La Grande guerre (1914-1918)
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Le samedi 1er août 1914, les cloches des églises de France se mettent à sonner à toute volée et les Bretons entendent comme les autres le tocsin. Cette fois il n’annonce pas un incendie mais l’embrasement de toute l’Europe. Depuis l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois, le 28 juin 1914, la guerre fait la une des journaux et est sur toutes les lèvres. En réalité, une course à l'armement est engagée depuis des années en Europe. En France, le service militaire a été rallongé en 1913 par la Loi des trois ans.
Dès le 2 août, les hommes prennent le chemin du front. Il n’y vont pas la fleur au fusil comme on l’a parfois dit. À cette époque, la plupart des Bretons habitent à la campagne. Les hommes savent qu’ils doivent aller défendre la patrie, mais ils s’inquiètent en pensant aux travaux de la ferme. Les femmes, les enfants et les anciens seraient-ils capables de les remplacer ?
Entre le 4 et le 9 août 1914, la plupart des régiments bretons sont acheminés en train vers la frontière belge. En effet, les Allemands ont violé le 3 août la neutralité de la Belgique. L’état-major français a décidé d’envoyer deux armées pour la secourir.
Tuer ou être tué
Les premiers combats entre le 11e corps d'armée et les Allemands ont lieu le 22 août à Maissin. Ils sont particulièrement féroces : les Français perdent 99 officiers et 4 085 soldats. Le bilan est tout aussi lourd pour les autres régiments français en Belgique : 27 000 morts en une journée. Aucune bataille n’avait encore été aussi meurtrière dans l’histoire de l'humanité.
Eñvorennoù daou soudard ar brezel 14-18 [Témoignage de deux anciens poilus]
"Ne oa nemet lazhañ d'ober, pe bezañ lazhet" : setu petra oa buhez ar soudarded a zo aet da vrezeliañ evit Bro-C'hall etre 1914 ha 1918. [Portrait de deux anciens poilus, Jean Pierre Le Bihan et Job Sparfel, qui ont combattu pendant la guerre 14-18. A l'époque, la seule alternative était "tuer, ou se faire tuer".]
Les tranchées
Les choses tournent si mal pour les Français qu’ils doivent reculer entre le 23 août et le 2 septembre, poursuivis par les Allemands. Ce n’est qu’à 50 km de Paris, dans la Marne, que ces derniers subissent des revers et doivent reculer à leur tour. Mais, assez rapidement, les positions se figent et les soldats creusent des tranchées. Cela change le cours de la guerre.
Entre les grandes batailles, certaines zones sont plus ou moins fortement exposées. À Verdun par exemple, la situation est relativement calme pendant deux ans avant de se transformer en enfer entre février et décembre 1916. En première ligne, la mission principale des soldats est de surveiller l’ennemi. Un quart d’entre eux est affecté à cette mission pendant la journée, et deux fois plus la nuit. Rester immobile pendant deux heures est une véritable souffrance, surtout en hiver. Le moindre tir provoque une réponse immédiate de l’ennemi, des tirs nourris, voire des bombardements, ce qui est le pire pour les soldats qui ne peuvent qu’attendre la fin de la pluie d’obus, recroquevillés sur eux-mêmes.
Maro evit ar vro [Mort pour le pays]
Au moins 130 000 Bretons sont morts sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Cet extrait est tiré de la captation télévisée de la pièce de Théâtre Maro evit ar vro, produite par Ar vro bagan. Les femmes, ici réunies autour du lavoir, lisent les lettres de leurs hommes, qui décrivent les horreurs du front.
