Le peintre Augustin Lesage

18 octobre 2009
03m 44s
Réf. 00006

Notice

Résumé :

Reportage à Burbure dans le Pas-de-Calais où vécut le peintre spirite Augustin Lesage jusqu'à sa mort en 1954. Figure majeure de l'art brut, il fut mineur. C'est au fond de la mine que des voix lui dirent qu'il serait peintre. Il abandonne alors son métier pour se consacrer entièrement à son art. A Burbure, André Fardel l'a très bien connu, il allait souvent le regarder peindre chez lui. Roger Dave, adjoint au maire, se souvient aussi de lui dans sa petite maison de mineur. Des toiles ont été léguées à la mairie et plusieurs habitants de Burbure possèdent quelques toiles parmi les 800 qu'il a peintes.

Date de diffusion :
18 octobre 2009

Éclairage

Le destin du mineur et peintre Augustin Lesage (1876-1954) est singulier tant sa peinture est mondialement connue et reconnue. Il est, cependant, loin d'être la seule "gueule noire" à s'être essayé au dessin et à avoir tenté de s'exprimer dans des tableaux. Mais à la différence de ses camarades, il n'a pas trouvé son inspiration dans la vie quotidienne du bassin minier ou dans le travail au fond ou à la surface. Natif de Saint-Pierre-lez- Auchel dans le Pas-de-Calais, il a, un jour qu'il était au travail dans une galerie, entendu une voix l'inviter à prendre un pinceau et des couleurs. Initié au spiritisme, une doctrine très en vogue à la fin du XIXe siècle, les centaines de tableaux qu'il peignit au cours de sa longue vie d'octogénaire, conservés dans des musées ou des collections particulières, sont le reflet de son mysticisme. Ils témoignent d'un rare talent d'autodidacte, inspiré et foisonnant, qui l'amènera, à plusieurs reprises, à exposer ses œuvres, à Paris notamment. Il fait l'admiration des surréalistes qui croient reconnaître en lui un peintre "automatique". Menant une activité de guérisseur conjointement à la peinture, il abandonne définitivement le métier de mineur en 1923, sa renommée dépassant les frontières - soulignons que le Président des États-Unis, Théodore Roosevelt, possédait, un tableau dont, dit-on, il ne se séparait jamais ! - lui permettant de vivre correctement dans sa petite maison de Burbure.

Rattaché à ce que le peintre Jean Dubuffet a appelé dans la deuxième partie du XXe siècle, "l'art brut", un art produit par des personnes exemptes de culture artistique, il est à ce titre un des peintres les plus importants du musée de La Collection de l'art brut à Lausanne. Mais son importance dans le domaine de l'art dépasse ce courant. Outre sa reconnaissance comme peintre surréaliste, on peut par ailleurs aussi le considérer comme un des précurseurs de l'art abstrait aux côtés de Kandinsky.

L'expérience des Pitman painters, si elle n'est pas tout à fait semblable à celle de Lesage, illustre elle aussi cette tentation qu'ont eu, à différentes époques, les mineurs de s'évader, par l'art pour certains, par l'écriture pour d'autres, du monde industriel et de l'exploitation qui faisaient leur quotidien. En 1934, dans la commune minière d'Ashington, comté de Northumberland dans le nord de l'Angleterre, un groupe de mineurs s'inscrivent à des cours du soir d'histoire de l'art et de dessin organisés par leur syndicat. Ils se lient petit à petit avec des artistes d'avant-garde qui les conduisent vers une politisation de leurs peintures. Beaucoup d'entre elles représentent des scènes liées au travail de la mine. L'ensemble des œuvres de ces mineurs-peintres, désormais très connus, sont conservées au Musée de Woodhorn (Northumberland). Parallèlement, les Houillères de Bassin du Nord-Pas-de-Calais, ont aidé à la création de cours de peinture, de clubs de peintre amateurs, organisant dans les années 1950-1960 des salons plus ou moins réguliers. Ainsi nombreux ont été les mineurs anonymes à avoir fui la réalité en devenant des peintres du dimanche.

