OVH hébergement de sites Web : la réussite de la famille Klaba
03 novembre 2005
03m 36s
Réf. 00010
Notice
Résumé :
Présentation de la société OVH ("On Vous Héberge") qui héberge un site Web français sur quatre. Basée à Roubaix elle a été fondée par Octave Klaba qui dirige cette start-up avec les membres de sa famille. L’ambiance familiale n'empêche pas la productivité basée sur les innovations. OVH possède également des locaux à Paris et s'apprête à ouvrir à Roubaix son nouveau siège social européen.
Type de média :
Date de diffusion :
03 novembre 2005
Source :
France 3
(Collection:
JT soir Nord Pas de Calais
)
Personnalité(s) :
Thèmes :
Lieux :
Éclairage
L’entreprise OVH, dont le siège social est à Roubaix, est devenue en seize ans le premier hébergeur de sites internet européen et le troisième mondial, hébergeant 180 000 sites en 2015 dans 17 data-centers français et étrangers (à Roubaix, Gravelines, Strasbourg, Paris, Brest et au Canada). En 2006, à peine sept ans après son lancement, l’entreprise a orienté son développement au niveau européen puis, au niveau mondial, avec des centres de stockages de données implantés et en projet au Canada, aux Etats-Unis et en Asie. Sa croissance, ses 1000 salariés, ses 930 000 clients revendiqués et 250 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015, lui permettent d’affirmer son ambition de concurrencer les géants américains Amazon, Microsoft, IBM et Google sur le marché de l’hébergement et du cloud computing.
Cette expansion, si rapide, donne au reportage de France 3 Nord-Pas-de-Calais de 2005 un caractère d’archive inattendu. A l’époque du reportage, OVH est une start-up de 45 salariés, composée de la famille fondatrice et de geeks âgés de 25 ans en moyenne. Elle réalise déjà 18 millions de chiffre d’affaires et profite des friches industrielles à bas prix du quartier du Pile de Roubaix pour construire son siège social et ses six data-centers Roubaisiens.
Ce reportage nous permet d’interroger la spécificité de l’entreprise roubaisienne. Nous n’avons pas ici affaire au capitalisme familial habituel de la métropole lilloise ni à la reconversion des capitaux des industries textile et mécanique. Le récit est plutôt celui d’une entreprise familiale issue de l’immigration polonaise récente qui profite de l’espace laissé vacant par les friches industrielles : Octave Klaba crée, en 1999, OVH (ce sont les initiales de son surnom à l’époque) alors qu’il est étudiant en troisième année à l’ICAM de Lille et démarre son activité de chez lui, à Roubaix, louant un serveur aux USA. La petite start-up se développe rapidement, gérée par le fils fondateur, le père, la mère et leurs deux autres fils. Cette famille polonaise d’ingénieurs et d’entrepreneurs, installée à Roubaix dans les années 1990 à la faveur de liens familiaux, importe un rapport au travail et un management calqué sur les start-up américaines : des innovations technologiques centrales autour du refroidissement et de la miniaturisation des serveurs, tout faire soi-même en intégrant l’ensemble des métiers dans l’entreprise, entretenir des relations professionnelles horizontales et non hiérarchisées comme c’est généralement le cas dans les entreprises du nord de la France.
Quels liens OVH entretient-elle avec Roubaix ? Physiquement, le siège roubaisien est un bunker sécurisé qui tourne le dos à la ville. Situé au nord du quartier du Pile, l’un des plus pauvres de Roubaix, entouré de maisons en briques rouges et du canal, le site s’étend sur les friches voisines sans avoir drainé l’économie du quartier par l’ouverture de commerces ou de restaurants, sauf une pizzeria à proximité. Car l’esprit de clan de l’entreprise s’est doublé d’un entre-soi : la plupart des salariés d'OVH ne vivent pas à Roubaix, l’entreprise a ouvert dans ses locaux sa propre crèche pour ses salariés (mettant la municipalité devant le fait accompli), mais aussi son restaurant quasi gratuit, sa salle de sport, sa salle de détente et bientôt son centre de formation. Sur le modèle du management des entreprises numériques américaines, l’autonomie du site permet d’augmenter le temps de travail et la productivité de ses salariés. Des partenariats avec des établissements roubaisiens ont toutefois permis le recrutement de jeunes roubaisiens. Si l’entreprise annonce que la moitié des salariés du siège viennent de la métropole lilloise, c’est surtout parce qu’ils sont venus y faire leurs études, le recrutement de jeunes ingénieurs et commerciaux, autour de 200 embauches par an dans les années 2010, se faisant à un niveau national et international.
