Le statut des femmes agricultrices
05 juillet 1979
04m 46s
Réf. 00046
Notice
Résumé :
La FDSEA de Vendée a mis en place des commissions féminines pour réfléchir au statut des femmes agricultrices. Quelques unes témoignent, adhérentes à la FDSEA ou aux Paysans travailleurs, et font part de l'isolement auquel elles doivent faire face et du manque de reconnaissance de leur travail.
Date de diffusion :
05 juillet 1979
Thèmes :
Lieux :
Éclairage
Contrairement à ce qu’a pu donner à penser le célèbre « Appel aux femmes françaises » lancé par le président du Conseil René Viviani le 2 août 1914 au moment du déclenchement de la Grande Guerre, les agricultrices ont de tous temps été étroitement associées au travail sur les exploitations agricoles. Traditionnellement, en sus d’assurer les tâches ménagères et les corvées s’y afférant (portage de l’eau, ramassage du petit bois, lessive, repassage, couture, cuisine, éducation des enfants, etc.), les femmes régnaient également le plus souvent sur la basse-cour, les clapiers, le potager et assuraient quotidiennement la traite (qui était une activité exclusivement dévolue aux femmes). Ces occupations et labeurs prenants se sont poursuivis au XXe siècle jusqu’à la diffusion des robots ménagers (aspirateur, lave-linge, lave-vaisselle, congélateur) qui ont investi les foyers agricoles au cours des années 1960 et 1970 sans réel décalage chronologique avec leurs ventes dans les milieux urbains.
Il était inévitable qu’avec la montée parallèle des revendications féministes et la question de l’émancipation de la femme au cours des Trente Glorieuses, les agricultrices se posent les mêmes questions que les ouvrières, employées, mères au foyer et même que les rares femmes appartenant à des professions libérales ou à l’encadrement. Le reportage rassemble, autour de la table d’une cuisine moderne d’un pavillon construit en remplacement de la traditionnelle longère vendéenne, des épouses d’agriculteurs de sensibilités différentes puisque certaines sont engagées au sein de la commission féminine de la FDSEA de Vendée récemment créée en 1979, tandis que d’autres appartiennent au mouvement des Paysans travailleurs nettement marqué à gauche et revendiquant une conception égalitaire des rapports sociaux et humains. Au-delà de leurs oppositions sur d’autres thèmes, ces femmes se retrouvent pour dénoncer le manque de reconnaissance et la valorisation de leur travail à travers un statut juridique qui leur conférerait une réelle égalité juridique à côté de leurs maris chefs d’exploitation. Elles insistent en particulier sur le travail spécifique qu’elles effectuent dans la gestion de l’exploitation comme la tenue de la comptabilité. Les adhérentes de la FDSEA travaillent sur le projet d’un statut de co-exploitante qui leur permettrait d’être pleinement reconnues et admises au sein des instances élues de la Mutualité sociale agricole et du Crédit agricole, mais les Paysannes travailleuses se revendiquant du mouvement Bernard Lambert vont plus loin encore. Adhérant aux idées catholiques de gauche de cette grande figure du syndicalisme progressiste de Loire-Atlantique passé par la JAC, le CNJA, le MRP et le PSU, elles envisagent un statut d’exploitante qui conférerait autant de droits à la femme qu’au mari, voire permettrait à des femmes célibataires ou veuves de poursuivre seules l’exploitation en étant reconnues à l’égal d’un homme.
