Le développement touristique des Trois Vallées
Introduction
Conçu à l'origine comme une proposition pédagogique pour le cours de géographie de la classe de troisième, ce parcours a été augmenté et élargi pour s'adresser à tout lecteur curieux.
Pour la version destinée à l'enseignant, on se reportera au parcours " Les Trois Vallées, un espace productif à vocation touristique ".
Localisation et situation
L'outil cartographique proposé par « Montagnes Magiques » permet de localiser le domaine skiable des « Trois Vallées ».
Vue élargie :
Vue calée sur les « Trois Vallées »:
Le domaine skiable des « Trois Vallées » est situé en région Rhône-Alpes, dans le département de la Savoie. Il se revendique comme étant le plus grand domaine skiable du monde avec environ 600 km de pistes. Il se situe en vallée de la Tarentaise et regroupe plus précisément trois vallées de cours d'eau perpendiculaires à la haute vallée de l'Isère : la vallée de Bozel, la vallée des Allues et la vallée des Belleville. « Les Trois Vallées » est le nom générique donné aux huit stations de sports d'hiver formant le domaine : Courchevel, La Tania, Méribel, Brides-les-Bains, Les Menuires, Saint-Martin-de-Belleville, Val Thorens et Orelle (bien que située en vallée de la Maurienne).
Ces stations sont bien reliées aux réseaux de transport routier à grande vitesse : à Moutiers, le raccordement avec la N90 permet la liaison rapide avec l'A430 puis la connexion avec les principales villes de la région grâce au réseau autoroutier rhônalpin (A 41, A 43, A49 ...)
Le transport ferroviaire est possible : la gare de Moûtiers - Salins - Brides-les-Bains accueille des TGV en provenance directe de la capitale (pour un trajet d'environ 5h30). Elle est également connectée aux lignes régionales. Il faut une demi-heure pour la relier aux principales stations.
Dans un rayon de moins de 200 kilomètres, les aéroports internationaux de Lyon-Saint Exupéry et de Genève ainsi que les aéroports régionaux de Grenoble-Isère et de Chambéry-Savoie permettent de toucher une clientèle internationale. Enfin deux stations possèdent un altiport : Courchevel et Méribel.
La construction d'un nouvel altiport à Courchevel
Présentation du nouvel altiport à Courchevel. La piste a été portée à 550 m, et la largeur a été doublée. Un moyen porteur nommé "Dash 7" d'une compagnie Autrichienne, La Tyrolean, a permis de relier Innsbruck à Courchevel. L'ensemble des travaux aura coûté 35 millions de francs. De nombreux aménagements ont dû être effectués afin de rendre la construction possible. Celle-ci doit faciliter l'accès à la station.
Caractérisation des aménagements
Les aménagements des stations des Trois Vallées sont révélateurs de projets volontaristes de développement touristique. Pour l'essentiel, les espaces qui constituent le domaine des Trois Vallées sont des stations de deuxième ou de troisième génération.
Le plan neige pour l'aménagement de la montagne
Reportage sur la mise en place du plan neige visant à construire des équipements et logements adaptés aux besoins des touristes. Le plan prévoyait la construction de 150 000 lits en montagne entre 1971 et 1975. 23 stations nouvelles et 20 stations anciennes en ont bénéficié. Les promoteurs immobiliers sont indispensables pour l'aménagement des stations nouvelles. Aucun ne reconnaît le problème architectural que posent les immeubles de montagne qui s'insèrent mal dans le paysage.
L'architecture des stations de sports d'hiver
Le reportage présente l'architecture de montagne et ses différentes évolutions. Celle-ci a s'est transformée au fil des années notamment car le nombre de touristes augmente constamment. Divers types d'architecture ont donc vu le jour suivant les périodes : chalets ou immeubles. Les stations sont elles aussi différentes suivant les époques de construction : intégrées au village ou créées de toute pièce.
[2] Knafou Rémy. "L'aménagement du territoire en économie libérale : l'exemple des stations intégrées de sports d'hiver dans les Alpes françaises". In: Espace géographique . Tome 8 n°3, 1979. pp. 173-180.
Courchevel
Ainsi, la station de Courchevel est considérée comme emblématique des projets de station de deuxième génération. La station est née après la Seconde Guerre mondiale dans l'objectif initial de permettre le développement touristique de la Savoie tout en offrant des loisirs à prix accessibles dans une logique de démocratisation du ski. Le département de Savoie a été chargé en ce sens de la mise en valeur de l'espace par la création d'une station en site vierge. L'aménagement du site et son urbanisme ont été confiés à l'ingénieur Maurice Michaud et à l'architecte urbaniste Laurent Chappis. Ce dernier est à l'origine de la création de bâtiments d'habitat collectif à l'architecture rompant avec le style montagnard traditionnel et en phase avec les modes de construction du moment. L'association de ces conceptions architecturales avec des aménagements du domaine skiable permettant la pratique du ski par le plus grand nombre caractérise d'ailleurs une manière de penser la station de sports d'hiver désignée sous l'appellation d'École de Courchevel.