Des écrivains dans la guerre
Quelques écrivains bretonnants ont vécu ces temps difficiles et ont parlé de la guerre dans leurs écrits, qu’ils aient pris part aux combats ou qu’ils soient restés en Bretagne. À cette époque, certains ne sont encore que des enfants. Ils gardent le souvenir du départ des soldats et décrivent dans leurs mémoires la vie en Bretagne pendant la guerre : Visant Seite (Ar Marh reiz), Per-Jakez Helias (Marh al lorh), Yeun ar Gow (Skridoù)…
D’autres ont l’âge de partir au front. Dans son livre Dek devez e Verdun, Jules Gros raconte comment il fut blessé à Verdun. Loeiz Herrieu écrit beaucoup pendant la guerre. Il envoie une lettre à sa femme presque tous les deux jours (plus de 1 000 lettres en tout !) et, à partir de ses notes quotidiennes couchées dans ses carnets sur le front, il écrit, dans les années 30, son ouvrage célèbre Kammdro an Ankoù. D’autres écrivains nous ont laissé un témoignage en langue bretonne sur la guerre : Michel Lec’hvien (War hent ar gêr), Aogust Bocher (Eñvorennoù brezel), Jakez ar C’hann…
Mais l’un d’entre eux ne revient pas des combats : Yann-Bêr Kalloc’h est tué le 10 avril 1917 à Urvilliers (02). Quelques poèmes de son recueil* Àr en deulin* ont été écrits sur le front.
Yann Ber Kalloc'h [Jean-Pierre Calloc'h]
Le poète breton Jean-Pierre Calloc'h a été tué sur le front en 1917, au cours de la Première Guerre mondiale. Cet extrait, tiré du documentaire réalisé par Roland Michon pour Kalanna, relate les derniers mois de sa vie, depuis l'école des sous-officiers de Saint-Maixent jusque sa mort à Urvillers (Aisne).
Les Américains en Bretagne
Après la décision de l’Allemagne de multiplier les attaques sous-marines contre les navires marchands des pays neutres qui approvisionnent la France et le Royaume-Uni, le président Wilson et les USA décident, le 6 avril 1917, de prendre part à la guerre en Europe, surtout après le coup de force du Mexique qui s’allie à l’Allemagne.
Les Américains installent des bases d’hydravions en Bretagne : sur l’Ile-Tudi en face de Pont-l’Abbé et à Enez-Terc’h en face de Lilia-Plouguerneau. Ces avions sont capables de sonder la mer à la recherche des sous-marins allemands, les U-Boote, pour les détruire ou pour renseigner les cuirassés alliés en patrouille aux alentours. La Bretagne devient un point stratégique important, un front de guerre maritime.
Le bilan de la grande guerre
Les historiens parlent aujourd’hui de 125 000 à 150 000 soldats bretons tués pendant la guerre. On peut s’étonner de ce manque de précision. Après 1919, plus personne n'est déclaré « mort pour la France » et on ne connaît pas le nombre d'anciens soldats décédés des suites de leurs blessures ou de leur maladies. C’est pourquoi le nombre de soldats morts à cause de la Grande Guerre reste imprécis.
70 vloaz 'zo en echue ar brezel [Le soixante dixième anniversaire de la fin de la guerre 14-18]
Le 70ème anniversaire de la fin de la Première guerre mondiale est l'occasion de revenir sur ce conflit meurtrier. L'historien Roger Laouenan évoque les derniers combats, le travail à l'arrière et l'état d'esprit des poilus.
Conclusion
Il reste encore bien des choses à découvrir dans les archives familiales. « La grande collecte » entreprise pour le centième anniversaire de la guerre est un succès. On peut consulter une partie de ces documents sur le site des archives de chaque département. Un grand nombre de documents ont été mis en ligne récemment sur le site Mémoire des hommes, de quoi entreprendre des recherches dans des domaines encore peu étudiés (par exemple les soldats condamnés par la justice militaire).
Il y a un « devoir de mémoire » à mener !
Pour aller plus loin
- Ar Brezel bras, TES, 2015, livre et site Internet, www.tes.bzh/brezelbras
- Didier Guyvarc’h et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre, PUR, Coll. Images et histoire, 2013.
- Roger Laouénan, Les Bretons dans la Grande Guerre, 10 tomes, Coop Breizh, 1980-2015.
- Mémoire des hommes, ministère de la Défense,
- À bientôt de vos nouvelles, web-documentaire, BCD, 2015,
- Yvan Fronteau, Juillet-août 1914, l’entrée en guerre des Bretons, BCD, 2014, http://www.bretania.bzh/EXPLOITATION/juillet-aout-1914-entree-en-guerre-des-bretons.aspx