L'histoire de l'ardoise à Trélazé

11 avril 1964
04m 37s
Réf. 00021

Notice

Résumé :

Aux Ardoisières de Trélazé dans le Maine et Loire, les techniques d'exploitation de l'ardoise sont passées du mode artisanal au mode industriel. Visite guidée des mines des Fresnais et de l'usine de traitement de l'ardoise.

Date de diffusion :
11 avril 1964
Source :

Éclairage

L'exploitation des ardoisières est importante depuis le XIXe siècle. Pendant longtemps, l'exploitation eut lieu à ciel ouvert, mais les sites furent régulièrement sujets à de graves éboulements. Aussi préféra-t-on l'extraction dans les chambres souterraines, atteintes par puits. Les blocs, remontés au jour, subissent alors la fente, avec ciseau et maillet. Cette phase de travail a été la plus délicate à mécaniser, rien ne remplaçant, jusqu'à une date récente, le savoir-faire manuel. Dans les années 1960, la mécanisation prit le pas sur le travail manuel car l'évolution des techniques permit de rationaliser le travail du schiste ardoisier. Désormais, alors que l'extraction de l'ardoise occupe moins de 300 ouvriers, l'heure n'est plus au "tout industriel". Un autre monde est né, qui mise davantage sur le secteur culturel avec notamment la création du musée de l'ardoise en 1984.

En savoir plus :

Depuis le XVIIe siècle, beaucoup de grands personnages, curieux de l'exploitation des ardoisières, se sont rendus sur les lieux : Marie de Médicis en 1619, le philosophe anglais John Locke en 1678 ou l'intendant de la généralité de Tours, Lescalopier en 1762. Dans son rapport, il évalue à 1 200 le nombre des ouvriers pour l'ensemble des carrières d'Angers-Trélazé et à plus de 26 millions le nombre d'ardoises produites par an.

Le XIXe siècle est le siècle de l'ardoise et des ardoisiers. Les grands exploitants se regroupent progressivement entre 1808 et 1891 et la principale société de production est créée : c'est la "Commission des Ardoisières d'Angers". Dès cet instant, de nombreux ouvriers sont recrutés dans les départements voisins. Pourtant, bien qu'étant l'un des principaux centres industriels du département, avec ses trois mille ouvriers attachés à l'exploitation de l'ardoise, Trélazé ne fait pas figure d'exception dans le Maine-et-Loire. Comme les autres cités minières, cette commune a accueilli son lot de prolétaires venus de contrées lointaines. Mais l'immigration est restée un phénomène marginal car la proximité de la péninsule bretonne et des centres d'exploitation ardoisiers, renfermant une main-d'oeuvre docile et bon marché, a rendu moins crucial qu'ailleurs l'appel aux étrangers. Les véritables étrangers à Trélazé sont les Bretons, qui forment jusqu'à 50% de la population de la commune en 1908 et que les Angevins de souche ne regardent pas toujours d'un bon oeil. De leur côté, les ouvriers ne restent pas inactifs.

Les conditions de travail sont bien trop difficiles et la vocation révolutionnaire de Trélazé apparaît, exceptionnelle dans un Anjou très conservateur : la "banlieue rouge" inquiète la grande ville si proche. Déjà à la fin du XVIIIe siècle, des perrayeurs - comme on appelle les ouvriers des ardoises - participent à une marche sur Angers. En août 1855, un grand nombre d'ouvriers, membres de la société secrète la Marianne qui vise à rétablir la République, s'insurgent, pillent la gendarmerie de Trélazé et marchent sur Angers sous la direction d'Attibert, grande figure de la révolte ouvrière trélazéenne. L'insurrection de la Marianne est vite réprimée. Les meneurs sont déportés à Cayenne. François Attibert réussit cependant à s'échapper et revient entretenir à Trélazé l'agitation et l'esprit de révolte. Les ouvriers utilisent le droit de grève, rétabli en 1864 et se syndiquent en 1880-1890. Les trente années qui suivent sont des années d'intenses luttes. En 1900, la quasi totalité des trois mille ouvriers adhère au syndicat des ardoisiers. Les grands ténors socialistes et anarchistes viennent tous à Trélazé au tournant du XIXe et du XXe siècle : Jean-Baptiste Clément, Allemane, l'anarchiste Tortelier, Louise Michel ou encore Léon Jouhaux. Grâce à l'action opiniâtre des Trélazéens, André Bahonneau, Louis Monternault et Ludovic Ménard, le statut d'ardoisier est assimilé au statut de mineur à la fin des années 1940.