Toutefois, à partir de la fin des années 1950, la station a évolué vers la recherche d'une clientèle plus élitiste et plus fortunée. La volonté d'une densification du bâti et de donner une image plus attrayante à la station a conduit à préférer une architecture d'inspiration néo-rurale et à étendre les zones constructibles. De nouveaux principes d'urbanisme et d'architecture ont alors été adoptés afin de permettre des transformations et extensions des premières réalisations. Certaines des premières réalisations de Courchevel ont alors été détruites.
Les Ménuires
Située dans la vallée de Belleville, Les Ménuires présentent pour leur part un exemple de station intégrée c'est-à-dire, pour reprendre les termes de Rémy Knafou, se caractérisant par un « paysage urbanistique (...) fondé sur la concentration d'un habitat de type urbain (immeubles collectifs), la réalisation de galeries marchandes intégrées aux bâtiments et la séparation fonctionnelle de la circulation des piétons, des skieurs et des automobilistes » [2].
Cette station est née dans les années 1960 sur le plateau de Belleville. A cette époque, la logique dominante était celle d'une capitalisation des avantages inhérents à la haute montagne (on a ainsi pu parler d'« or blanc »). Comme dans le cas des autres stations intégrées françaises, l'aménagement des Ménuires a été confié à un opérateur unique avec pour objectif de proposer un espace fonctionnel, conçu et organisé pour la pratique du ski avant tout. Le développement de ce type de stations a été fortement favorisé par le « plan neige ». Comme le rappelle la notice du reportage, "c'est bien cette fonctionnalité recherchée qui a guidé l'implantation des bâtiments en front de neige, pour proposer un produit « skis aux pieds », ou « pieds dans la neige »" comme le dit son maire, Georges Cumin dans l'extrait vidéo relatif aux trente ans de la station.
Les 30 ans des Ménuires
Les Ménuires ont eu 30 ans en 1995. Il y a 30 ans, la station démarrait avec seulement 3 téléskis et un foyer de 450 lits. Au printemps 1965, les bâtiments en béton sont construits. L'esthétique urbaine des HLM à la montagne ne fait pas l'unanimité. Dans les années 1980, 11 000 nouveaux lits ont été réalisés : fini le béton, l'architecture change et le bois devient omniprésent pour rendre le paysage plus esthétique.
Malgré quelques différences, Val Thorens appartient également à cette catégorie de station intégrée. Emboîtant le pas à d'autres stations, celle-ci a tenu, à partir des années 1980, à modifier son apparence : le style moderne des années 1970 a été progressivement remplacé par une architecture plus conforme aux stéréotypes savoyards : réfection des façades, habillage des murs en pierre et bois, installation de toits double pente... Dans les années 1990 une église a même été construite ainsi que des quartiers résidentiels de chalets.
Le développement touristique des Trois ValléesNicolas Rocher, IA IPR d'histoire-géographie de l'Académie de Clermont-Ferrand |
Le développement touristique des Trois Vallées : l'ouverture à l'international
Les Trois Vallées connaissent un succès touristique notable. Cependant, au tournant des années 1970 et des années 1980, l'optimisme des aménageurs de la montagne qui prévalait dans les années 1960 a été terni par un bilan mitigé et par le constat que l'offre touristique ne correspondait qu'imparfaitement à la demande. La concurrence grandissante d'autres loisirs situés sous des cieux plus ensoleillés, la volonté de plus en plus exprimée par la clientèle de sortir d'une mono activité pensée au départ surtout autour du ski alpin mais également les caprices de la météo qui ont privé les pistes de neige pendant plusieurs hivers ont alors contribué à fragiliser le marché de la neige et à repenser les aménagements de certaines stations.
Les stations des Trois Vallées communiquent fortement sur la mue qu'elles ont effectuée afin de s'adapter aux exigences nouvelles de la clientèle. L'ampleur et la qualité du domaine skiable, des aménagements effectués, de la prise en compte des désirs des touristes, en particulier ceux issus des classes les plus favorisées - qu'il s'agisse d'une clientèle française ou internationale - sont particulièrement mis en avant.
