieux-Tournai-Bruxelles et par la ligne charbonnière (Somain-Halluin). Et à environ 10 km au sud se trouve l’aérodrome de Lesquin, investi par les Allemands.

Un concours de circonstances plonge Ascq dans l’horreur : Le 1er avril 1944, à 22 h 34 démarre de Baisieux, un train contenant une partie de l’AufklärungsAbteilung, un bataillon blindé de reconnaissance de la 12. SS-Panzer-Division Hitlerjugend. L’officier, le lieutenant Walter Hauck, décide d’intercaler son convoi entre l’express venant de Bruxelles, qui vient de passer, et un train de marchandises, qui devait le suivre, "pour des raisons de sécurité". Le train est sur le point d’arriver en gare d’Ascq, lorsqu’une violente explosion (vers 22 h 45) se produit sous la machine. Le train s’immobilise à la hauteur de la cabine d’aiguillage du passage à niveau d’Ascq. Le constat concernant les dégâts est effectué. Ils sont dérisoires sur la locomotive, un wagon plateforme a totalement déraillé entraînant le déraillement partiel du précédent et du suivant, quelques véhicules blindés se sont détachés des chaînes, ont basculé sous l’effet du choc et sont parfois légèrement endommagés. On ne dénombre aucun mort et aucun blessé parmi les Waffen-SS

Au travers des témoignages de survivants (Mme Dewailly, MM. Vandenbussche, Chuffart, Roseau, Lelong, Etuin) les événements tragiques sont retracés.
À partir de 23 h 10 et jusqu’à 0 h 40, hurlements et coups de feu s’entremêlent, réveillant les habitants d’Ascq et semant la terreur. La première rafle d’otages débute. Les SS sont chargés de rassembler la population du village le long de la voie ferrée. Les portes sont enfoncées pour chercher les hommes, des coups de feu sont tirés dans les rues. Des hommes encadrés de SS passent dans la rue, en pantoufles, d’autres pieds nus, quelques-uns encore en pyjama. D’autres ont été abattus dans la rue. L’abbé Gilleron et les réfugiés d’Hellemmes qu’il hébergeait ont été fusillés dans le presbytère ; l’abbé Cousin a été massacré dans la rue pour avoir voulu empêcher les SS de battre son voisin… Malgré la confusion, les hommes marchent vers le lieu de rassemblement qui leur a été signifié. À la gare, des SS malmènent Monsieur Carré, et Élie Derache et, après avoir tiré sur eux, les laissent pour morts. De retour au passage à niveau, des officiers ordonnent les exécutions par pelotons successifs. Un gradé achève les mourants qui gisent à terre, quelques hommes pourtant échappent au massacre et essayent de s’enfuir. Un quatrième peloton d’une quarantaine d’hommes comprend le maire d’Ascq. Il tente de parlementer au passage à niveau pour arrêter le massacre. Mais ce sont les coups de sifflet de la Feldgendarmerie, qui arrive sur les lieux vers minuit quarante qui font cesser les tirs. Les représailles des SS s’arrêtent.
Le matin des Rameaux, les Asquois découvrent l’ampleur du massacre. 86 victimes ont été massacrées à Ascq dans la nuit du 1er au 2 avril 1944


sources :

Duhem Jacqueline, Ascq 1944. Un massacre dans le Nord. Une affaire franco-allemande, Éditions Les Lumières de Lille, 2014, 166 p.

Docteur Mocq Jean-Marie, La 12 SS Panzer – Division Hitlerjugend : massacre Ascq, cité martyre, Éditions Hiemdal, 1994, 197 p.
