La perception par le grand public – et les élèves – de ce qu’est la laïcité demeure problématique. Elle est souvent définie par la négative, en listant ce qu’elle interdit ou limite. Or, les textes qui la fondent insistent au contraire sur ce qu’elle promeut, à savoir la liberté absolue de conscience et le libre exercice des cultes religieux dans le respect de l’ordre public.
À cette première difficulté s’en ajoute une seconde, à savoir celle de la libre expression des idées, y compris sous la forme de la satire, y compris sur les sujets religieux.
À la croisée de ces deux questions, on trouve l’École publique en charge de garantir l’émancipation des élèves dont elle a la charge. Par un questionnement incessant, elle est amenée à interroger les constructions culturelles de ces derniers, avec parfois le risque d’entrer en contradiction avec leurs croyances. C’est ce chemin de crête que doivent emprunter les enseignants.
# La construction de l’enseignement public et laïc un long processus
Date de la vidéo: 08 mai 1982
Durée de la vidéo: 03" minutes 21 secondes03M 21S
La construction de l’École publique
(1792-1982)
Le centenaire en 1982 de la création du système scolaire français, résumé sous le nom d’École publique
, permet de revenir sur une histoire qui ne peut se limiter aux seules lois Ferry ni être présentée comme une construction linéaire. Sa remise en cause et les tensions avec les tenants de l’École libre
n’ont jamais cessé.
Il a fallu du temps pour instaurer l’enseignement public et laïc en France. A l’origine, cette grande idée est née des esprits de la révolution française. En effet dès 1792 le député Condorcet fait approuver par la Convention son rapport qui réclame déjà la gratuité et la laïcisation de l’enseignement. C’est près d’un siècle plus tard qu’est promulguée de la Loi sur l'enseignement primaire obligatoire (1882), à l’initiative du Ministre de l’Instruction publique Jules Ferry.
Les républicains réforment alors tout le système scolaire français : refonte également des collèges, des lycées, l’université, la formation des maîtres, l’éducation des jeunes filles. Le 17 novembre 1883, dans sa lettre adressée aux instituteurs, il dit : « l’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Église, l’instruction morale à l’école » :
Date de la vidéo: 15 mai 2012
Durée de la vidéo: 01" minutes 43 secondes01M 43S
Entre instruction et colonisation : le cas Jules Ferry
Figure fondatrice de l’identité républicaine française à travers sa réforme de l’enseignement primaire, Jules Ferry est aussi à associer à la politique coloniale de la IIIe République. Célébré aujourd’hui, ce fut pourtant un homme objet d’une détestation rarement atteinte dans l’histoire de la France contemporaine.
Cette construction s’est faite en plusieurs phase, et elle a toujours fait l’objet de contestation religieuse ou de partis politiques conservateurs qui continuent régulièrement de mener un combat contre cette loi.
La mise en œuvre politique s’inscrit dans un long processus de séparation des Églises et de l’État dont le point d’orgue fut la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 :
Art. 1er – La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Art. 2 – La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Date de la vidéo: 21 mars 2005
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Centenaire de la séparation de l'Eglise et de l'Etat
Le reportage porte sur la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 et l’évolution des relations entre l’Eglise catholique et la République au cours du XXe siècle, en prenant l’exemple de la Meuse.
# Le droit français, garant de la liberté d’expression
Si le délit de blasphème n’existe pas dans le droit français depuis 1791, cette notion revient en force dans le débat public sous d’autre forme.
Date de la vidéo: 14 oct. 2016
Durée de la vidéo: 01" minutes 05 secondes01M 05S
Critique religieuse et liberté d’expression : l’abrogation du « délit de blasphème »
L’Alsace-Moselle concordataire ayant intégré dans son droit pénal local le délit de blasphème d’origine allemande, elle a fait figure d’exception dans le paysage juridique de la France métropolitaine jusqu’en 2016. La question dépasse toutefois ce cadre régional car elle interroge sur les usages que certains font de la loi sur la liberté d’expression pour défendre des causes communautaristes.
La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté d’expression en France, expose dès son article 1er que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Cependant, la loi relative à la lutte contre le racisme de 1972, dite loi Pleven, est utilisée par certaines associations pour porter plainte, comme le prévoit cette législation, pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée… ».
# L’École publique au défi de l’émancipation
Confronter la liberté de croyance à la vérité historique, n’est pas toujours facile, ni même accepté :
Date de la vidéo: 21 janv. 2015
Durée de la vidéo: 04" minutes 34 secondes04M 34S
Laïcité et liberté d’expression : les enseignants face aux incompréhensions de leurs élèves
L’assassinat de huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo après la publication de caricatures du prophète de l’islam a exacerbé les tensions autour de la notion de laïcité tout en rendant inaudible le débat entre liberté d’expression et liberté de conscience. Face à leurs élèves, dont une partie affiche sa méfiance vis-à-vis de la laïcité, les enseignants ont souvent été seuls pour trouver des réponses.
Les enseignants sont confrontés au poids de l’influence des réseaux sociaux et des sources d’information multiples qui s’offrent aux élèves. Face au poids de ces sources d’informations, ils doivent instruire les notions de liberté de conscience, liberté d’expression, droit à la critique et laïcité. C’est un dilemme majeur de notre société, que tente de résoudre l’enseignement public : face aux approximations culturelles dont sont abreuvés les jeunes élèves, leur donner les connaissances et travailler leurs capacités à :
- savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité
- être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations
- comprendre le sens de la complexité des choses
- être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences
Etudier la laïcité au sein de l’école publique demande aujourd’hui de s’inscrire dans une dynamique compliquée : enseigner des connaissances historiques qui entrent parfois en contradiction avec les constructions culturelles des élèves afin de les émanciper intellectuellement.