Congrès de la Fédération des Prisonniers de Guerre

13 avril 1945
03m 29s
Réf. 00234

Notice

Résumé :
Congrès constitutif de la Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre et Déportés (FNPGD). Extraits des discours de François Mitterrand, Pierre Devaux, président des prisonniers de guerre, et Henri Frenay, ministre des déportés et prisonniers.
Type de média :
Date de diffusion :
13 avril 1945

Éclairage

Le document illustre un moment-clé de la carrière de François Mitterrand. Prisonnier de guerre en Allemagne, il s'est évadé en 1941 et a rejoint Vichy. Grâce à ses relations, il trouve un emploi au Commissariat aux prisonniers de guerre où il oeuvre en faveur de ses anciens compagnons de captivité et aide au reclassement des évadés. Il entend aussi faire connaître dans une série d'articles la réalité du sort des prisonniers à travers sa propre expérience. Avec l'accord de Maurice Pinot, qui dirige le Comité de reclassement des prisonniers, il passe à une activité clandestine de fabrication de faux papiers pour les évadés. En 1943, il franchit une étape supplémentaire en participant à la fondation d'un Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG) qui devient progressivement une organisation de résistance, anti-allemande tout en demeurant proche des milieux de résistance vichyste et du général Giraud.

Conscient de l'évolution des événements, il gagne la confiance d'Henri Frenay, chef du mouvement Combat. Grâce à l'entremise de celui-ci, il peut rencontrer à Londres le général de Gaulle en décembre 1943 et obtenir de celui-ci la mission d'unifier les multiples mouvements de prisonniers que les circonstances de la guerre ont fait naître en France. Il élargit donc son influence en fusionnant le RNPG avec un mouvement de résistance gaulliste et un mouvement communiste pour constituer avec eux le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (MNPGD). Ce mouvement participe aux combats pour la libération de Paris en août 1944 et François Mitterrand s'installe dans les bureaux du Commissariat aux prisonniers de guerre. Il est désormais assez représentatif pour que , sur proposition d'Henri Frenay, ministre des Anciens combattants,  le général de Gaulle nomme Mitterrand (qui a 27 ans) secrétaire général intérimaire aux Prisonniers de guerre, jouant le rôle de ministre en août-septembre 1944.

Mais François Mitterrand voit plus loin. Il entend sortir de cette fonction administrative pour jouer un rôle politique. Aussi refuse-t-il d'être pérennisé dans ses fonctions et se consacre-t-il à renforcer sa position à la tête du mouvement ancien combattant. C'est ainsi que, sous le patronage de son ami Henri Frenay, il peut convaincre en avril 1945 Pierre Devaux, président d'une association de prisonniers de guerre de fusionner celle-ci avec le MNPGD pour constituer la Fédération nationale des prisonniers de guerre et déportés (FNPGD) dont il est le président et qui rassemble la quasi-totalité des organisations de prisonniers de guerre et déportés (en dehors de celles fondées par le parti communiste). C'est à partir de ce rôle, de la notoriété qu'elle lui procure et des réseaux d'influence ainsi créés que François Mitterrand va pouvoir débuter en 1946 sa carrière politique.
Serge Berstein

Transcription

Journaliste
Le congrès constitutif de la fédération nationale des prisonniers de guerre vient de se tenir à Paris. Il groupe l’ensemble des prisonniers de guerre qui ont milité dans les centres d’entraide et le mouvement national des prisonniers de guerre et déportés. Il groupe également ceux qui s’étaient jusqu’ici tenus à l’écart de ces organisations et qui se sont aujourd’hui rassemblés pour une action commune. C’est dans la grande salle des congrès de l’hôtel de ville à Paris que s’est tenue cette réunion. Au fond de la salle, se détachant sur un drapeau tricolore, une banderole porte ces mots qui sont le thème de l’effort actuel : "Etes-vous prêts à les accueillir ?" Prêts à les accueillir, c’est être fidèle aux engagements pris aux camps, c’est soutenir les familles et ceux qui ne sont pas encore de retour. C’est préserver les droits des absents et songer enfin aux cas multiples que pose chaque jour cette question du retour. Plusieurs congressistes ont déjà développé ces thèmes, lorsque Monsieur Mitterrand, prenant la parole, évoque l’action déjà accomplie.
François Mitterrand
Mais je pourrais quand même dire et affirmer en toute vérité que de nombreuses villes importantes de France furent délivrées par des groupes, et spécifiquement prisonniers de guerre. Et je pourrais rappeler qu’à Paris comme ailleurs, les prisonniers de guerre étaient au premier rang, c’est-à-dire autour de l’Hôtel de Ville, c’est-à-dire autour de la Cité, c’est-à-dire aux Batignolles, c’est-à-dire dans la banlieue ouest, c’est-à-dire dans la banlieue nord, partout où l'Allemand s’accrochait, nous avons été présents. Et ce furent des journées glorieuses, mais aussi des journées difficiles. Des journées difficiles parce que la confusion régnait et parce qu’il ne pouvait pas en être autrement. Nous étions ici, cernés à Paris, avec l’impossibilité de communiquer avec les provinces parce que plus de transport, pas d’essence, aucun moyen. Et de ce fait, des difficultés originelles se sont créées trop souvent entre nous de telle sorte que fort souvent, nous avons eu des difficultés à nous comprendre. Mais dès les premiers jours, les centres d’entraide ont eu dans leurs représentants Devaux, Corniaud, quelques autres. Des hommes à l’intelligence et au coeur suffisamment vaste pour admettre qu’il y avait quelque chose de magnifique à construire. Et quand nous nous sommes retrouvés rue Meyerbeer, alors que les Allemands étaient encore dans la kommandantur voisine, alors que les Allemands circulaient dans la rue même et que nous nous sommes dits : Voici que la France est libre et qu’allons nous faire ? Voici que la France, enfin, retrouve son indépendance et peut retrouver sa grandeur, est-ce que nous, les captifs, de quelque chapelle et de quelque origine que nous soyons, nous allons, oui ou non, participer à cette grandeur ? Et nous étions saisis par le rôle magnifique et lourd qui nous incombait. Et nous avons essayé de toutes nos forces d’imprimer à la direction nouvelle de nos groupements ce sens de l’avenir que le congrès aujourd’hui doit préciser et développer.