Martine Aubry

Transcription

Claude Laplaud
Parti de Baisieux à 22 heures 34, le train allemand roule à 25 km/heure. Les premiers kilomètres sont franchis sans incident. Les premières maisons d’Ascq se dessinent dans la nuit, la ville dort. A 22 heures 45, alors que le convoi arrive à hauteur de la cabine d’aiguillage…. Madame Dewailly, vous habitez cette maison, à 30 mètres de là s’est produit l’explosion. Et aussitôt, votre voisin Monsieur Vandenbussche s’est précipité chez vous pour constater les dégâts. Et à peine quelques instants plus tard, les Allemands étaient déjà chez vous. Alors, que s’est-il passé exactement ?
Mme Dewailly
Eh bien, le train, par conséquent, a stoppé là. Immédiatement, les Allemands sont entrés dans la maison, ils nous ont fait descendre. Et de là, ils nous ont parqués avec tous les voisins ici, et conduit à la cabine de l’aiguillage. Alors de là, nous sommes partis tout le long du train qui était stoppé au terrain. Et là, ils ont commencé à en fusiller trois en face de nous.
Claude Laplaud
Est-ce qu’ils vous avaient frappé auparavant ?
Mme Dewailly
Non.
Claude Laplaud
Mais il y a une chose que vous me disiez tout à l’heure, c’est que vos manteaux étaient toujours prêts.
Mme Dewailly
Ah oui, parce que c’est ces trains-là partaient déjà depuis plusieurs jours. Et comme on avait déjà eu un spécimen de sabotage du lundi, que j’avais même eu tous les carreaux cassés du haut en bas, on craignait tous les jours quoi. Et c’est ce qui s’est produit.
Claude Laplaud
Oui, Monsieur Vandenbussche , vous vous avez été sauvé par les Allemands, par la patrouille 908. Qu’est-ce que c’était que cette patrouille 908 ?
Maurice Vandenbussche
Des territoriaux . La Wermacht.
Claude Laplaud
Oui, des gens de 40 ans, 50 ans.
Maurice Vandenbussche
Oui, une moyenne de 50 ans au moins.
Claude Laplaud
Oui, comment vous les considériez ces gens ?
Maurice Vandenbussche
Ben, comme des frères, ils étaient ici depuis autre ans, et ils n’ont rien dit à personne.
Claude Laplaud
Alors, vous avez été sauvé par eux dans quelle condition ?
Maurice Vandenbussche
Dans quelle condition, c’est parce que quand j’ai passé à tabac par les SS qui m’ont amené ici, et ils m’ont malmené et tout. J’ai toujours ce petit point de mur, qui me tenait, heureusement que je n’ai jamais tombé. Sans ça, ils m’auraient fusillé. Eux, ils étaient là, quatre ou cinq. Il y en avait un grand, il y en avait un petit gamin de 17 ou 18 ans. A ce moment-là, il m’a foutu un coup de grâce, là. Et l'autre m’a foutu un coup de botte dans les parties. Mais je n’ai jamais tombé grâce à ça. Alors, j’étais à ce moment-là tourné face au mur comme ça pour être fusillé. J’ai attendu que le portillon qui s’est ouvert. Mais c’est de [Lavermaque] qu’ils sont venus se mettre en face de moi. Et alors, j’ai attendu qu’ils disent au SS [Inaudible]. Alors les deux territoriaux ont frappé sur mon épaule. J’ai hésité de me retourner. Et après, je me suis retourné, et j’ai vu que c’était eux. Et ils m’ont dit, pourquoi ici ? Ben, soldat, partir. Je n’avais rien, j’étais en chemise et à pieds nus dans mes pantoufles, puis un pantalon. Où est votre maison ? Mais ils savaient bien, alors, ils m’ont conduit chez moi. Il n’y avait plus de porte, il n’avait plus de fenêtre, il n’y avait plus rien. Alors, à ce moment-là, ils ont dit à ma femme tout bas, Monsieur est de retour. Alors, ils m’ont attrapé par les poignés, et je suis donc parti avec eux pour aller au notaire, à leur corps de garde là.