Diana Cooper-Richet

Transcription

Christelle Massin
Le fabuleux destin d’Augustin Lesage, les férus d’art brut connaissent l’étonnant talent de cet ancien mineur du Pas-de-Calais devenu un artiste presque malgré lui. Depuis son coron de Burbure, des voix, en effet, l’ont amené à créer une œuvre foisonnante, encensée par les surréalistes. En 2008, une grande galerie parisienne lui rendait hommage. Aurélia Chopin, Antoine Morvan.
(Musique)
Aurélia Chopin
D’abord, il y a l’œuvre, plus de 800 tableaux souvent immenses et inclassables. Augustin Lesage est l’une des figures majeures de l’art brut en France, mais l’homme fut aussi une énigme, un mineur de fond qui a vécu à Burbure jusqu’à sa mort en 1954. André l’a très bien connu.
André Fardel
Cette table-là, je n’ai jamais voulu la vendre.
Aurélia Chopin
Quand il avait 15 ou 16 ans, André allait souvent le regarder peindre chez lui. C’est d’ailleurs Augustin Lesage qui lui a donné le goût de la peinture.
André Fardel
On arrivait dans sa petite maison de mineur, c’était comme si on entrait dans une cathédrale. C’était la profondeur du regard qui était impressionnante et aussi, disons sa sérénité.
Aurélia Chopin
Lesage était ce qu’on appelle un peintre spirite, autodidacte. Au fond de la mine, lorsqu’il avait 35 ans, il entendit une voix lui dire qu’il serait peintre. Et quand il a franchi le pas, ce sont des voix, toujours, qui guidaient son pinceau.
André Fardel
Par rapport à ça, je regardais et je disais, il oubliait là, ben non, au bout d’un moment, hop il revenait. Un coup de pinceau et puis c’était formidable, quoi. On sentait qu’il était conduit par quelque chose, il ne réfléchissait pas.
Savine Faupin
Déjà donc, on est un peu comme happé par le motif, par le mystère aussi des motifs puisque quand on la voit de loin elle a une forme en particulier, on a l’impression de voir des formes, puis quand on se rapproche, on voit d’autres formes. Et on rentre vraiment dans un labyrinthe d’architecture, c’est une sorte de très grande composition dans laquelle on se perd.
Aurélia Chopin
Burbure, près d’Auchel, ici tout a changé depuis les années 50 mais l’un des adjoints du Maire nous emmène devant la maison où vivait le peintre.
Roger Dave
Il était souvent derrière sa fenêtre, et dans la journée alors qu’il était au boulot, son esprit est traversé par la peinture, tout ça. Et la nuit, il en rêvait, il se levait et puis il peignait.
Aurélia Chopin
Lesage a légué quelques toiles à la mairie, il n’a jamais fait fortune. Il vendait ses tableaux au prix que lui coûtait son matériel mais il fut mondialement reconnu de son vivant, à la fois médium et sociétaire des artistes français. Roosevelt lui-même lui a acheté une toile.
Savine Faupin
Peu à peu, des artistes aussi vont s’intéresser à son travail et en particulier des surréalistes qui vont avoir un intérêt pour ces peintures presque automatiques.
Aurélia Chopin
Des toiles de Lesage à Burbure, Paule et Paul en ont aussi quelques unes, ce sont d’anciens voisins du peintre.
Paul
Regardez les couleurs, c’était un champion, hein ! Il était tellement simple cet homme-là. Hein Paule ?
Paule
Oh oui !
Paul
C’était un homme très simple, à première vue parce que vous savez, c’était un monsieur qui, il connaissait un tas de monde. En Angleterre, le Président des Etats-Unis, il a été reçu partout.
Aurélia Chopin
Aujourd’hui, la plupart des tableaux de Lesage sont à l’abri dans des musées. Ce peintre médium inspiré, spontané, est mort à 78 ans. Une rue, à Burbure, porte son nom. Un nom dont l’étymologie déjà était toute une promesse, Augustin Lesage.
(Musique)