Interview d'Henry Potez à l'occasion du 50ème anniversaire de la SNIAS à Méaulte
Notice
À l'occasion du 50ème anniversaire de la SNIAS (Société nationale industrielle aérospatiale), les élèves du centre de formation de Méaulte ont offert deux maquettes à Henry Potez. Interrogé, celui-ci évoque ses débuts à Méaulte en 1922 , l'association avec Dassault pendant la Première Guerre mondiale, la nationalisation de 1938. Il se dit confiant quant aux développement de l'aviation dans l'avenir.
Éclairage
La filière aéronautique picarde est exclusivement composée de sous-traitants de divers rangs, concourant tous à la fabrication de pièces entrant dans la construction d'aéronefs. Elle représentait en 2012 environ 4% de l'emploi industriel (3800 salariés) et un peu plus de 1% des établissements industriels (105). Modeste, certes, en comparaison avec ses équivalents en Aquitaine ou en Midi-Pyrénées, la filière comptabilise néanmoins quelques grands fleurons de l'industrie française tels que Thalès, Matra (respectivement présents à Méru et à Lacroix-Saint-Ouen, dans l'Oise), mais aussi et surtout Aérolia, à Méaulte dans la Somme. Enfin, côté formation, il a été créé à Albert un BEP Productique mécanique usinage en collaboration avec le PHMA (Pole Hydraulique et Mécanique d'Albert) qui regroupe 25 entreprises sous-traitantes d'Aérolia.
Mais qui sait que la Picardie a compté de la fin des années 20 jusqu'au milieu des années 1930, le plus perfectionné et le plus vaste (60 000 m2 couverts et jusqu'à 3600 employés !) complexe industriel de production d'avions au monde ? Situé à Méaulte, son inauguration en 1924 est à l'origine de la spécialisation actuelle du bassin d'emploi albertin dans l'aéronautique et ce, grâce à un entrepreneur local fidèle à ses racines, Henry Potez (1891-1981).
La vie de ce natif d'Albert est une formidable épopée industrielle et commerciale. Ingénieur, inventeur, administrateur de sociétés, mais aussi citoyen engagé socialement et politiquement, ce touche-à-tout de génie est l'un des pionniers de l'industrie aéronautique.
Dès 1914, après avoir travaillé avec Gaston Caudron, il s'est associé avec Marcel Dassault (né Bloch, un autre instigateur d'une grande saga familiale liée à la Picardie) pour réaliser la célèbre "hélice Eclair" qui allait équiper tous les chasseurs SPAD pendant le premier conflit mondial (de 1916 à 1918).
Convaincu du potentiel de l'aviation civile sans pour autant abandonner les débouchés militaires, il fonde en 1919 la Société des Aéroplanes Henry Potez dont il édifie les premiers établissements en région parisienne avant de s'installer dans la Somme. S'ensuit une série de succès avec le lancement notamment des modèles 25, 28, 34, 39, 50, 54, 62, 63 sans oublier l'hydravion 45. Le Potez 25, pur produit local, connut un succès mondial avec 7000 exemplaires réalisés intégralement sur le site méaultais. La nationalisation de la société en 1936, la seconde guerre mondiale ainsi que l'intervention du régime de Vichy dans la vie de l'entreprise marqueront des étapes importantes. La seconde moitié du XXe siècle est moins fructueuse pour Henry Potez malgré quelques belles réussites. Sa société n'a plus connu le même succès et c'est en 1961, à l'âge de 70 ans, qu'il se retire du monde des affaires et de la vie politique. Une entreprise porte aujourd'hui encore son nom ; il s'agit de Potez Aéronautique, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de pièces primaires et l'assemblage de sous-ensembles, basée à Aire-sur-l'Adour, dans les Landes. C'est son petit-fils, Roland Potez qui a repris le flambeau, perpétuant ainsi l'aventure familiale.
Le savoir-faire mondialement reconnu de l'aéropôle d'Albert et son carnet de commande étoffé pour les dix prochaines années sont probablement le meilleur hommage qu'on puisse rendre à ce personnage incontournable de l'histoire industrielle de la Picardie.