La production porcine en Bretagne
Notice
Dans un élevage porcin des Côtes du Nord, des acteurs de la profession, Guillaume Roué (Secrétaire Générale Fédération Nationale Porcine), Jean-Claude Commault (Directeur Cooperl) et Yves Ollivier (Confédération Paysanne) analysent la crise porcine.
Éclairage
Jusqu'aux début des années 80, bien que le marché européen du porc soit saturé, les entreprises porcines françaises se sentaient à l'abri d'un marché national pas encore complètement couvert. L'Europe va changer la donne en imposant, en 1983, les MCM (montants compensatoires monétaires) qui permettent de protéger les exportations agricoles des pays à monnaie forte. Cette mesure avait été demandée par la France en 1969 mais elle se révélera en fait défavorable aux éleveurs français des années 80 car le franc est devenu faible. Les MCM concernent l'ensemble des productions agricoles européennes. Mais en France c'est le secteur porcin, fortement exportateur, qui en subit les plus fortes conséquences.
Les paysans du Finistère se mobilisent dès 1983 contre les MCM et le combat prend rapidement des formes violentes (dévastation de la préfecture de Carhaix en novembre 1983, barrages sur les voies ferrées). Ce sont les premières images du document.
En 1987-88, la filière porcine connaît une autre crise liée à une baisse des prix du porc de plus de 20 %. Cette crise met en évidence les faiblesses des marchés au cadran imposés par les groupes des gros producteurs libéraux à la fin des années 70 (Alexis Gourvennec, pourtant à l'initiative de la création de ces marchés, appelle à tenir les barricades). Les marchés au cadran sont basés sur la confrontation directe entre l'offre et la demande et ne tiennent pas forcément compte de la valeur du travail.
En fait, la crise des MCM et celle des prix sont les conséquences des transformations des structures agricoles en Europe. Ce sont ces questions qu'évoquent les deux représentants syndicaux, qui, s'ils participent ensemble aux manifestations, n'analysent pas la crise de façon unanime.
L'un est responsable de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) et représente également la COOPERL (cette coopérative des éleveurs de la région de Lamballe née en 1973 est devenue un véritable complexe agroalimentaire intégrant l'élevage, la vente et la transformation). Selon lui, la crise est liée à la politique européenne et l'organisation de la filière porcine bretonne, qui intègre de plus en plus les conditions d'une économie libérale, n'est pas à remettre en cause. Le représentant de la Confédération paysanne, créée en 1987, développe une autre thèse : il oppose "l'agriculture paysanne" respectueuse des petits exploitants à l'agriculture productiviste. Ce syndicaliste lutte pour une autre politique des marchés qui soutiendrait les moyennes exploitations afin de limiter la désertification des campagnes en cours. Il proteste donc contre le soutien apporté au marché au cadran par les organisations professionnelles, lui reprochant de bénéficier aux gros producteurs. Il demande la mise en place d'aides directes aux petits et moyens producteurs.