Conférence de presse avant les législatives

12 février 1973
02m 27s
Réf. 00007

Notice

Résumé :
Le 12 février 1973, trois semaines avant le premier tour des législatives, François Mitterrand, premier secrétaire du PS, revient, lors d’une conférence de presse, sur les propos tenus par Georges Pompidou dans un entretien télévisé. Reconnaissant la légitimité du chef de l’Etat, il regrette que celui-ci refuse la perspective de l’élection d’une majorité de gauche à l’Assemblée nationale.
Date de diffusion :
12 février 1973
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

En juin 1971, lors du congrès d’Epinay-sur-Seine, François Mitterrand est devenu premier secrétaire du Parti socialiste sur la promesse d’approfondir la stratégie d’union de la gauche qu’il avait esquissée entre 1965 et 1967. Un an plus tard, un contrat de législature, nommé programme commun de gouvernement, est signé entre socialistes et communistes, bientôt rejoints par les radicaux de gauche. Aussi, pour la gauche unie, qui espère renouer avec une dynamique évanouie dans les lendemains de mai 1968, les législatives des 4 et 11 mars 1973 font-elles figure de test. Entre droite et gauche, tandis que les réformateurs menés par Jean-Jacques Servan-Schreiber se plaisent à troubler le jeu bipolaire, la campagne se déroule alors dans un climat tendu.

Ainsi le 12 février, lors d’une conférence de presse, François Mitterrand reproche au chef de l’Etat de ne pas même envisager la possibilité de nommer un Premier ministre – poste qu’il prend grand soin de ne pas revendiquer pour lui-même, ne souhaitant ni raviver le souvenir de l’homme trop pressé de prendre le pouvoir en mai 1968, ni ouvrir quelque conflit latent avec son partenaire communiste – de gauche, si celle-ci venait à l’emporter le 11 mars. Plus exactement, Georges Pompidou se refuse obstinément à dévoiler ses intentions et, dans son entretien du 8 février, dramatise à l’envi l’enjeu de ces élections allant jusqu’à comparer l’application du programme commun à la « dictature des partis ».

L’occasion est donc belle pour François Mitterrand de fustiger, non sans ironie, l’interventionnisme d’un président se comportant en chef de parti et, plus encore, son sectarisme quand, par sa voix, la gauche proteste, une fois de plus, de son légalisme institutionnel. Cependant la puissance conjuguée du PCF et du sentiment anticommuniste interdisent encore au PS de véritablement rêver à la victoire. Aussi la situation évoquée par François Mitterrand et redoutée par Georges Pompidou ne se réalise-t-elle pas.

En effet, à l’issue des législatives, la droite, en dépit du recul gaulliste, conserve une nette majorité à l’Assemblée nationale. Néanmoins, malgré cette défaite, ce scrutin marque une réelle progression de la gauche (177 sièges contre 91 en juin 1968) et, plus particulièrement, du PS qui, en suffrages, a presque égalé le PCF. La stratégie d’Epinay semble donc validée.
Antoine Rensonnet

Transcription

Jean-Marie Cavada
François Mitterrand devant la presse a commenté aujourd’hui quelques-uns des propos tenus par le Président de la République, dans sa dernière conférence de presse jeudi, et d’abord, ou plutôt, dans son intervention, jeudi. Mais d’abord, pour le premier secrétaire du Parti socialiste, Monsieur Pompidou doit veiller à ne pas se couper de la partie de l’électorat qui votera à gauche.
François Mitterrand
Le rôle du Président de la République n’est pas de créer le désordre, mais d’harmoniser les inévitables contradictions, commandées par l’évolution d’un grand peuple. C’est vrai que Monsieur Pompidou, Président de tous les Français, nous le reconnaissons comme tel, semble mettre un point d’acharnement à ne vouloir être à tout prix que le Président de la moitié. C’est dommage ! Nous le déplorons ! Mais je le répète, nous pensons que la sagesse l’emportera et nous n’émettons aucune passion particulière. La gauche ne demande que cela. Ne demande que, premièrement, gagner les élections. Ayant gagné les élections, ce qui suppose une majorité parlementaire, constituer une majorité. Et elle attendra du Président de la République qu’il veuille bien désigner un Premier ministre capable de former un gouvernement dans la ligne générale de cette majorité qui elle-même se sera constituée sur la base du programme commun. Voilà la logique, je le répète volontairement, la sagesse, voilà l’intérêt du pays. Bon. Monsieur le Président de la République s’y refuse, il engage un processus dont il est seul maître, et seul responsable. J’ai dit et j’engage la gauche, que le Président de la République est élu jusqu’en 1976, et que, sauf accident, que nous ne souhaitons pas, il doit parvenir au terme de sa charge. S’il estime lui-même qu’il doit en être autrement, cela le regarde. Mais nous ne souhaitons pas une succession d’élections qui occupe constamment le pays, alors qu’il y a mieux à faire.