Les débuts de la coupe Icare
Notice
Le sujet du reportage s'intéresse à la future coupe Icare, compétition de deltaplane. Les juges testent la "piste" à Saint Hilaire du Touvet. Ces vols sont effectués sous les yeux de nombreux spectateurs mais aussi de l'inventeur de l'hydravion, Roger Fabre. La fédération libériste, composée d'adeptes des vols libres, a été récemment créée. Ce sport se développe notamment car il est accessible à tout le monde, à condition d'avoir un moniteur et de respecter les consignes.
Éclairage
Apparue en France au début de l'année 1972, l'aile delta s'implante particulièrement dans la région Rhône-Alpes en raison de l'accessibilité de ses nombreuses aires d'envol. L'année 1974 est un moment clé de son développement avec la création d'un événement annuel : la coupe Icare, organisée sur le site de Saint-Hilaire-du-Touvet. Le libre-arbitre, la nature, la connaissance, l'émotion, la connivence avec l'autre apparaissent comme substituts au règlement, au stade, à la reconnaissance de soi, à la raison et à la domination de l'autre qui caractérise le domaine sportif. L'aile delta est ainsi caractérisée par l'un des intervenants de ce reportage comme un « antidote au sport ». Le reportage, diffusé dans le journal télévisé régional à la veille de la première édition de la coupe Icare en 1974, s'inscrit dans cette veine de la modernité face à la tradition et vante, au-delà de l'événement, une activité censée répondre à un besoin de renouvellement. Le discours de Jan Erlich correspond à cette posture en opposant le patinage artistique, symbolique du classicisme sportif, à l'aile delta sur la base de valeurs contradictoires. Le propos comme les images mettent en avant l'innovation que représente le vol de l'homme à l'aide d'un cerf-volant symbolisant la liberté, l'évasion et l'harmonie avec les éléments naturels davantage que le terme aile-delta. Non dénué de signification idéologique, l'année même où René Dumont se présente à l'élection présidentielle comme premier candidat écologique, cette caractérisation promeut un nouvel idéal, défini par la mobilisation d'une terminologie révélatrice (silencieux, non polluant, etc.), qui doit s'incarner dans un rapport renouvelé de l'homme à son environnement. La filiation avec l'aventure aéronautique du début du XXe siècle, avec la présence d'Henri Favre, l'inventeur de l'hydravion, permet d'installer cette pratique dans un processus historique et donc d'insister sur son intérêt au-delà du seul effet de mode. Les plans en contre-plongée soulignent le caractère majestueux du vol et permettent d'admirer l'habileté des pilotes qui paraissent en suspension dans les airs. L'esthétisme constitue ainsi un mode d'appréhension privilégié pour sensibiliser le néophyte. Cette innovation, qui renouvelle les codes symboliques et moteurs du sport, est également un levier de développement économique afin d'amener une nouvelle clientèle touristique dans des territoires souvent réduits à l'accueil des skieurs. L'identité régionale est particulièrement soulignée par la référence à des fabricants et à des lieux essentiellement limités à des stations de sports d'hiver. Il s'agit donc bien d'attirer l'attention du public pour former de nouveaux adeptes et promouvoir un nouveau marché. Le reportage consacre à ce titre une longue séquence pour convaincre de l'absence de danger. La sécurité constitue en effet l'un des obstacles majeurs à son développement alors même que certains accidents ont été relatés dans la presse écrite dans les mois précédant ce reportage. Il s'agit donc de rassurer pour déconstruire les représentations qui considèrent que voler sous une aile de vingt kilogrammes est une activité hors-norme réservée à des casse-cou. L'encadrement par des moniteurs qualifiés est ainsi présenté comme une précaution permettant de lever les craintes. L'aspect ludique de cette activité est aussi valorisé afin de convaincre qu'elle est ouverte à tous. Pour ce faire, le commentateur n'hésite pas à grossir le trait en soulignant que le cerf-volant est « partie intégrante des loisirs d'été comme d'hiver » alors qu'il ne concerne qu'un nombre limité de pratiquants. C'est bien le mythe de l'homme oiseau, désormais assuré de son intégrité physique, qui est convoqué dans ce reportage renvoyant d'une certaine manière aux valeurs dites éternelles de la montagne.
Pour aller plus loin :
- Attali Michaël, Bazoge Natalia, Delorme Nicolas, Grosset Yoan, Jorand Dominique (2010) La construction locale d'un événement médiatique mondial : la coupe Icare. In M. Attali (dir.), Sports et Médias du XIXe siècle à nos jours. Paris : Atlantica.