Une de Mai

20 janvier 1972
03m 32s
Réf. 00328

Notice

Résumé :
Née à Bournezeau en Vendée, vendue 10000 francs par son éleveur à des amis, Une de Mai, trotteuse attelée, rapporte aujourd'hui 7 millions de francs. Même si elle ne gagne pas à chaque fois, lorsqu'elle court, c'est l'émotion qui gagne son propriétaire et son éleveur, ce dernier la considérant même comme faisant partie de la famille.
Type de média :
Date de diffusion :
20 janvier 1972
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Éclairage

De race trotteur français, Une de Mai, une jument née en Vendée en 1964, fut entre 1969 et 1973, considérée comme une des plus grandes championnes mondiales des courses de trot. Sur 149 épreuves disputées, la championne vendéenne s'imposa à 74 reprises.
Soutenue par le Conseil Général de la Vendée, l’Association des Eleveurs de chevaux du terroir vendéen (ASSELVEN) a été créée avant la guerre 1939-1945 par Félicien Gauvreau sous le nom de Syndicat des éleveurs de chevaux de demi-sang de la circonscription du dépôt d’étalons de La Roche-sur-Yon. Dans les années 1960, sous la présidence de Jean Gauvreau, fils de Félicien, l’association se spécialise peu à peu dans les trotteurs. Depuis 2011, l’Asselven, forte de 300 adhérents répartis sur six départements, s’est engagée dans une démarche - unique en France - de certification de ses chevaux en créant le label ''Cheval et poney de sport vendéen’'. L’objectif étant de mettre en valeur, grâce à un label de qualité ambitieux, un terroir particulièrement propice au cheval de sport, une génétique de qualité et un savoir-faire hérité d’une longue tradition.
Un cahier des charges détaillé permet de contrôler que le poulain grandit dans de bonnes conditions et ce dès la naissance. Chaque année, un organisme indépendant vérifie chez les chevaux vendéens la présence d’un certain nombre de qualités objectives afin d’apporter au consommateur final, l’acheteur de chevaux ou le cavalier, confiance et sécurité dans son acte d’achat.

Les origines modestes d’Une de Mai

Nul ne sait si Hippolyte Bernereau fut, en son temps, affilié à la Société des Eleveurs de chevaux du terroir vendéen. Mais comme bon nombre de petits éleveurs, amateurs pour la plupart, qui possèdent deux ou trois poulinières par passion, le boucher de Bournezeau rêvait sans doute en secret de faire naître un champion.
Ainsi, en cette année 1963, et comme il l’a fait avec ses précédentes poulinières, il se met à la recherche d’un fiancé pour Luciole III, la jument qu’il vient d’acheter. Son choix se porte rapidement sur Kerjacques, un étalon dont on parle encore peu à l’époque mais qui a pour lui l’avantage de ne pas coûter cher. De cette union naîtra, le 22 avril 1964, une pouliche, alezane comme sa mère, que les Bernereau prénomment Une de Mai.
Comme son physique ne semble pas la prédisposer à un bel avenir - elle fait preuve notamment d’un défaut d’aplomb dû, sans doute, à ses genoux cagneux - Hippolyte Bernereau décide alors de la vendre en compagnie d’un autre produit de son élevage. Les 13 000 F (2 000 €) qu’il retire de la vente semblent une somme modique mais suffisent à l’éleveur qui trouve là au moins de quoi couvrir ses frais d’exploitation.
Après être passée entre les mains de plusieurs propriétaires, Une de Mai atterrit finalement chez Jean-René Gougeon, le célèbre driver, qui va devenir ''l’homme de sa vie''.

La reine mondiale du trot

Sitôt formé, le couple aligne en effet neuf victoires consécutives au plus haut niveau avant de signer, à l’occasion de sa première grande victoire internationale dans le Grand Prix d’Europe à Milan, le début d’une moisson de succès sur toutes les pistes du monde.
De 1969 à 1973, Une de Mai va ainsi remporter 74 victoires. Championne du monde en 1969 et 1971, la jument d’origine vendéenne s’impose dans la plupart des Grands Prix internationaux en France et à l’étranger. Une seule épreuve échappera cependant jusqu’à la fin de sa carrière à celle qui est devenue le numéro un mondial du trot : le Prix d’Amérique. Pourtant vainqueur à huit reprises de cette compétition, son driver Jean-René Gougeon ne parviendra jamais à franchir en tête la ligne d’arrivée avec elle. A chaque fois, en effet, le duo échouera de peu, terminant 2e en 1969, 3e en 1971 et 4e en 1973 et 1974. Ces échecs ont valu à Une de Mai le surnom de "reine sans couronne".
Une de Mai décède en 1974 suite à une hémorragie consécutive à une déchirure de l’estomac. En sa mémoire, un prix Une de Mai est disputé chaque année à Vincennes. Salvador Dali a immortalisé cette jument dans un portrait en 1972.
Philippe Beauvery