Ainsi le reportage de 1990 sur les hôtels 4 étoiles luxe à Courchevel montre l'évolution de la station vers une clientèle « haut de gamme » à fort pouvoir d'achat. Les objectifs de « ski pour tous » affichés par les promoteurs initiaux de la station au lendemain de la Seconde Guerre mondiale semblent s'être effacés derrière le positionnement sur un ski élitiste. Le reportage sur la construction du nouvel altiport de Courchevel indique d'ailleurs clairement que l'un de ses objectifs est de permettre l'arrivée d'une clientèle « d'affaire » ou à hauts revenus. Le reportage de 2008 montre les efforts entrepris par l'office du tourisme de la station pour fidéliser la nouvelle population de vacanciers russes. Depuis la fin des années 1990, Courchevel est en effet devenu un lieu de villégiature privilégié pour Moscovites, qu'il s'agisse d'abord d'hommes d'affaires puis, bientôt, des membres des classes sociales supérieures qui rejoignent la station savoyarde en couple, en famille ou en groupe. Ils y ont leurs habitudes et ne regardent pas à la dépense, comme le confirment les scènes de boîtes de nuit, d'achats extravagants, de tables luxueuses et de pourboires ahurissants.
Voir également, depuis la fresque «Lumières sur Rhônes-Alpes », le document « La Russie s'invite à Courchevel ».
A Val Thorens, la clientèle, assez aisée, est composée pour 70% d'étrangers. Les touristes viennent certes pour les différents atouts climatiques et d'enneigement de la station mais surtout parce qu'ils sont à la recherche de nouveautés, de nouvelles expériences. Ainsi, chaque année, Val Thorens (tout comme les plus grandes stations) redouble d'efforts pour se différencier et innover que ce soit dans le domaine de la compétition-événement tel que l'accueil du Skicross World Cup 2014 ou dans le domaine des équipements (exemple : achat de dameuses hybrides).
Le bilan des hôtels 4 étoiles à Courchevel
1990-04-2400007Présentation de l'hôtellerie de luxe de la station de ski de Courchevel. Ces hôtels sont très vulnérables. Leur chiffre d'affaires dépend de la venue des clients aisés qui annulent leur réservation au dernier moment. Pour ne pas dépendre de celle-ci, ils cherchent à attirer une nouvelle clientèle, notamment composée de professionnels, en permettant par exemple, l'organisation de séminaires au sein des hôtels.
Les "pistes interactives" de Val Thorens
2013-03-2600012La plupart des stations ont leurs sites et services interactifs. Cette évolution a transformé les métiers du tourisme en station. Le reportage prend pour exemple la station de Val Thorens, où 70% des touristes sont étrangers. 10% d'entre eux ont découvert la station grâce à Facebook. Elle a développé sa propre application pour smartphone qui permet de consulter la météo ou encore l'enneigement. Les cabines de téléphérique sont quant à elle équipées de wi-fi.
Globalement, le succès des Trois Vallées est attesté. Il s'agit d'un des domaines les plus prisés de France affichant des taux de remplissage élevés et une renommée grandissante. Ce succès s'explique donc en grande partie par les aménagements réalisés depuis les années 1950 et 1960 mais aussi par l'évolution des structures et des activités proposées ainsi que par une insertion réussie dans l'internationalisation du tourisme d'hiver. Mais le succès a son revers : certaines stations, comme Courchevel, ont de plus en plus l'image d'un lieu élitiste, auquel la plupart des Français peuvent de moins en moins avoir accès face à l'augmentation des inégalités de revenus et face au pouvoir d'achat des nouvelles fortunes des pays émergents. L'immobilier y est devenu l'un des plus chers du pays.
Une prise en compte de l'impact environnemental et du développement durable ?
L'aspect écologique et les préoccupations relatives au développement durable sont devenus un argument de communication et de vente important pour les stations de ski. Leur prise en compte est même présentée comme un élément de définition de l'identité même de bon nombre d'entre elles. A ce titre, il est intéressant de constater que le site internet [3] du domaine des Trois Vallées propose une page dédiée au développement durable. Celle-ci, référencée sous un des trois onglets qui présente le domaine (aux côtés de l'onglet « ski » et de l'onglet « à découvrir ») porte le titre « le développement durable : une préoccupation permanente ». Sur cette page, les Trois Vallées s'affichent comme un espace dans lequel « le développement durable n'est pas une mode mais un état d'esprit ». L'affirmation est légitimée par le fait que l'aménagement du domaine skiable se serait faite dans la pleine conscience du besoin de protéger le « patrimoine naturel ». On présente alors des arguments de plusieurs ordres allant supposément en ce sens : le fait que la neige de culture soit issue d'enneigeurs de troisième génération, moins gourmands en consommation d'énergie, le fonctionnement à l'électricité des remontées mécaniques, la mise en place du tri sélectif dans l'ensemble des stations du domaine ou encore l'emploi programmé de nouvelles dameuses plus efficientes.
