La PAC, politique agricole commune

27 mai 1999
04m 36s
Réf. 00280

Notice

Résumé :

Joseph et Laurent Kerlir sont agriculteurs dans le Morbihan. Ils évoquent le rôle que la PAC, politique agricole commune, a joué pour l'agriculture bretonne. Elle a notamment permis la modernisation de l'agriculture.

Type de média :
Date de diffusion :
27 mai 1999
Source :
Lieux :

Éclairage

Ce document rappelle par des témoignages l'évolution de la PAC et les problèmes qui en ont découlé.

En 1962, devant la nécessité de nourrir la population éprouvée par la guerre, la Communauté européenne a décidé la mise en place d'un premier paquet de mesures agricoles communes pour les six pays européens fondateurs. Ces mesures aboutiront le 1er juillet 1967 au marché unique des céréales, du porc, des oeufs, de la volaille, des graines oléagineuses, suivi en 1968 de celui du lait, de la viande bovine et des produits transformés à base de fruits et légumes.

De 1962 à 1984, la PAC a mis en place une politique de prix garantis pour un certain nombre de produits, ce qui devait assurer aux exploitants un prix d'achat minimum de leur production, indépendamment de l'évolution des cours mondiaux, et idéalement leur permettre de percevoir un revenu minimum stable.

Le coût du système et l'augmentation des productions entraînant une surproduction du lait et du porc, une réforme de la PAC est décidée en 1984. Celle-ci s'oriente vers la stabilisation des produits. Ceci induit leur limitation, d'où par exemple la mise en place des quotas laitiers.

En 1992, alors que les dépenses agricoles représentaient 64% du budget communautaire, une nouvelle réforme a profondément modifié la PAC qui, soumise de plus en plus au commerce international, présente un point de vue nettement plus libéral. Les aides directes remplacent le soutien des prix, ceci devant éviter la course à la productivité que mènent les agriculteurs, souvent soumis à la pression de remboursement des prêts. Depuis 2004, le budget de la PAC a diminué (44% du budget communautaire) alors que les pays membres de la Communauté Européenne passent de 15 à 25.

La PAC a été souvent source de discordes : entre les Etats-Unis et l'Europe, entre les pays membres de la communauté mais aussi entre agriculteurs et gouvernement. Ce document a l'intérêt de présenter un point de vue nuancé émis par deux agriculteurs : ils reconnaissent que l'Europe, en déconnectant le marché européen du marché mondial, a permis le développement de régions structurellement en retard, ce qui était le cas de la Bretagne dans les années 60. Mais ils analysent aussi les limites de la PAC : la course à l'agriculture intensive mal maîtrisée dans les années 70, la dérive ultra-libérale de la fin du siècle, qui menace les plus faibles. Toutefois, en conclusion, alors que dans cette décennie la politique européenne fait l'objet de nombreuses manifestations, ils affirment à nouveau leur espoir dans l'Europe - le plus jeune a voté "Oui" pour la ratification du traité sur l'Union européenne signé à Maastrich en 1992 - et ils sont en cela proche de la FNSEA des années 90.