Claude Laplaud
Monsieur Chuffart vous êtes vous, vraiment le miraculé de ce massacre. Si je me souviens bien, vous faisiez partie du deuxième peloton. Vous étiez à ce passage à niveau là-bas.
Léon Chuffart
Oui, c’est exact.
Claude Laplaud
Et les SS vous avaient demandé de mettre les mains sur la tête. Et vous aviez l’impression à ce moment-là que vous alliez remettre la machine sur rail, travailler en somme.
Léon Chuffart
Oui, c’est l’impression qu’ils nous ont donné. Mais dès que nous avons entendu les cris, qui nous arrivaient de l’extrémité du train.
Claude Laplaud
De l’endroit où nous nous trouvons actuellement.
Léon Chuffart
Où nous nous trouvons, oui, au passage à niveau. Et aussitôt arrivé à l’extrémité des wagons, devant les SS avec leur mitraillette, prêts à nous fusiller. Notre seul salut, c’était de foncer ici en face.
Claude Laplaud
C’est ce que vous avez fait.
Léon Chuffart
C’est ce que nous avons fait pour nous sauver. Nous n’avons pas fait 20 mètres sur le terrain que les rafales arrivaient de partout. Mon frère est tombé, j'ai tombé par dessur lui et je suis resté sur le dos. D’autres ont suivi, on n’avait que des cadavres, et des hommes qui tombaient l’un après l’autre.
Claude Laplaud
Et vous étiez toujours conscient ?
Léon Chuffart
Et j’ai été toujours conscient, je regardais l’événement.
Claude Laplaud
Vous n’étiez pas blessé, pas du tout.
Léon Chuffart
Absolument pas. Après 10 minutes, un quart d’heure, je ne sais pas le temps que ça a pu demander, n’est-ce pas. Dans ces circonstances, on n’évalue pas le temps. Et de là, j’entendais râler, j’entendais crier maman, au secours. J’ai fermé les yeux du fait que l’officier est arrivé, avec un subalterne. Et à chaque cadavre, coup de pied, coup de crosse.
Claude Laplaud
Et coup de grâce.
Léon Chuffart
Et coup de grâce. Mon frère était près de moi. Il a reçu le coup de crosse sur la tête, le coup de grâce. Et j’attendais mon tour.
Claude Laplaud
Qu’est-ce qui s’est passé ?
Léon Chuffart
J’ai eu peut-être un peu de chance,étant sur le dos, le coup que j’ai reçu m’a fait déporter la tête et c’est là que j’ai eu le coup de grâce qui évidemment m’a laissé sans connaissance.
Claude Laplaud
Mais c’était une simple égratignure, je crois.
Léon Chuffart
Pas tellement grave, mais malgré tout, j’avais perdu connaissance. Est-ce que du coup ? Ou est-ce de la balle ? Je n’en sais rien.
Claude Laplaud
Alors là, vous étiez pour la première fois un miraculé.
Léon Chuffart
C’est exact.
Claude Laplaud
Mais vous l’avez été une seconde fois.
Léon Chuffart
Alors, par la suite, quand le calme est arrivé, je me suis traîné en me couvrant des cadavres pour arriver chez Monsieur Roseau qui habitait…
Claude Laplaud
La maison Roseau.
Léon Chuffart
La maison Roseau qui habitait là-bas en face, qui était un de mes amis. Arrivé là-bas chez Monsieur Roseau, j’ai trouvé une dizaine de cadavres, qui étaient devant sa porte. La porte ouverte, je me suis permis d’entrer du fait que c’était un camarade. J’ai rentré à genou et j’ai entendu les bruits dans la cuisine parler en allemand, leur voix très forte. Je me suis retiré, et dans l’intervalle, entendant les Allemands sortir de la maison Roseau, j’ai plongé dans la haie du cimetière. Et de là, j’ai pu constater que les soldats de chez Monsieur Roseau attendaient d’autres victimes susceptibles de faire le passage.
Claude Laplaud
Ils tiraient sur les fuyards.