OVH est-elle attachée à Roubaix ? Les déclarations de son dirigeant donnent une image ambivalente du rapport de l’entreprise à la ville. Octave Klaba a menacé en 2015 de quitter la France si la loi Renseignement imposant des boîtes noires de contrôle aux hébergeurs de sites était adoptée. Mais OVH ne partira pas et a, dans le même temps, investi dans le développement d’un site de commerce digital dans les anciens locaux de La Redoute, rue Blanchemaille, dans un quartier voisin de Roubaix. En 2013-2014, menaçant de délocaliser l’extension de son siège, OVH obtient de la municipalité et des pouvoirs publics locaux, la vente et la dépollution par l’Etablissement Public Foncier d’un site industriel chimique voisin qui servira à la construction de son "campus OVH". Au niveau local, l’entreprise s’impose dans la filière numérique, qui représente 3600 entreprises et 29 000 emplois dans la région Nord-Pas-de-Calais, portée par des projets publics de pôle d’excellence . Au niveau national, l’entreprise tient tête à l’Etat que ce soit dans son refus de censurer WikiLeaks qu’OVH hébergera suite au désistement d’Amazon, ou face à la concurrence planifiée par l’Etat d’un cloud public-privé français (Numergy et Cloudwatt) dont la stratégie échouera en 2015. OVH entretient donc un rapport de force qui lui permet d’être accompagnée par les pouvoirs publics locaux et les capitaux nordistes.
Bibliographie :
Alix Christophe, "L’internet, giga familial", Liberation, 14 février 2012. http://www.liberation.fr/futurs/2012/02/14/ovh-l-internet-giga-familial_795818
Botella Jean, Batikhy Selim, "OVH : Le ch'ti qui fait trembler les géants du Net", Capital, no 266, novembre 2013, p. 66-67.
Grosclaude Marc, "Roubaix : le campus d’OVH va enfin sortir de terre pour y installer 1000 emplois de plus en cinq ans", La Voix du Nord, le 03/04/2015. http://www.lavoixdunord.fr/region/roubaix-le-campus-d-ovh-va-enfin-sortir-de-terre-pour-y-ia24b58797n2750092
Tréguer Félix, "Hacker l’espace public : la citoyenneté insurrectionnelle sur Internet", Tracés. Revue de Sciences humaines, 2014/1 (n° 26), ENS Editions, juin 2014.
Article OVH sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/OVH
Cette expansion, si rapide, donne au reportage de France 3 Nord-Pas-de-Calais de 2005 un caractère d’archive inattendu. A l’époque du reportage, OVH est une start-up de 45 salariés, composée de la famille fondatrice et de geeks âgés de 25 ans en moyenne. Elle réalise déjà 18 millions de chiffre d’affaires et profite des friches industrielles à bas prix du quartier du Pile de Roubaix pour construire son siège social et ses six data-centers Roubaisiens.
Ce reportage nous permet d’interroger la spécificité de l’entreprise roubaisienne. Nous n’avons pas ici affaire au capitalisme familial habituel de la métropole lilloise ni à la reconversion des capitaux des industries textile et mécanique. Le récit est plutôt celui d’une entreprise familiale issue de l’immigration polonaise récente qui profite de l’espace laissé vacant par les friches industrielles : Octave Klaba crée, en 1999, OVH (ce sont les initiales de son surnom à l’époque) alors qu’il est étudiant en troisième année à l’ICAM de Lille et démarre son activité de chez lui, à Roubaix, louant un serveur aux USA. La petite start-up se développe rapidement, gérée par le fils fondateur, le père, la mère et leurs deux autres fils. Cette famille polonaise d’ingénieurs et d’entrepreneurs, installée à Roubaix dans les années 1990 à la faveur de liens familiaux, importe un rapport au travail et un management calqué sur les start-up américaines : des innovations technologiques centrales autour du refroidissement et de la miniaturisation des serveurs, tout faire soi-même en intégrant l’ensemble des métiers dans l’entreprise, entretenir des relations professionnelles horizontales et non hiérarchisées comme c’est généralement le cas dans les entreprises du nord de la France.
