La grande Troménie de Locronan
Notice
La grande Troménie de Locronan s'est déroulée hier en présence de Mgr Daniélou. Les pèlerins en costume traditionnel débutent la procession sur la place du village, celle-ci se poursuit à travers la campagne avoisinante au rythme des cantiques.
Éclairage
De 1950 à 1980, on assiste en Bretagne à une chute brutale et certaine de la pratique religieuse, que le concile œcuménique de Vatican II (1962-1965) n'a pu enrayer. Chute liée autant à l'évolution des modes de vie d'une société bretonne qui voulait aller vite et rompre en bloc avec le passé, qu'au vent de réforme et de contestation né au sein même de l'Église. Bon nombre de pardons, pèlerinages et processions parsemant le calendrier liturgique disparaissent au fil des années. Le caractère ostentatoire et triomphaliste des diverses processions cultuelles était en porte-à-faux avec la volonté de simplifier les cérémonies religieuses affichée par Paul VI et les discours tiers-mondiste tenus par les prêtres et les fidèles. Quelques grands pèlerinages et pardons (dont notamment les troménies de Locronan dans le département du Finistère) se sont cependant maintenus jusqu'à nos jours.
Le terme de troménie est une francisation du breton tro-minihi, littéralement tour (tro) du minihi dérivation du latin monachia (espace monastique du haut Moyen Âge). L'appellation la plus ancienne désigne la Grande troménie de Locronan, une circumambulation religieuse d'environ douze kilomètres qui se déroule tous les six ans. L'hagiographie du haut Moyen Âge consacre les troménies comme des circuits de fondation d'espaces sacraux monastiques.
Dans le cas de Locronan, la grande troménie pourrait correspondre à la pérégrination d'un espace sacral antique. Le circuit passe par la forêt de Nevet, dont l'étymologie découlerait de nemet ("sacré"), dérivation du nemeton druidique gaulois. La forme du circuit, le nombre de stations et sa périodicité sexennale renvoient à l'époque préchrétienne. Il semble que ce soit la grande troménie de Locronan qui ait consacré le terme de troménie pour les autres circumambulations de Basse-Bretagne, par l'intermédiaire de l'Évêché de Quimper.
Ayant pour départ et terme l'église Saint-Ronan, la Grande troménie de Locronan se déroule entre le deuxième et le troisième dimanche de juillet. La marche votive suit l'orbite apparente du soleil, de l'ouest vers le nord, l'est et le sud et consiste en un parcours que la tradition orale a fixé précisément, par d'anciens chemins ou sentiers frayés à travers taillis, ruisseaux, cultures. Douze croix de pierre marquent autant de haltes pour la proclamation d'évangiles notés dans un rituel ancien. Une quarantaine de huttes de branchages, habitées huit jours durant, par des statues de saints, représentants des églises et chapelles alentour, sont dressées au long du parcours.
A l'intonation du "Veni Creator", la procession déroule son long cortège, bannières déployées. Au chant des cantiques, à la prière du chapelet, des litanies (en latin, français et breton) elle s'achemine sur les confins de l'antique prieuré, au long des terres de Plonévez et Quéménéven. On s'agenouille au pied de Plas a Horn avant d'en gravir la pente abrupte pour atteindre, sur la hauteur, dominant la baie Ménez Hom, la chapelle "Ar Zonj", dont on fait le tour avant d'y déposer les reliques. Puis après un temps de repos - une prédication sur le site - la procession reprend par la crête de Plogonnec. Et après les dernières stations d'Évangile, le passage près du flanc de la "Jument de pierre", elle redescend jusqu'à l'Église pour le Te Deum, le salut du Saint Sacrement, et les derniers cantiques à Saint Ronan.
Dans l'intervalle des six ans séparant deux Grandes troménies, se déroule tous les ans une troménie abrégée apparue pour la première fois en 1889 sous le terme de "Petite troménie" dont le parcours est plus restreint (5 km). Dans les deux cas, le parcours est difficile et témoigne d'une ferveur considérable qui attire aujourd'hui encore une foule de pèlerins.