Les débuts de la coupe Icare

03 septembre 1974
04m 07s
Réf. 00018

Notice

Résumé :

Le sujet du reportage s'intéresse à la future coupe Icare, compétition de deltaplane. Les juges testent la "piste" à Saint Hilaire du Touvet. Ces vols sont effectués sous les yeux de nombreux spectateurs mais aussi de l'inventeur de l'hydravion, Roger Fabre. La fédération libériste, composée d'adeptes des vols libres, a été récemment créée. Ce sport se développe notamment car il est accessible à tout le monde, à condition d'avoir un moniteur et de respecter les consignes.

Date de diffusion :
03 septembre 1974
Source :

Éclairage

Apparue en France au début de l'année 1972, l'aile delta s'implante particulièrement dans la région Rhône-Alpes en raison de l'accessibilité de ses nombreuses aires d'envol. L'année 1974 est un moment clé de son développement avec la création d'un événement annuel : la coupe Icare, organisée sur le site de Saint-Hilaire-du-Touvet. Le libre-arbitre, la nature, la connaissance, l'émotion, la connivence avec l'autre apparaissent comme substituts au règlement, au stade, à la reconnaissance de soi, à la raison et à la domination de l'autre qui caractérise le domaine sportif. L'aile delta est ainsi caractérisée par l'un des intervenants de ce reportage comme un « antidote au sport ». Le reportage, diffusé dans le journal télévisé régional à la veille de la première édition de la coupe Icare en 1974, s'inscrit dans cette veine de la modernité face à la tradition et vante, au-delà de l'événement, une activité censée répondre à un besoin de renouvellement. Le discours de Jan Erlich correspond à cette posture en opposant le patinage artistique, symbolique du classicisme sportif, à l'aile delta sur la base de valeurs contradictoires. Le propos comme les images mettent en avant l'innovation que représente le vol de l'homme à l'aide d'un cerf-volant symbolisant la liberté, l'évasion et l'harmonie avec les éléments naturels davantage que le terme aile-delta. Non dénué de signification idéologique, l'année même où René Dumont se présente à l'élection présidentielle comme premier candidat écologique, cette caractérisation promeut un nouvel idéal, défini par la mobilisation d'une terminologie révélatrice (silencieux, non polluant, etc.), qui doit s'incarner dans un rapport renouvelé de l'homme à son environnement. La filiation avec l'aventure aéronautique du début du XXe siècle, avec la présence d'Henri Favre, l'inventeur de l'hydravion, permet d'installer cette pratique dans un processus historique et donc d'insister sur son intérêt au-delà du seul effet de mode. Les plans en contre-plongée soulignent le caractère majestueux du vol et permettent d'admirer l'habileté des pilotes qui paraissent en suspension dans les airs. L'esthétisme constitue ainsi un mode d'appréhension privilégié pour sensibiliser le néophyte. Cette innovation, qui renouvelle les codes symboliques et moteurs du sport, est également un levier de développement économique afin d'amener une nouvelle clientèle touristique dans des territoires souvent réduits à l'accueil des skieurs. L'identité régionale est particulièrement soulignée par la référence à des fabricants et à des lieux essentiellement limités à des stations de sports d'hiver. Il s'agit donc bien d'attirer l'attention du public pour former de nouveaux adeptes et promouvoir un nouveau marché. Le reportage consacre à ce titre une longue séquence pour convaincre de l'absence de danger. La sécurité constitue en effet l'un des obstacles majeurs à son développement alors même que certains accidents ont été relatés dans la presse écrite dans les mois précédant ce reportage. Il s'agit donc de rassurer pour déconstruire les représentations qui considèrent que voler sous une aile de vingt kilogrammes est une activité hors-norme réservée à des casse-cou. L'encadrement par des moniteurs qualifiés est ainsi présenté comme une précaution permettant de lever les craintes. L'aspect ludique de cette activité est aussi valorisé afin de convaincre qu'elle est ouverte à tous. Pour ce faire, le commentateur n'hésite pas à grossir le trait en soulignant que le cerf-volant est « partie intégrante des loisirs d'été comme d'hiver » alors qu'il ne concerne qu'un nombre limité de pratiquants. C'est bien le mythe de l'homme oiseau, désormais assuré de son intégrité physique, qui est convoqué dans ce reportage renvoyant d'une certaine manière aux valeurs dites éternelles de la montagne.