Léon Chuffart
Ils tiraient sur es fuyards, exactement.
Claude Laplaud
Et ils ne vous ont pas vu.
Léon Chuffart
Ils ne m’ont pas vu, du fait que j’étais camouflé.
Claude Laplaud
Alors là, vous avez été une deuxième fois un miraculeux.
Léon Chuffart
Oui, c’est exact.
Claude Laplaud
Monsieur Roseau, ce soir-là, vous vous réfugiez dans votre chambre avec votre femme et vos enfants et vous assistez de très loin au massacre. Il est minuit 15 environ, et vous entendez frapper chez vous. Vous descendez, qui est là ?
Marcel Roseau
J’ouvre la porte, et je me trouve en face de deux Allemands en calot et révolver au poing. Ils me demandent de monter avec eux jusqu’au grenier avec leurs torches, ils ont regardé dans tous les coins voir s'il avait personne de caché Ils sont redescendus dans les chambres du premier étage. Ensuite,ils sont revenus au rez-de-chaussée, nous sommes descendus ensemble à la cave. Et à ce moment-là, ils sont remontés du fait qu’il n’y avait rien de caché chez moi. Et ils se sont installés leur ceinturon, ils ont débouclé leur ceinturon et l’ont mis sur la table. A ce moment-là, toutes leurs cartouches étaient éparpillées, si vous voulez, sur la table. Et ils ont chargé leur revolver. Et immédiatement, ils sont partis à la porte devant. Et comme je n’étais pas rassuré sur leurs intentions, je n'ai fait aucun geste. Et à ce moment-là, je me suis assis à la table, et puis, j’ai attendu. Les coups de fusil et coups de revolver, coups de mitraillettes se passaient devant chez moi, à côté de chez moi. Et à ce moment-là, en revenant ici, un des deux Allemands a dit à ma femme et à mes deux petites filles de se coucher en dessous de la table, sans doute de crainte que les balles traversent la fenêtre, et qu'une l balles perdue viennent les frapper. Dans l’intervalle, ils ont vu mon poste de radio qui se trouvait là. Et ça leur a pris la fantaisie de l’ouvrir. C’était un concert de jazz ou de danse qui se faisait à Paris. Et puis, ils se sont attrapés les deux par les épaules. Ils ont fait un pas de danse ici, peut être deux ou trois pas, vous savez ça n’a pas duré.
Claude Laplaud
Entre deux fusillades.
Marcel Roseau
Entre deux fusillades, ils venaient recharger leur révolver, et puis entre deux, ben, ils s’étaient amusés, ils buvaient un verre de bière.
Claude Laplaud
Monsieur Lelong, vous faites, vous aussi, parti du deuxième peloton. Vous êtes ici rangé le long de la voie avec vos camarades, les SS sont devant vous, ils braquent leurs armes sur vous. L’ordre arrive, ils tirent, qu’est-ce que vous faites ?
Edouard Lelong
Au moment qu’ils se mettent à tirer, j’ai fait une enjambée sur le terre plein à côté, et je me suis allongé la tête appuyée sur mes deux avant-bras. Et je n’ai plus bougé de là jusqu’à la fin du massacre. J’ai vu le deuxième peloton arriver. Ils ont été fusillés, dont un est tombé en travers de mon dos. Ensuite, ils ont fini les blessés sur le terrain. Il y en avait même deux près de moi. On est venu les finir, les achever d’un coup de révolver. Je m’attendais à avoir la même chose, je me tenais pour ne pas bouger au cas où j’aurais été blessé. L’Allemand m’a donné deux coups de pieds sous l’épaule, n’est-ce pas, et puis je n’ai pas bougé, pas plus bougé que s’il n’avait frappé sur un mur. Il m’a cru mort, il m’a laissé là sur le terrain. Et j'ai resté sur le terrain jusqu’à la fin du massacre. Il est venu après le quatrième peloton, qui lui n’a pas été fusillé. L’Allemand a crié retournez vite à votre maison. Ils ont quitté le terrain en vitesse. Moi j’ai été prêt à me lever, mais j’ai eu peur qu’ils nous tirent à la mitraillette, je n’ai pas encore bougé. Je n’ai bougé que lorsque le train ait été refoulé sur Baisieux. N’est-ce pas, le train a été refoulé sur Baisieux,et alors à ce moment-là, j’ai quitté le terrain en rampant. Et je suis parti à l’autre bout du village, parce que par ici, lorsqu’on est ici, ils restaient encore des SS près de la gare. Et le lendemain, que s’est-il passé ?
