Intervention télévisée avant les législatives
02 mars 1967
04m 17s
Réf. 00003
Notice
Résumé :
Trois jours avant le premier tour des législatives des 5 et 12 mars 1967, François Mitterrand, président de la FGDS, qui réunit la SFIO, les radicaux et la CIR, regrette que le général de Gaulle intervienne à la veille du scrutin et après la clôture de la campagne officielle. Le chef de l’Etat renoncerait ainsi à être le garant de la Constitution et mettrait en cause l’équité de la campagne.
Type de média :
Date de diffusion :
02 mars 1967
Source :
Personnalité(s) :
Éclairage
Soutenu par l’ensemble des forces de gauche, François Mitterrand est parvenu lors de la présidentielle de 1965 à pousser le général de Gaulle à un ballottage inattendu. Ce bon résultat l’a imposé comme le leader de la gauche non communiste, désormais réunie au sein de la FGDS qu’il préside. Celle-ci, alliée aux communistes par un accord de désistement, veut faire des législatives des 5 et 12 mars 1967 le troisième tour de la présidentielle.
Comme en 1965, la campagne officielle télévisée, qui se déroule du 22 février au 3 mars, joue un rôle majeur et offre une tribune aux oppositions. François Mitterrand intervient ainsi à plusieurs reprises et, le 2 mars, s’il appelle à l’élection d’une majorité de gauche pour « organiser une société plus juste », il entend surtout dénoncer, une fois de plus et en prenant soin de le distinguer de la Ve République, le régime gaulliste qui serait frappé de macrocéphalie, désormais aux abois et condamné à bientôt sombrer dans une guerre des épigones.
La décision du général de Gaulle de prononcer une allocution solennelle la veille du premier tour après la clôture de la campagne, fournit à François Mitterrand un évident prétexte. Certain de pas être démenti par les faits, il peut exprimer sa crainte que le président de la République ne se conduise en chef de majorité, violant peut-être la Constitution et rompant sans doute l’équité de la campagne. Le chef de l’Etat, en effet, va présenter le scrutin comme un choix entre la Ve République et les partis, soit entre le salut et le malheur du peuple français.
Il est toutefois peu probable que cette déclaration ait eu une influence notable sur la consultation électorale. A l’issue de celle-ci, les gaullistes et leurs alliés conservent une très courte majorité (244 sièges sur 487) à l’Assemblée nationale alors que la gauche (121 sièges pour la FGDS, 73 pour le PCF) progresse nettement, ce qui confirme la bipolarisation de la vie politique, bien qu’un centre autonome (41 sièges) parvienne toujours à exister.
Quant à François Mitterrand, renforcé dans sa position de leader de l’opposition, il continue, pendant plus d’une décennie encore, à critiquer les incursions des chefs de l’Etat dans les campagnes législatives. Devenu président, il ne va pourtant pas résister à la tentation de peser sur celles-ci sans toutefois jamais prendre la parole après le terme de la campagne officielle.
Comme en 1965, la campagne officielle télévisée, qui se déroule du 22 février au 3 mars, joue un rôle majeur et offre une tribune aux oppositions. François Mitterrand intervient ainsi à plusieurs reprises et, le 2 mars, s’il appelle à l’élection d’une majorité de gauche pour « organiser une société plus juste », il entend surtout dénoncer, une fois de plus et en prenant soin de le distinguer de la Ve République, le régime gaulliste qui serait frappé de macrocéphalie, désormais aux abois et condamné à bientôt sombrer dans une guerre des épigones.
La décision du général de Gaulle de prononcer une allocution solennelle la veille du premier tour après la clôture de la campagne, fournit à François Mitterrand un évident prétexte. Certain de pas être démenti par les faits, il peut exprimer sa crainte que le président de la République ne se conduise en chef de majorité, violant peut-être la Constitution et rompant sans doute l’équité de la campagne. Le chef de l’Etat, en effet, va présenter le scrutin comme un choix entre la Ve République et les partis, soit entre le salut et le malheur du peuple français.