Pour aller plus loin :

- Attali Michaël, Bazoge Natalia, Delorme Nicolas, Grosset Yoan, Jorand Dominique (2010) La construction locale d'un événement médiatique mondial : la coupe Icare. In M. Attali (dir.), Sports et Médias du XIXe siècle à nos jours. Paris : Atlantica.

Michaël Attali

Transcription

(Musique)
Gérard Moulinet
Avant la Coupe Icare, qui se déroulera à la fin de ce mois à Saint-Hilaire-du-Touvet au-dessus de Grenoble les 28 et 29 septembre, et qui va rassembler plus d’une centaine de cerfs-volants, les juges ont voulu tester ce saut de falaise qui s’achève 400 mètres plus bas à Crolles, après un circuit de 2,5 kilomètres.
(Musique)
Roland Magallon
C’est parti, ça va !
(Musique)
Roland Magallon
Bon, j’essaie de rattraper Yann.
Gérard Moulinet
Des envols majestueux sous le regard intéressé de l’inventeur de l’hydravion en 1910, Roger Fabre.
(Musique)
Roland Magallon
Yann, descends !
Gérard Moulinet
Plusieurs firmes fabriquent les cerfs-volants, en particulier à Paris. Une entreprise régionale s’est cependant penchée sur la production de ces appareils. Pour le directeur de l’usine, qui est également un pratiquant fervent, il y a un marché à conquérir, mais avant tout, il faut aimer ce sport.
Roland Magallon
Bon ben il faut aimer et puis vous lancer en petite fabrication par rapport à l’air et par rapport à ce que vous pouvez aimer dans les airs. Le marché peut être trouvé par rapport à toutes les grandes stations de la région, telles que Huez, les Deux-Alpes, Chamrousse et autres stations.
Michel Raibon
Ah, c’est un sport qui n’est pas polluant, qui ne fait pas de bruit et qui est vraiment remarquable sur le plan, sur le plan spectacle. Je crois que ce n’est même pas dangereux du tout, enfin ça, faudra voir, faudra essayer. A chaque fois que les ailes se sont déployées, il y a eu tout de suite du monde, les estivants viennent voir ça. C’est vraiment, c’est une, vraiment une curiosité et puis c’est magnifique, il faut le reconnaître hein !
(Musique)
Gérard Moulinet
Parmi les juges de la Coupe Icare, un jeune Polonais, Jan Erlich, qui ajoute à ses exploits aériens, celui de champion de Pologne de patinage artistique. Les deux sports sont naturellement, totalement différents si ce n’est la connaissance du corps dans l’espace.
(Musique)
Jan Erlich
Le fait d’être sur la piste, au milieu de la piste et applaudi par 5000 personnes et d’avoir le vestiaire, c’est un sport un peu de cabotins. Le cerf-volant, on est libre, on est très haut, on n’a pas de public, c’est un antidote.
(Musique)
Gérard Moulinet
Une fédération, la première au monde, vient d’être créée, celle des libéristes, c’est-à-dire des adeptes du vol libre. Parmi les problèmes qu’elle doit traiter immédiatement, celui, très important, des assurances juste avant la saison d’hiver.
Intervenant
Les accidents les plus graves sont quand même les accidents de pilotes confirmés. C’est pour ça que je pense que la fédération doit faire un, et je pense qu’elle le fait et qu’elle le fera, un gros effort côté assurance.
(Musique)
Gérard Moulinet
Le vol libre, grâce à Saint-Hilaire-du-Touvet et à bien d’autres stations, va prendre un nouvel essor. Le cerf-volant est maintenant partie intégrante des loisirs d’été comme d’hiver, il est entré dans les moeurs. Tout le monde, les plus jeunes comme les plus âgés, peut le pratiquer sans danger, si l’on prend naturellement des précautions élémentaires, ceci sous la conduite de moniteurs qualifiés, dont nous pouvons admirer ici la maîtrise.
(Musique)