Albanne et la station des Karellis
Notice
Le Maire de Montricher-Albanne, Aimé Pasquier, a pris contact avec l'association Renouveau, spécialiste en animation et gestion d'ensembles de vacances, dans le but de créer une station à caractère social. 18 mois de travaux ont permis l'ouverture d'un village de 900 lits. Afin d'attirer un maximum de personnes, la station propose divers avantages : la gratuité des remontées mécaniques ; de nombreuses animations ; l'abaissement des frais de séjour.
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Éclairage
En décembre 1975 s'ouvre la station de ski des Karellis, sur les alpages de la commune de Montricher, au-dessus de la vallée de la Maurienne à 1763 mètres d'altitude. Cette station de ski est « à visée sociale ». L'extension des congés payés, associée à une extraordinaire amélioration du pouvoir d'achat au cours des Trente Glorieuses, a permis l'essor d'un tourisme populaire. Appuyées sur des associations conçues pour s'adresser aux comités d'entreprise (ordonnance du 22 février 1945), les confédérations syndicales développent un « dispositif vacancier » . L'association de tourisme social et familial Renouveau, fondée en 1954 à Chambéry, propose ainsi des « vacances économiques » . Elle a déjà à son actif plusieurs villages édifiés grâce au soutien d'aides publiques ou parapubliques et à l'engagement associatif de ses membres. En s'associant à Renouveau, la commune de Montricher cherche, dans le tourisme, un moyen de freiner son dépeuplement et son vieillissement.
Les Karellis doivent être en effet l'instrument d'un nouvel essor économique : « l'avenir d'Albanne dépend donc de l'avenir des Karellis » commente ainsi le maire, Aimé Pasquier. La première personne interrogée l'assure, « il s'agit de faire se développer une commune sur le plan économique, social et culturel » quand le second témoin insiste pour dire que les emplois créés le sont essentiellement pour les gens de la commune puisque « sur 120 emplois actuellement dans la station, il y en a 90% qui sont tenus par des gens de la commune ». Ce gisement d'emplois repose essentiellement sur la mise en place d'une station de ski intégrée. Les nombreux plans sur la station suggèrent un tel modèle : implantation décidée sur un plan circulaire en amphithéâtre autour d'un point de ralliement (le forum), constructions massives quoique mieux intégrées au « paysage », destinées à loger beaucoup de monde sur un site étroit, commerces sur le forum avec en arrière-plan une montagne « vierge ». Le projet des Karellis s'inscrit bien dans la continuité des espoirs mis dans les années 1960 dans les stations intégrées qui, sur le modèle de Courchevel, devaient apporter aisance économique aux communes montagnardes et essor touristique à la France. De ce point de vue là, le projet des Karellis n'apparaît guère nouveau.
La nouveauté réside davantage dans le « caractère social et familial de la station », même si Courchevel, station savoyarde, avait aussi – on peut s'en étonner – au départ une vocation sociale. La station des Karellis n'a pas été confiée aux soins d'une société privée. Montricher-Albanne reste propriétaire des terrains. Les constructeurs sont tous des associations (Loisirs Picardie, Horizons nouveaux, Léo Lagrange, Arc en ciel, Vacances PTT). Ils doivent construire des villages de vacances. La gestion est « coopérative ». Les prestations rappellent que la clientèle visée est modeste : « gratuité des remontées mécaniques », « abaissement de 50% des frais de séjours ». Les images donnent la mesure du caractère familial de ceux qui sont nommés les « adhérents » et non les clients : plans sur des enfants qui descendent en luge ; sur une famille à la terrasse d'un café, etc. Les longs développements sur l'animation culturelle disent encore les intentions de Renouveau. Il s'agit non seulement d'échapper à la loi du profit en « rendant des services » mais également de promouvoir les éléments d'une culture (plutôt classique à en juger par les images) légitime qui participe de la dignité populaire. Ce n'est pas pour autant un tourisme « au rabais ». La caméra s'attarde à plusieurs reprises sur des bâtisses et des remontées mécaniques de qualité.
Le reportage s'achève sur un petit garçon qui descend une pente en luge, image qui entend prédire le succès futur de la station. Si cette dernière défend encore cette structure aujourd'hui, le modèle social et coopératif qu'elle promouvait n'a guère essaimé.
Pour aller plus loin :
- Pattieu Sylvain (2009) La « vie de château » ou les gains symboliques du tourisme populaire, France, 1945-années 1980. In : revue d'histoire moderne et contemporaine, n°56-2. p.52-78.
- Rauch André (2001) Vacances en France : de 1830 à nos jours. Paris : Hachette Littérature.