Les 3 vallées : des stations écolos ?
L'aspect écologique devient un argument de vente important pour les stations. C'est pourquoi Les 3 Vallées a investi dans la protection de l'environnement ou encore l'utilisation de ressources durables. La station des Ménuires a décidé d'agir pour la planète : l'eau pompée pour les canons à neige est analysée avant d'être utilisée pour produire de la neige "propre". Des poubelles sont installées sur les remontées mécaniques ; le forfait devient recyclable : ce sont les effets de la norme 14001.
Certains de ces arguments sont déjà avancés dans le reportage de 2007. Celui-ci évoque l'eau pompée pour les canons à neige analysée avant d'être utilisée pour produire de la neige "propre", l'installation de poubelles sur les remontées mécaniques, le fait que le forfait devient recyclable. Ces éléments sont présentés comme des effets de la norme 14001.
C'est toutefois oublier les critiques relatives à l'impact des aménagements sur le cadre paysager alpin. Celles-ci ont commencé à se faire entendre dès la fin des années 1960 et dans les années 1970. Elles étaient portées par les écologistes, par une partie de la population montagnarde voire par des aménageurs eux-mêmes, tel Laurent Chappis, père de la station de Courchevel, déçu par l'évolution de celle-ci. La création des stations de deuxième et troisième génération s'est en effet accompagnée de coupes rases dans les forêts pour faire passer pistes de ski et remontées mécaniques, du creusement de lac artificiels pour la neige de culture, de bouleversements de l'écosystème et de la configuration naturelle du terrain du fait de terrassements qui a pu entraîner des effets d'érosion des sols importants. Par ailleurs, l'installation des activités de tourisme a pu s'effectuer au détriment d'activités économiques traditionnelles telles que l'agriculture et le pastoralisme. Certains de ces éléments sont évoqués dans le reportage de 2001. A l'image de Méribel, les stations ont pris conscience des impacts des gros aménagements sur les sols des espaces concernés. Elles se sont livrées à des investissements afin de favoriser la végétalisation de ces espaces pendant les périodes estivales.
L'entretien des pistes de ski par des troupeaux de vaches
De mai à octobre, Jean-Pierre Raffort fait pâturer 400 génisses entre 2000 et 2700 mètres d'altitude sur 700 hectares de pâturage dont la moitié sur les pistes de ski de la station de Méribel. Le domaine skiable de la station est retravaillé chaque été, regazonné et pâturé. Le pastoralisme a un double avantage : en été il préserve l'environnement et en hiver il permet de fixer la neige sur les pistes.
[3] Consultation du site le 21 août 2014 à la page http://www.les3vallees.com/fr/developpement-durable.264/
Conclusion
Au final, si l'on peut reconnaître éventuellement à certaines stations d'avoir intégré depuis les années 2000 quelques préoccupations d'ordre environnemental, on est toutefois très loin de démarches de développement durable telles que la définition communément admise de cette notion le sous-entend. Le développement durable se définit en effet comme une tentative pour concilier l'efficacité économique, la qualité de l'environnement et le développement humain et social, qui en constituent les trois composantes. Il se donne comme ambition de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs et correspond aux devoirs des générations actuelles de transmettre un monde vivable, viable et reproductible.
Face au discours des principaux acteurs de l'aménagement des stations de montagne, on se doit aussi de soulever certaines questions qui ne peuvent que tempérer la prétendue démarche de développement durable portée par les discours. On peut ainsi se demander si la course à l'augmentation de la superficie du domaine skiable participe d'une démarche de développement durable. Si l'impact sur les transports a été considéré à sa juste valeur. Si les dépenses et la consommation engendrées par la neige de culture sont adaptées.
Si les conflits d'usage autour de la monopolisation grandissante de ces espaces par les consommateurs de loisirs s'est faite selon des modes de gouvernance ayant permis de respecter les spécificités de chaque acteur. Si le modèle économique de stations de plus en plus élitistes est compatible avec une mixité sociale durable... Comme le précise la notice du reportage de 2007, « Tout au plus, les stations essaient d'être responsables car pour être véritablement durables il faudrait arrêter les activités qui répondent à des besoins actuels mais qui compromettent les ressources des générations futures... mais ça, ce serait évidemment économiquement non responsable »