Quels liens OVH entretient-elle avec Roubaix ? Physiquement, le siège roubaisien est un bunker sécurisé qui tourne le dos à la ville. Situé au nord du quartier du Pile, l’un des plus pauvres de Roubaix, entouré de maisons en briques rouges et du canal, le site s’étend sur les friches voisines sans avoir drainé l’économie du quartier par l’ouverture de commerces ou de restaurants, sauf une pizzeria à proximité. Car l’esprit de clan de l’entreprise s’est doublé d’un entre-soi : la plupart des salariés d'OVH ne vivent pas à Roubaix, l’entreprise a ouvert dans ses locaux sa propre crèche pour ses salariés (mettant la municipalité devant le fait accompli), mais aussi son restaurant quasi gratuit, sa salle de sport, sa salle de détente et bientôt son centre de formation. Sur le modèle du management des entreprises numériques américaines, l’autonomie du site permet d’augmenter le temps de travail et la productivité de ses salariés. Des partenariats avec des établissements roubaisiens ont toutefois permis le recrutement de jeunes roubaisiens. Si l’entreprise annonce que la moitié des salariés du siège viennent de la métropole lilloise, c’est surtout parce qu’ils sont venus y faire leurs études, le recrutement de jeunes ingénieurs et commerciaux, autour de 200 embauches par an dans les années 2010, se faisant à un niveau national et international.
OVH est-elle attachée à Roubaix ? Les déclarations de son dirigeant donnent une image ambivalente du rapport de l’entreprise à la ville. Octave Klaba a menacé en 2015 de quitter la France si la loi Renseignement imposant des boîtes noires de contrôle aux hébergeurs de sites était adoptée. Mais OVH ne partira pas et a, dans le même temps, investi dans le développement d’un site de commerce digital dans les anciens locaux de La Redoute, rue Blanchemaille, dans un quartier voisin de Roubaix. En 2013-2014, menaçant de délocaliser l’extension de son siège, OVH obtient de la municipalité et des pouvoirs publics locaux, la vente et la dépollution par l’Etablissement Public Foncier d’un site industriel chimique voisin qui servira à la construction de son "campus OVH". Au niveau local, l’entreprise s’impose dans la filière numérique, qui représente 3600 entreprises et 29 000 emplois dans la région Nord-Pas-de-Calais, portée par des projets publics de pôle d’excellence . Au niveau national, l’entreprise tient tête à l’Etat que ce soit dans son refus de censurer WikiLeaks qu’OVH hébergera suite au désistement d’Amazon, ou face à la concurrence planifiée par l’Etat d’un cloud public-privé français (Numergy et Cloudwatt) dont la stratégie échouera en 2015. OVH entretient donc un rapport de force qui lui permet d’être accompagnée par les pouvoirs publics locaux et les capitaux nordistes.
Bibliographie :
Alix Christophe, "L’internet, giga familial", Liberation, 14 février 2012. http://www.liberation.fr/futurs/2012/02/14/ovh-l-internet-giga-familial_795818
Botella Jean, Batikhy Selim, "OVH : Le ch'ti qui fait trembler les géants du Net", Capital, no 266, novembre 2013, p. 66-67.
Grosclaude Marc, "Roubaix : le campus d’OVH va enfin sortir de terre pour y installer 1000 emplois de plus en cinq ans", La Voix du Nord, le 03/04/2015. http://www.lavoixdunord.fr/region/roubaix-le-campus-d-ovh-va-enfin-sortir-de-terre-pour-y-ia24b58797n2750092
Tréguer Félix, "Hacker l’espace public : la citoyenneté insurrectionnelle sur Internet", Tracés. Revue de Sciences humaines, 2014/1 (n° 26), ENS Editions, juin 2014.
Article OVH sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/OVH
Cécile Vignal