Déclaration de François Mitterrand sur la rupture de l'union de la gauche

15 septembre 1977
06m 17s
Réf. 00140

Notice

Résumé :
Déclaration de François Mitterrand : il rappelle les grandes lignes de l'Union de la gauche en qui les Français ont mis leur confiance. Le Parti Socialiste est prêt à reprendre à tout moment les discussions sur l'actualisation du programme commun avec ses deux partenaires. Il annonce la convocation de l'instance nationale du PS, le 19 septembre prochain. Il trace le bilan de la politique du gouvernement actuel et conclut par "nous gardons solidement l'espoir".
Date de diffusion :
15 septembre 1977
Source :
TF1 (Collection: JT 13H )

Éclairage

Le Programme commun de gouvernement a été signé par le Parti socialiste et le Parti communiste le 27 juin 1972, puis par le Groupe d'études et d'action radical-socialiste (minoritaires du Parti radical qui deviendront le Mouvement des radicaux de gauche) le 12 juillet.

Ce Programme soude l’union de la gauche jusqu’aux élections municipales de 1977 qui sont une grande victoire pour la gauche, et notamment pour le PS. A leur issue commence la réactualisation du Programme commun telle que l’a demandée le Parti communiste.

Devant certaines des nouvelles revendications communistes, et notamment leur demande de nationalisations supplémentaires, Robert Fabre et le MRG mettent fin à leur participation aux négociations et à cette union lors de la réunion du 14 septembre.

Ce départ d’un des trois principaux signataires met ainsi en péril l’ensemble de l’union et la poursuite des négociations, ce qui justifie cette intervention très solennelle et grave de François Mitterrand qui plaide au nom du PS pour une poursuite de la réactualisation.

En dépit de ces déclarations et de la poursuite des discussions dans un climat de plus en plus houleux, l’union de la gauche est définitivement rompue dans la nuit du 22 au 23 septembre 1977.
Judith Bonnin

Transcription

Yves Mourousi
Voilà, 20 heures 5, hier soir, et vous avez déjà pu entendre au cours de nos éditions, avec Roger Gicquel, avec Jean-Claude Narcy en fin de soirée, la totalité de la déclaration de Robert Fabre. Et vous avez pu suivre aujourd’hui donc ce qui s’est passé, vous l’avez vu hier, Monsieur Marchais avait l’intention de parler mais Monsieur Fabre a pris la parole le premier. Monsieur Marchais devait intervenir au nom de la délégation communiste quelques instants après. Mais on attendait pour ce matin, puisque hier soir, il s’était tu, la réaction du Premier Secrétaire du Parti Socialiste. 9 heures 30 ce matin, Monsieur François Mitterrand était devant la presse.
(Silence)
François Mitterrand
Je m’adresse d’abord aux millions de Françaises et de Français, la majorité, qui ont mis dans la Gauche, et plus précisément dans l’Union de la gauche, leur confiance et leur espoir. Ils savent que depuis douze ans, dans les bons et les mauvais jours, je n’ai cessé de croire que l’Union, et seulement l’Union, l’Union de la gauche sera capable de leur apporter ce qui leur manque le plus : l’égalité des droits et des chances, la responsabilité de leurs propres affaires, la certitude que la France retrouvera l’élan des grands moments de son histoire. En dépit des traverses, je le crois encore, je le crois toujours et c’est ce que je viens leur dire aujourd’hui. J’imagine qu’hier soir, ce matin, ils ont appris avec tristesse que par le double effet des surenchères et des jeux politiques, cette union cimentée en 1972 par le programme commun de gouvernement de la Gauche était en péril. Or, le programme commun est un bon programme. Il rassemble les travailleurs, il défend leurs justes intérêts, il répond aux questions que pose la crise économique, sociale, culturelle de la société occidentale. Il propose le véritable changement hors duquel notre pays continuera de subir la loi des privilèges et le règne de l’injustice. Ce programme, nous l’avons, gardons-le. Nous devons, certes, l’adapter aux réalités du moment, mais et notamment, tenir compte des conséquences de l’inflation, du chômage, de la baisse du pouvoir d’achat, de l’aggravation des inégalités. Mais nous devons veiller tout autant à préserver le pacte fondamental qui a permis à la Gauche de devenir en peu d’années la première force du pays. C’est dans cet esprit que le Parti socialiste sert et continuera de servir l’Union. C’est dans cet esprit qu’il se déclare prêt à reprendre à tout moment, avec ses deux partenaires, l’actualisation du programme commun. J’ai reçu une lettre du Secrétaire Général du Parti Communiste Français, invitant le Parti socialiste à poursuivre la discussion sans désemparer ; hors de la présence des Radicaux de Gauche qui s’en sont, il est vrai, provisoirement je l’espère, exclus d'eux-mêmes. Nous avons répondu que nous avions convoqué notre comité directeur, notre instance nationale, qualifiée, pour le lundi 19 septembre, afin de prendre les décisions qu’impose une situation que nous déplorons hautement. Je m’adresse maintenant à tous les Français au-delà des divergences et des choix politiques. Ils constatent, comme moi, que les partis actuellement au pouvoir n’ont pour bilan que leurs échecs. Le chômage et l’inflation ne sont que les résultats les plus visibles et les plus attristants de leur gestion politique. Dans leur immense majorité, les Français n’en veulent plus. Il faut qu’ils comprennent que la difficulté de la Gauche est qu’elle veut aller honnêtement au fond des choses pour changer la vie, et que la facilité de la Droite est qu’elle se contente de slogans à seule fin de garder le pouvoir. C’est toute la différence. Et je conclurai, pour l’instant, avant de m’adresser à nouveau au cours des jours suivants au nom des socialistes à l’opinion publique, je conclus en disant que nous gardons solidement l’espoir. L’entreprise à laquelle nous sommes attachés, nécessite, on le voit, beaucoup de soins, mais elle est nécessaire à la France comme elle est nécessaire aux Français. Eh bien, il faut garder le calme et la solidité, il faut surtout garder l’espoir, tel est le sentiment, telle est la volonté des socialistes.