Transcription

Journaliste
Monsieur Bernereau, vous êtes l’éleveur d’Une de Mai,
Hippolyte Bernereau
Oui.
Journaliste
C’est-à-dire que c’est vous qui l’avez fait naître.
Hippolyte Bernereau
Exactement, oui.
Journaliste
Où est-elle née ?
Hippolyte Bernereau
A Bournezeau, en Vendée.
Journaliste
Vous l’avez vendue, elle avait 18 mois.
Hippolyte Bernereau
Oui, à des amis de Normandie.
Journaliste
Quel prix ?
Hippolyte Bernereau
10000 Francs, à l’époque.
Journaliste
Aujourd’hui, elle gagne 7 millions de Francs actuels.
Hippolyte Bernereau
Oui.
Journaliste
Et quelle est votre impression ?
Hippolyte Bernereau
C’est formidable pour un éleveur comme moi, surtout j’avais deux poulinières quand Une de Mai est née.
Journaliste
Que ressentez-vous quand elle court ?
Hippolyte Bernereau
Ben je vais vous dire, ça émotionne toujours un petit peu, hein !
Journaliste
Hum !
Hippolyte Bernereau
Euh, ouais, c’est comme tous, tous les éleveurs qui ont des chevaux à courir, il y a un petit peu d’émotion hein !
Journaliste
Avez-vous des enfants ?
Hippolyte Bernereau
Oui, j’ai trois enfants.
Journaliste
Est-ce que vous pouvez comparer le sentiment que vous avez pour vos enfants et le sentiment que vous avez pour Une de Mai ?
Hippolyte Bernereau
Je vais vous dire, Une de Mai fait partie de la famille pour moi, un peu.
Journaliste
La petite pouliche qu’il fit naître est devenue cette jument dont le trot est d’une élégance extrême. Elle plaît à l’oeil, ni déhanchement, ni tangage. Le poète l’aurait aimé, qui disait « je hais le mouvement qui déplace les lignes».
musique
(musique)
Journaliste
Une de Mai appartient au Comte de Montesson et à Pierre-Désiré Allaire, je vais emandéerà Monsieur De Montesson comment se comporte son coeur lorsqu’il voit courir Une de Mai, dans les tribunes.
Pierre (de) Montesson
Oh, ben ça, vous savez alors, il faudrait que j’aille voir mon cardiologue parce que, c’est toujours très émotion.... Alors, voyez-vous, malgré que nous ayons très souvent des succès, un propriétaire tout à l’heure m’a demandé ce que je ressentais quand Une de Mai court et, quand Une de Mai court j’avoue qu’on est toujours très, très ému, terriblement ému.
Journaliste
Et quand elle perd ?
Pierre (de) Montesson
On en a pour trois jours à s’en remettre.
Journaliste
Et bien ce jour-là, devant la foule de ses admirateurs, Une de Mai sera battue. Battue mais non diminuée, parcours de 1600 mètres. Elle doit en rendre 25 à des chevaux de très haute classe, son numéro c’est le 9, et la voici qui dès le départ, va passer Aigle Noir, le numéro 8. Puis, elle trouve devant elle son éternel rival, le numéro 10, Tidalium Pelo. Il est le seul à être parti avec Une de Mai 25 mètres derrière les autres. Ce jour-là, Tidalium Pelo reste sur une victoire facile obtenue quelques jours auparavant, et Gougeon le considère donc à juste titre comme l’adversaire numéro 1. Aussi pendant toute la première partie du parcours, Gougeon surveille-t-il le 10, Tidalium Pelo, vous voyez, il est dans sa roue, pour ainsi dire.
bruit
(bruit)
Journaliste
Mais qu’arrive-t-il à Tidalium, il n’avance pas beaucoup, et soudain Gougeon a compris. Aujourd’hui, Tidalium Pelo n’est pas en forme, il ne reviendra jamais sur les chevaux de tête. Une de Mai s’est attardée à tort en le surveillant. Il va falloir accomplir la remontée toute seule, payer d’elle-même, ce sera dur, très dur, même si on passe Volnay le numéro 7, même si on laisse sur place maintenant Tidalium. Il reste 800 mètres de course en ce moment. Une de Mai est un bolide. Jamais je crois elle n’a couru aussi vite d’aussi belle façon, mais il y a encore devant elle cinq ou six lascars de très haute qualité. Elle en décroche un, elle en décroche deux, il en reste encore devant elle. C’est le dernier effort, c’est la dernière ligne droite après une montée époustouflante, hélas, Une de Mai va échouer contre Tony M Casaque claire à la corde, et Vismie devant lui, qui est en forme, formidable. Gougeon me confiera, j’ai peut-être été mal inspiré. Ça n’a pas d’importance, sur 25 mètres Une de Mai leur en a repris plus de 20, or, dans le prix d’Amérique, ils partiront tous à distance égale.