Il est toutefois peu probable que cette déclaration ait eu une influence notable sur la consultation électorale. A l’issue de celle-ci, les gaullistes et leurs alliés conservent une très courte majorité (244 sièges sur 487) à l’Assemblée nationale alors que la gauche (121 sièges pour la FGDS, 73 pour le PCF) progresse nettement, ce qui confirme la bipolarisation de la vie politique, bien qu’un centre autonome (41 sièges) parvienne toujours à exister.
Quant à François Mitterrand, renforcé dans sa position de leader de l’opposition, il continue, pendant plus d’une décennie encore, à critiquer les incursions des chefs de l’Etat dans les campagnes législatives. Devenu président, il ne va pourtant pas résister à la tentation de peser sur celles-ci sans toutefois jamais prendre la parole après le terme de la campagne officielle.
Antoine Rensonnet
Transcription
(Bruit)
François Mitterrand
Il faut que je vous dise ce soir, dans l’intérêt de la République, l’importance extrême qui s’attache à la décision du Général de Gaulle, d’intervenir samedi prochain à la radio télévision. En effet, la loi votée par le parlement, à la demande de Monsieur Pompidou, promulguée par le Général de Gaulle, détermine le temps de parole qui revient à la majorité et à l’opposition. On a même poussé le détail jusqu’à tirer au sort celui qui parlerait le dernier, et il était entendu que la campagne télévisée s’achèverait vendredi soir. Si donc le Général de Gaulle intervient, comme c’est le cas, en dehors du temps prévu pour la majorité et pour l’opposition, c’est qu’il estime que sa fonction le situe au-dessus de la mêlée, et il a parfaitement raison. C'est interprétation correcte de la constitution, mais je suppose alors qu’il veillera scrupuleusement à ne peser en aucune façon sur le vote des électeurs. Et il se comportera de la sorte en citoyen respectueux des lois et surtout de la loi suprême, je veux dire la constitution, dont il est après tout le gardien. Mais faisons une autre hypothèse... Le Général de Gaulle se jette dans la bataille électorale... Alors la constitution est bafouée puisqu’elle perd son arbitre, mais il reste la loi, l’équité, la bonne foi. J’espère qu’elles conseilleront au Général de Gaulle, puisqu’il devient le chef du parti de la majorité sortante, de s’exprimer à la place, et dans le temps réservé à cette majorité. C’est un simple problème d’honnêteté politique. Reste la troisième et dernière hypothèse, dont je crois pour tout dire ou bien, je crains, qu’elle ne soit la bonne, c’est-à-dire la plus mauvaise pour la démocratie. Le Général de Gaulle en appelle à la nation, en sa qualité de président de la République, mais use de cette qualité pour servir d’agent électoral à la majorité sortante. Alors, la Cinquième République en sera parvenue au terme de son évolution naturelle. Désormais, l’homme élu au suffrage universel à la tête de l’Etat, le Général de Gaulle, ou un autre, sera l’homme tout puissant puisqu’il aura même le pouvoir incroyable, dans une république, de réformer la loi à sa guise. Il sera plus puissant que ne l’était dans les dernières années de son règne, l’empereur Napoléon III. Mais, choisissons d’autres exemples... Il aura infiniment plus de pouvoir que la Reine d’Angleterre et Monsieur Wilson tout ensemble, à Londres. Il aura beaucoup plus de pouvoir que Monsieur Johnson à Washington, que Monsieur Brejnev à Moscou. A qui donc le comparer ? Mais j’ai dit le Général de Gaulle ou un autre. En effet, la loi de la nature, et de l’histoire, nous disent qu’un jour cet autre sera là et ceux qui font confiance au Général de Gaulle sont-ils disposés à livrer la France au dauphin inconnu, qui sera demain notre maître après une guerre de succession ? Tel est le pire effet de l’instabilité : un gouvernement sans principe et sans loi. Mais ceci nous ramène à la conclusion évidente. Si la majorité sort ainsi de la légalité, c’est parce qu’elle redoute de présenter son bilan, voilà toute la différence. La Fédération de la gauche démocrate et socialiste vous demande vos suffrages pour se mettre au travail. Le seul travail qui lui importe : organiser une société plus juste et plus heureuse. Et croyez-moi, là non plus, il n’y a pas de temps à perdre.(Silence)