Il va falloir attendre 1980 pour que le statut de co-exploitante soit créé, les agricultrices vont alors être autorisées à accomplir les actes administratifs indispensables à la gestion de l’exploitation mais il va cependant leur falloir attendre la création de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en 1985 pour devenir de vraies associées. La loi n°85-697 du 11 juillet 1985 individualise les tâches et leurs responsabilités des associés, mais il s’agit toutefois d’une identité professionnelle et non d’un droit personnel. Une nouvelle étape est franchie avec la loi d’orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 qui institue le statut de « conjoint collaborateur » qui peut être considéré comme un réel progrès, en particulier en matière de protection sociale des agricultrices. La revendication sous-entendue dans le reportage de 1979 d’une étendue de la couverture sociale pour les conjointes d’exploitants est acquise en 2006 et la revendication de l’égalité juridique personnelle revendiquée par les femmes du mouvement des Paysans travailleurs trouve son aboutissement en 2011 avec l’instauration du GAEC entre époux. Par ailleurs, les femmes ont fait leur entrée dans le milieu fermé et traditionnellement exclusivement masculin de la représentation agricole puisque lors du renouvellement de 2013 des délégués des chambres d’agriculture, les listes devaient au moins comprendre un tiers de femmes. Trois femmes président désormais une chambre d’agriculture.Le combat des Vendéennes des années 1970 paraît ainsi avoir porté ses fruits.
Il était inévitable qu’avec la montée parallèle des revendications féministes et la question de l’émancipation de la femme au cours des Trente Glorieuses, les agricultrices se posent les mêmes questions que les ouvrières, employées, mères au foyer et même que les rares femmes appartenant à des professions libérales ou à l’encadrement. Le reportage rassemble, autour de la table d’une cuisine moderne d’un pavillon construit en remplacement de la traditionnelle longère vendéenne, des épouses d’agriculteurs de sensibilités différentes puisque certaines sont engagées au sein de la commission féminine de la FDSEA de Vendée récemment créée en 1979, tandis que d’autres appartiennent au mouvement des Paysans travailleurs nettement marqué à gauche et revendiquant une conception égalitaire des rapports sociaux et humains. Au-delà de leurs oppositions sur d’autres thèmes, ces femmes se retrouvent pour dénoncer le manque de reconnaissance et la valorisation de leur travail à travers un statut juridique qui leur conférerait une réelle égalité juridique à côté de leurs maris chefs d’exploitation. Elles insistent en particulier sur le travail spécifique qu’elles effectuent dans la gestion de l’exploitation comme la tenue de la comptabilité. Les adhérentes de la FDSEA travaillent sur le projet d’un statut de co-exploitante qui leur permettrait d’être pleinement reconnues et admises au sein des instances élues de la Mutualité sociale agricole et du Crédit agricole, mais les Paysannes travailleuses se revendiquant du mouvement Bernard Lambert vont plus loin encore. Adhérant aux idées catholiques de gauche de cette grande figure du syndicalisme progressiste de Loire-Atlantique passé par la JAC, le CNJA, le MRP et le PSU, elles envisagent un statut d’exploitante qui conférerait autant de droits à la femme qu’au mari, voire permettrait à des femmes célibataires ou veuves de poursuivre seules l’exploitation en étant reconnues à l’égal d’un homme.
Il va falloir attendre 1980 pour que le statut de co-exploitante soit créé, les agricultrices vont alors être autorisées à accomplir les actes administratifs indispensables à la gestion de l’exploitation mais il va cependant leur falloir attendre la création de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en 1985 pour devenir de vraies associées. La loi n°85-697 du 11 juillet 1985 individualise les tâches et leurs responsabilités des associés, mais il s’agit toutefois d’une identité professionnelle et non d’un droit personnel. Une nouvelle étape est franchie avec la loi d’orientation agricole n° 99-574 du 9 juillet 1999 qui institue le statut de « conjoint collaborateur » qui peut être considéré comme un réel progrès, en particulier en matière de protection sociale des agricultrices. La revendication sous-entendue dans le reportage de 1979 d’une étendue de la couverture sociale pour les conjointes d’exploitants est acquise en 2006 et la revendication de l’égalité juridique personnelle revendiquée par les femmes du mouvement des Paysans travailleurs trouve son aboutissement en 2011 avec l’instauration du GAEC entre époux. Par ailleurs, les femmes ont fait leur entrée dans le milieu fermé et traditionnellement exclusivement masculin de la représentation agricole puisque lors du renouvellement de 2013 des délégués des chambres d’agriculture, les listes devaient au moins comprendre un tiers de femmes. Trois femmes président désormais une chambre d’agriculture.Le combat des Vendéennes des années 1970 paraît ainsi avoir porté ses fruits.
Eric Kocher-Marboeuf