Le tourisme en montagne

21 juillet 1976
06m 41s
Réf. 00031

Notice

Résumé :

Reportage sur l'activité des stations de sports d'hiver, l'été. Deux mondes différents sont présentés. Les stations villages comme Les Contamines Montjoie proposent des activités liées à la montagne (balade, randonnée). En revanche, dans les stations nouvelles comme Flaine, l'accent a été mis sur la pratique du tennis ou de la natation.

Date de diffusion :
21 juillet 1976
Source :

Éclairage

Ce reportage diffusé au niveau régional fait la promotion du tourisme d'été en montagne. Le charme du décor alpin se dévoile, agrémenté par des plans sur la flore naturelle. Mais ce tourisme ne saurait se réduire à quelques clichés de fleurs ou de randonneurs évoqués au début du documentaire car il n'est pas homogène. Le reportage fait état de deux types distincts de tourisme générés par des environnements et des infrastructures différents. D'un côté Flaine, perchée à 1600 m d'altitude, construite de toutes pièces en 1968 par Marcel Breuer (chef de file de l'architecture moderne), comparée à un mur de béton (1), de l'autre Les Contamines-Montjoie, station village à 1100 mètres d'altitude.

Aux Contamines, station de première génération où l'agriculture se maintient, la contemplation est la motivation première, sentiment décuplé par le ralentissement du rythme de parole du journaliste et du fond musical. Le vacancier interrogé posté devant l'église séculaire, portant chapeau rond et appareil photo, exprime la modestie de ses projets : la balade en moyenne montagne. « Nous autres [la famille], nous nous contentons de petites promenades ». Il évoque le repos et la tranquillité. Ces objectifs sont repris par l'édile local. Lorsque celui-ci cite les glaciers des Dômes de Miage ou de Trê-la-Tête se retournant comme pour les voir, la caméra ne suit pas son regard, rendant la haute montagne absente. La « moyenne » montagne, présentée ici en arrière-plan des paysans qui fauchent ou des randonneurs équipés de leurs sacs à dos, se suffit à elle-même pour attirer les touristes qui ne viennent pas pour « se tremper les pieds dans une piscine ».

Si une piscine n'a aucun intérêt aux Contamines selon le maire, elle est en revanche à Flaine, un équipement de distraction indispensable. Cette « ville nouvelle » conçue par la volonté de mécènes amateurs d'art moderne et de musique classique, fut imaginée comme un exemple architectural et artistique accueillant dès 1969 les musiciens aussi bien jeunes débutants que professionnels lors de stages de musique organisés tous les étés. Dans ce lieu d'innovations successives (station intégrée, premiers canons à neige en France), le but n'est pas de contempler la montagne. Les citadins y ont transposé leur culture, habitat et mode de vie, en rupture avec l'approche traditionnelle de la montagne. Les vacances axées sur la compétition conservent le même rythme qu'au travail, trépidant. Aux Contamines on prend le temps de vivre et de regarder la montagne, à Flaine, elle est transparente et il faut respecter les horaires intensifs des stages. Le programme est individuel et non familial. Le joueur de tennis qui n'a « pas le temps » est mis en cage par la caméra, filmé à travers les mailles d'un filet. La dame qui n'aime pas la montagne et semble s'y ennuyer, est « condamnée » à faire du tennis 8 heures par jour, ce que le responsable sollicité considère comme une opération marketing réussie. La diversification des activités fait partie de la stratégie commerciale de Flaine pour répondre à un tourisme de masse aux attentes nouvelles et remplir la station relativement vide en été.

Les activités proposées en 1976, tennis, natation, tir à l'arc, ne sont pas spécifiques à la montagne, elles peuvent se pratiquer partout ; le parapente, le canyoning n'existent pas encore, le VTT apparaît timidement. Le village des Contamines met en avant ses atouts naturels, représentés comme une pratique de la montagne passéiste, Flaine cherche à adapter son catalogue d'activités à la modernité. Deux profils de touristes se dessinent : le contemplatif et l'actif. Le journaliste conclut en prenant le parti de se jouer des différentes personnes interviewées. Pour lui, la « vraie montagne » est celle qui se laisse découvrir comme le figurent les derniers plans de la caméra sur les travaux des champs, clichés d'une montagne « authentique ».

(1) Signe du changement des temps, en 1991, l'hôtel « Le Flaine », et l'immeuble « Bételgeuse », premiers bâtiments de Flaine inaugurés en 1969, ont été classés à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques et, en 2008, le Flaine historique a reçu le label «Patrimoine Architectural du XXe siècle» décerné par le Ministère de la Culture.