Fabien Lostec

Transcription

François Foucart
A Trélazé dans le Maine et Loire, c'est l'importante spécialité, l'ardoise. Cet ardoisier travaille de façon artisanale. Il fend le bloc et les plaques grises et lisses seront employées en construction, singulièrement en couverture. Littéralement, on vit ici dans l'ardoise. Les déchets nombreux seront utilisés mais là aussi de plus en plus, on passe de l'habilité artisanale à la production organisée, industrialisée pour tout dire. Et si l'usine est importante, la mine ne l'est pas moins, elle offre de belles images classiques et nous vous invitons maintenant à une visite de cette mine.
(Musique)
François Foucart
Ce voyage, nous allons l'entreprendre en compagnie de M. Tesson qui est ingénieur en chef des ardoisières d'Angers et de M. Barthélémy, directeur de la carrière des Fresnay, qui est une des plus modernes et des mieux équipées. Et d'abord Messieurs, je crois qu'il faut rappeler que, autrefois, on extrayait l'ardoise à ciel ouvert.
M. Tesson
C'est exact, mais depuis le milieu du siècle dernier, on exploite l'ardoise en carrière souterraine en remontant. Pour atteindre la veine, on commence à creuser un puits. On creuse des collectrices et des plans inclinés et dans la veine, on ouvre les chambres dans les zones qui sont exploitables. Et ces veines, on l'exploite en remontant par bandes de 2m50 de haut, en laissant les déchets sous ses pieds.
François Foucart
Alors, nous sommes au fond. Comment exploite t-on ces chambres, comment en extrait-on l'ardoise ?
M. Tesson
Le premier problème consiste à abattre une bordée en faisant une rangée de mines horizontales, dans un plan horizontal et que l'on charge à la poudre noire. On abat ainsi un parallélépipède de pierres de 2m50 de hauteur sur 1m50 de profondeur environ.
François Foucart
Et on a des blocs d'ardoise qui sont très gros, qui pèsent de quel ordre ?
M. Tesson
Qui peuvent atteindre 50 tonnes et que l'on débite pour les ramener au poids que l'on peut remonter avec nos machines d'extraction de l'ordre de 5 tonnes.
François Foucart
C'est cela. De la chambre, ils sont acheminés par des.. par une petite... par un des cauvilles jusqu'à la recette du fond.
M. Tesson
C'est ça. Où ils sont encagés dans la cage pour être montés au jour.
François Foucart
Remontés au jour où ils sont acheminés vers les ateliers de fabrication. Et je crois que c'est M. Barthélémy qui va nous parler maintenant de la fabrication.
M. Barthélémy
Oui, les blocs qui remontent du fond sont acheminés effectivement sur les ateliers de fabrication. D'abord dans un atelier de débitage. Dans cet atelier de débitage, la pierre et les blocs sont refondus à une épaisseur d'environ 10 centimètres avec des surfaces qui restent encore irrégulières. Ces blocs repassent, passent dans une première scie qui est équipée de meules diamantées et qui donne des bandes d'environ 30 à 40 centimètres de largeur. Elles passent ensuite dans une deuxième scie qui donne des blocs, d'appeler repartant, qui commencent déjà à ressembler à peu aux dimensions des ardoises. Ces repartants sont acheminés par des palettes auprès des fendeurs.
François Foucart
Des palettes, ce sont des petits chariots...
M. Barthélémy
Des petits chariots qui circulent sur des galets, sur des rouleaux, sur des rouleaux. Elles sont acheminées aux, jusqu'aux fendeurs, qui refendent l'ardoise.
François Foucart
Alors je vous arrête, jusqu'à il y a quelques années encore, les fendeurs travaillaient sur des buttes. Ce que l'on appelait les fendeurs sur butte dans des petites cabanes.
M. Barthélémy
Oui, dans des petites cabanes.
François Foucart
Et est-ce qu'il y en a encore ?
M. Barthélémy
Oh, il y a encore quelques uns. Nous en avons au Fresnay encore 18 mais ce sont les derniers, je crois, je pense que nous sommes les derniers sur Trélazé et à la société aussi.
François Foucart
C'était un travail vraiment artisanal.
M. Barthélémy
Artisanal.
François Foucart
Vous avez maintenant des machines.
M. Barthélémy
On a mécanisé les manutentions au maximum et on a laissé à l'ouvrier le travail de fente qui est le travail le plus délicat et...
François Foucart
Qui demande beaucoup de dextérité.
M. Barthélémy
Enormément de dextérité. Beaucoup de souplesse. Beaucoup de souplesse dans les bras et dans les poignets aussi, énormément de souplesse dans les poignets. Après quoi, le fendeur taille les ardoises, les rondit, comme on dit, il les retaille, il les retaille aux dimensions du catalogue.
François Foucart
Les rondit, ça veut dire rendre rectangulaire aussi étrange que cela puisse.
M. Barthélémy
Rendre rectangulaire, oui. Ça consiste à les ramener aux dimensions du catalogue après quoi, il reste plus qu'à les charger, elles sont terminées.