Martine Cocaud

Transcription

Nathalie Marcault
Joseph et Laurent Kerlir exploitent ensemble une ferme de 70 ha. Ils ont 40 vaches et un quota laitier de 246 000 litres. Dans un an, Joseph va prendre sa retraite. Il s'est installé en 1960, il a vu naître la politique agricole commune à partir de 62, et sait en mesurer les acquis.
Joseph Kerlir
La PAC, ça a permis de se moderniser, et ça a permis aussi de produire plus, puisque jusqu'en 60, les, la production n'était pas élevée, au temps les, un changement aussi de, du, de la façon de travailler du moins.
Nathalie Marcault
Est-ce que c'est une bonne chose la PAC pour vous, finalement ?
Joseph Kerlir
Oui certainement, ça a mis une évolution dans le milieu agricole, ça nous a permis de, de changer, surtout de se défendre.
Nathalie Marcault
L'ouest a particulièrement bien profité de la PAC ?
Laurent Kerlir
Oui. Je pense oui, parce que peut-être, l'ouest, on est réputés, je pense que les agriculteurs de l'ouest sont réputés pour être des travailleurs. C'est peut-être eux qui ont prend, qui ont pris plus le train en marche plus vite, et qui est, ben qui ont produit tout simplement. Ils ont fait ce qu'on leur a dit, et ils sont pas restés regarder peut-être et donc euh c'est vrai qu'aujourd'hui ben ils ont un volume de production qui est là quoi.
Nathalie Marcault
La PAC première version a incité les agriculteurs à produire par des prix garantis élevés. Et si elle a permis d'augmenter le niveau de vie des campagnes, elle a aussi entraîné une surproduction et des excédents coûteux.
Joseph Kerlir
Il fut un temps, il fallait peut-être pouvoir, il fallait peut-être du moins s'arrêter ou diminuer, mais on, on était encore arrivé à produire et on, on en est rendu là.
Laurent Kerlir
Le gros problème de la PAC c'est qu'il a pas su à un moment donné, il a aider à produire pour produire et à un moment donné fallait dire stop quoi. Parce que les stocks étaient tellement ben, tellement importants qu'il a fallu euh ben mettre un, un halte-là quoi. On pouvait plus produire pour stocker alors qu'on n'arrivait plus à résorber ces stocks ; donc c'est vrai que là, les quotas ont été nécessaires.
Nathalie Marcault
Mis en place en 1984, les quotas ont permis d'éviter les excédents. Le lait est une des productions les plus encadrées. Mais ce régime pourrait être remis en cause à partir de 2005. Dans ce secteur, comme dans celui de la viande bovine et des grandes cultures, la réforme de la PAC, négociée cette année, va amener à une baisse des prix, en partie compensée par des aides directes, on va donc vers un peu plus d'assistanat.
Joseph Kerlir
Pour nous c'est un besoin, l'aide, et on ne s'en porterait que mieux si ça avait été le contraire, vis-à-vis du public, mais on, on n'a pas le choix.
Laurent Kerlir
Je crois que ce qui compte c'est le soutien du prix. On a toujours voulu défendre un prix, on refuse, enfin, on a toujours dit un prix plutôt que des primes, donc c'est là où quand on râle, c'est, c'est ce qu'on souhaite quoi. On ne veut pas avoir l'air d'un assis, des assistés, on veut l'air, on veut produire, on veut vivre de notre produit. Bon aujourd'hui quand on parle de baisser le prix du litre de lait, aucun consommateur trouve que le prix du litre de lait est trop élevé dans, dans, à l'étalage quoi. Donc quand on dit qu'on est râleur c'est parce qu'on nous change nos règles du jeu trop souvent.
Nathalie Marcault
C'est pas compliqué ça d'être tout le temps soumis à des décisions extérieures finalement ?
Joseph Kerlir
Il faut qu'en ce moment, se tenir les coudes, de ce qui se passe, au niveau européen et au niveau de, de, de la PAC.
Nathalie Marcault
Ben ça change tout le temps
Joseph Kerlir
Oui, ben faut se remettre en cause constamment quoi.
Laurent Kerlir
Il faut s'adapter au système, je pense que, et là euh, enfin je crois que la, la chance du milieu agricole c'est qu'il est très bien structuré. Et on est informés très vite des, de, des modifications, donc on a aussitôt éventuellement un conseil de gestion ou un conseil technique qui nous dit : ben voilà, il vaut mieux, on fait des simulations, et vaut mieux aller dans ce sens là que dans d'autres.
Nathalie Marcault
Laurent Kerlir est le président du CDJA du Morbihan. Son engagement dans le syndicalisme, c'est aussi un engagement pour l'Europe.
Laurent Kerlir
Enfin les agriculteurs ont été les premiers européens, euh on avait besoin d'une Europe, et on a encore besoin d'une Europe agricole forte, il faut pas qu'elle nous tourne le dos, c'est tout. Moi j'avais voté oui à Maastricht oui, et en agriculture on avait peut-être un peu, enfin peut-être pas de social, mais on avait un souci de maintenir les hommes, et là tout d'un coup on va vers euh de plus en plus du libéral. Alors, c'est difficile à comprendre, d'un côté on nous dit : plus de social, mais l'autre côté c'est au contraire la, l'Europe agricole plus libérale donc euh, mais malgré tout je pense qu'il faut rester confiant oui.
(Silence)