Mme Dewailly
Et le lendemain matin alors, nous sommes allés dans le grenier, c’est le cas de le dire, pour passer la nuit, n’ayant plus de porte, ni de fenêtre. Puis, il faisait assez froid. Alors, vers 3 heures du matin, des soldats sont venus pour voir un petit peu encore ce qui se passait dans la maison, malgré toute la nuit. Ils avaient sillonné et toupillé, si vous voulez. Et alors là, on s’est présenté aux soldats quoi. Alors, ils ne nous ont rien fait, alors on est descendus. J’ai fait une tasse de café. Et puis alors, j’ai voulu essayer de venir voir ce qui s’était passé sur la carrière. J’avais vu un Monsieur là-bas avec un par-dessus bleu, je ne m’attendais nullement que c’était mon mari malheureusement. Et des soldats allemands sont venus faire leurs toilettes. Je leur ai même offert une tasse de café.
Claude Laplaud
Aux SS.
Mme Dewailly
Et alors, à ce moment-là, je vous ai dit qu’ils étaient là sur le corps de Monsieur Sabin, et qu’ils étaient en train de lui voler leur bridge en or.
Claude Laplaud
Vous l’avez vu ?
Mme Dewailly
Ah oui ça, et je suis venue pour essayer de voir encore qui c’était là-bas en face de Madame Buche, mais toujours avec sa mitraillette au passage à niveau, on n’a pas pu approcher.
Claude Laplaud
Pour vous aussi, Monsieur [Etrain], cette soirée a été le jour du miracle.
Inconnu
Ah oui, tout à fait.
Claude Laplaud
Vous faisiez partie, je crois, du quatrième peloton.
Inconnu
Du dernier peloton, du quatrième peloton, nous sommes le dernier.
Claude Laplaud
Oui, une trentaine d’hommes environ.
Inconnu
Une trentaine d’hommes qui devaient faire la centaine, qui devaient être fusillés d’après ce que j’ai attendu d’un Allemand qui disait [...kaput]. Ah oui, alors comme il y avait un infirme près de moi, il m’a forcé de prendre cet infirme sur le dos pour le conduire jusqu’au lieu d’exécution.
Claude Laplaud
Parce qu’ils avaient pris jusqu’à des infirmes.
Inconnu
Ah jusqu’à des infirmes. Oui, d’accord, il n'y avait pas d'aménagement, jeune, vieux, tout y passait.
Claude Laplaud
Et là, vous saviez que vous alliez à la fusillade.
Inconnu
Ben, en voyant les cadavres à terre, j’ai dit, ici, ce n’est plus pour travailler, c’est bien pour passer de l’autre côté.
Claude Laplaud
Vous deviez également les enjamber pour arriver jusqu’ici.
Inconnu
Ah, je les ai enjambés, forcément.
Claude Laplaud
Et alors, qu’est-ce qui s’est passé justement ?
Inconnu
Alors, à ce moment-là, il est venu un ordre nous disant que tous à la maison, vous devriez être tous fusillés, mais fichez le camp vite chez vous.
Claude Laplaud
Et comment cet ordre est arrivé ? Est-ce que vous l’avez entendu ?
Inconnu
Ah non, ça je ne l’ai pas entendu.