Enseigner la laïcité et la liberté d’expression à l’École

Enseigner la laïcité et la liberté d’expression à l’École

Par Alexandre Laumond et Anne Gerhard - Masson, Professeur d'histoire-géographie et documentalistePublication : 24 nov. 2023

La perception par le grand public – et les élèves – de ce qu’est la laïcité demeure problématique. Elle est souvent définie par la négative, en listant ce qu’elle interdit ou limite. Or, les textes qui la fondent insistent au contraire sur ce qu’elle promeut, à savoir la liberté absolue de conscience et le libre exercice des cultes religieux dans le respect de l’ordre public.

À cette première difficulté s’en ajoute une seconde, à savoir celle de la libre expression des idées, y compris sous la forme de la satire, y compris sur les sujets religieux.

À la croisée de ces deux questions, on trouve l’École publique en charge de garantir l’émancipation des élèves dont elle a la charge. Par un questionnement incessant, elle est amenée à interroger les constructions culturelles de ces derniers, avec parfois le risque d’entrer en contradiction avec leurs croyances. C’est ce chemin de crête que doivent emprunter les enseignants.

# La construction de l’enseignement public et laïc un long processus

Il a fallu du temps pour instaurer l’enseignement public et laïc en France. A l’origine, cette grande idée est née des esprits de la révolution française. En effet dès 1792 le député Condorcet fait approuver par la Convention son rapport qui réclame déjà la gratuité et la laïcisation de l’enseignement. C’est près d’un siècle plus tard qu’est promulguée de la Loi sur l'enseignement primaire obligatoire (1882), à l’initiative du Ministre de l’Instruction publique Jules Ferry.

Les républicains réforment alors tout le système scolaire français : refonte également des collèges, des lycées, l’université, la formation des maîtres, l’éducation des jeunes filles. Le 17 novembre 1883, dans sa lettre adressée aux instituteurs, il dit : « l’instruction religieuse appartient aux familles et à l’Église, l’instruction morale à l’école » :

Cette construction s’est faite en plusieurs phase, et elle a toujours fait l’objet de contestation religieuse ou de partis politiques conservateurs qui continuent régulièrement de mener un combat contre cette loi.

La mise en œuvre politique s’inscrit dans un long processus de séparation des Églises et de l’État dont le point d’orgue fut la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 :

Art. 1er – La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Art. 2 – La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.

# Le droit français, garant de la liberté d’expression

Si le délit de blasphème n’existe pas dans le droit français depuis 1791, cette notion revient en force dans le débat public sous d’autre forme.

La loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, considérée comme le texte juridique fondateur de la liberté d’expression en France, expose dès son article 1er que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Cependant, la loi relative à la lutte contre le racisme de 1972, dite loi Pleven, est utilisée par certaines associations pour porter plainte, comme le prévoit cette législation, pour « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée… ».

# L’École publique au défi de l’émancipation

Confronter la liberté de croyance à la vérité historique, n’est pas toujours facile, ni même accepté :

Les enseignants sont confrontés au poids de l’influence des réseaux sociaux et des sources d’information multiples qui s’offrent aux élèves. Face au poids de ces sources d’informations, ils doivent instruire les notions de liberté de conscience, liberté d’expression, droit à la critique et laïcité. C’est un dilemme majeur de notre société, que tente de résoudre l’enseignement public : face aux approximations culturelles dont sont abreuvés les jeunes élèves, leur donner les connaissances et travailler leurs capacités à :

- savoir exercer son jugement et l’inscrire dans une recherche de vérité

- être capable de mettre à distance ses propres opinions et représentations

- comprendre le sens de la complexité des choses

- être capable de considérer les autres dans leur diversité et leurs différences

Etudier la laïcité au sein de l’école publique demande aujourd’hui de s’inscrire dans une dynamique compliquée : enseigner des connaissances historiques qui entrent parfois en contradiction avec les constructions culturelles des élèves afin de les émanciper intellectuellement.

# Piste pédagogique associée

Le même contenu, adapté à l’enseignement, est accessible aux enseignants et aux élèves de la région Grand Est, sous le titre :« Laïcité à l’École et liberté d’expression ».