Dorothée Fournier

Transcription

(Musique)
Claude Francillon
On devrait battre tous les records de fréquentation cet été à la montagne. Il est vrai qu’elle demeure le dernier havre de fraîcheur. Partout, les prévisions pour juillet et août sont en hausse, certaines stations d’altitude affichent d’ailleurs complet pour tout l’été. Le tourisme au-dessus de 1000 mètres se porte bien. Il est vrai que l’on n’a rien négligé pour attirer cette nouvelle clientèle. Désormais, on découvre la montagne à l’occasion de stages de ski, de golf évolutif, de tennis intensif ou de safari-photo, la montagne aux 1000 facettes. Si les anciennes stations d’altitude demeurent principalement orientées vers l’alpinisme et la randonnée, les nouvelles stations, celles créées pour le ski, se transforment l’été en un immense terrain de jeu. Deux stations, Flaine et les Contamines-Montjoie, à travers elles, deux façons de découvrir la montagne. Les Contamines, un vieux village typiquement savoyard.
(Musique)
Claude Francillon
Flaine, 1600 mètres d’altitude, un mur de béton construit par l’architecte Marcel Breuer, une station conçue pour le ski.
(Musique)
Claude Francillon
Les Contamines, c’est d’abord un village agricole. Ses habitants se sont tournés vers le tourisme il y a un demi-siècle, mais ils n’ont pas négligé pour autant leurs champs. Un village de montagne qui s’est lentement développé tout en conservant un équilibre harmonieux entre l’agriculture et le tourisme. Des touristes qui viennent de plus en plus nombreux dans cette vallée calme et reposante où la nature n’a jamais perdu ses droits.
(Musique)
Claude Francillon
Pourquoi venez-vous à la montagne ?
Inconnu 1
Pour bien des raisons, pour la beauté du site, pour le repos, pour la tranquillité, l’air pur, pour s’oxygéner un petit peu, pour les enfants.
Claude Francillon
Et quel sport pratiquez-vous ici ?
Inconnu 1
Ben l’alpinisme, enfin, les promenades en montagne, l’alpinisme, c’est un bien grand mot, c’est pour les chevronnés. Nous autres, nous nous contentons de petites promenades comme ça à travers bois. Enfin, nous faisons quelques petites ascensions quand même avec des gens compétents qui nous entraînent.
Claude Francillon
Pour vous la montagne, c’est surtout des balades ?
Inconnu 1
Non, c’est un tout, c’est le repos, c’est tout ce qu’on peut gagner en vacances. Et puis, ce repos, au fond, que tous, nous désirons après une année de travail.
(Musique)
Claude Francillon
Ici donc, tout tourne autour de la montagne. On l’aborde d’abord à travers 100 kilomètres de sentiers de randonnée, plus tard, on partira à l’assaut des sommets les 3 puis les 4000.
(Musique)
Claude Sautelli
C’est une station village qui a déjà une certaine ancienneté et qui a, si vous voulez, je crois, monté son, toute sa publicité sur la moyenne montagne et la haute montagne. Et je crois que les gens, les clients sont largement motivés pour venir chez nous ; non pas tellement pour se tremper les pieds dans une piscine, mais plutôt pour, je crois, explorer toute cette moyenne montagne qui est merveilleuse, la haute montagne avec ses glaciers des Dômes de Miage et de Tré-la-Tête. Et je crois que ceci en soi est pour le moment largement suffisant. Actuellement, la municipalité s’en occupe et s’en préoccupe. Je crois que dans les 10 prochaines années, effectivement, la piscine verra le jour, mais c’est un investissement, disons, de toute dernière minute qui servira simplement à parfaire la publicité aux Contamines.
(Musique)
Claude Francillon
A Flaine, la piscine comme les tennis constituent l’élément essentiel de l’animation de la station. La montagne, et bien, on l’entrevoit entre deux activités sportives, rarement on l’approche, parfois on l’observe. Flaine, c’est d’abord le royaume des stages intensifs de tennis, huit heures consacrées quotidiennement à ce sport, des vacances studieuses.
(Musique)
Claude Francillon
Est-ce qu’il vous arrive de voir la montagne quelquefois ?
Inconnu 2
Non, franchement pas ! Je suis avec ma femme, qui elle, fait de la montagne et me raconte ensuite, je n’ai pas le temps. On choisit hein, on a un stage qui dure, enfin on est pris de 9 heures du matin à midi et de 2 heures et demie à 5 heures, 5 heures et demie, franchement, on n’a pas le temps. Alors, il faudrait ensuite consacrer une journée ou deux après ou avant, j’avoue que je n’ai pas le temps, franchement pas.
Inconnue
J’aime mieux la mer, et le bord de mer.
Claude Francillon
Elle vous fait peur cette montagne, un peu l'été ?
Inconnue
Non, mais je m’y ennuie, s’il n’y avait pas le tennis, je m’y ennuie.
(Musique)
Michel Boudier
Nous avons réussi dans le tennis une opération très intéressante, mais nous sommes à la recherche d’autres solutions, d’autres activités qui pourraient être le patinage artistique, qui pourraient être des activités culturelles ou artistiques.
Claude Francillon
En définitive, tout, sauf la marche à pieds ?
Michel Boudier
En définitive, tout sauf la marche à pieds, parce que ces stations de troisième génération ne sont pas réellement des stations d’alpinisme. Les stations d’alpinisme, c’est Chamonix, ce sont Chamonix ou la Bérarde. Mais que ce soit la Plagne, que ce soit Avoriaz, ne présentent pas des sommets suffisamment importants pour qu’on puisse faire de grandes premières, de grandes courses telles qu’on peut en faire dans le massif du Mont-Blanc.
Claude Francillon
Oui, à la montagne, les touristes ont peur de s’ennuyer, déclarent la plupart des directeurs de station. Il est nécessaire de trouver des animations pour retenir une population toute disposée à repartir au moindre signe de mauvais temps.
(Musique)
Claude Francillon
Conséquence, les activités en montagne s’organisent autour de stages de photos, d’équitation ou de golf, de stages de langue pour, précisent les prospectus, joindre l’utile à l’agréable. Mais l’agréable, n’est-ce pas d’abord la montagne ? Celle qu’on découvre au bout d’un sentier que l’on côtoie au cours de longues marches. Aujourd’hui, le soleil, la sécheresse et le besoin de fraîcheur donnent aux stations d’altitude une nouvelle chance pour s’imposer sur le marché des vacances d’été.
(Musique)