Une usine de parfum : Fapagau
Notice
Reportage à Gauchy dans l'Aisne chez Fapagau (L'Oréal), l'usine de parfum la plus récente installée en Picardie. On rencontre Arlette Cobeau, employée de laboratoire qui est un des "nez" de l'usine et Patrick Benguigui, directeur de l'usine qui souligne la nécessaire qualité dans la chaîne de production.
Éclairage
La Picardie bénéficie d'une position géographique stratégique au sein de l'espace nord-ouest européen. Elle se situe, en effet, au centre du triangle Paris-Londres-Bruxelles ; trois des plus importantes capitales européennes. Cette situation barycentrique lui donne accès à l'une des zones les plus riches au monde, et ce d'autant plus que ses infrastructures sont performantes : en attendant l'arrivée (prévue pour 2020) du TGV à Creil et à Amiens et, peut-être, la réalisation, tant espérée, du Canal Seine Nord Europe.
L'OREAL, leader mondial des parfums et cosmétiques, l'a bien compris. Le groupe, aux 72 600 collaborateurs avec un chiffre d'affaires de 22,5 milliards en 2012, a procédé récemment, en effet, à la réorganisation de ses activités au profit de la Picardie.
L'OREAL a pour ambition de faire du nord de la France (le département Nord et la région Picardie) son pôle d'excellence industrielle et logistique. Pour ce faire, il a commencé par transférer les activités industrielles de ses sites d'Espagne (Albesa) et de Monaco vers les établissements de Caudry (dans le Nord, tout près de la "frontière" avec l'Aisne), Lassigny (Oise) et Gauchy dans l'Aisne à proximité de Saint-Quentin.
Le groupe vient également de mettre en service une gigantesque plateforme logistique internationale de 40 000 m2 à Roye, dans la Somme, pour desservir le monde entier.
L'autre étape a consisté à repositionner la production de ses sites français sur des domaines bien spécialisés : Sicos à Caudry s'occupera uniquement des émulsions (soins antirides, crèmes solaires, mascara, etc.), Beauté recherche & industries (intégré au groupe après le rachat d'Yves Saint Laurent beauté en 2008, 500 salariés aujourd'hui) à Lassigny se verra confier la fabrication et le conditionnement du maquillage anhydre, tandis que Fapagau demeure orienté exclusivement dans la fabrication des parfums.
Le territoire de l'Aisne a connu assez tôt une prédilection pour la chimie et la parachimie. Le célèbre chimiste français Louis Joseph Gay-Lussac s'était rendu à Chauny au XVIIIe siècle pour y ériger un atelier de production d'acide sulfurique.
L'histoire de Fapagau – la contraction de "FAbrique de PArfum de GAUchy" – est bien plus récente. La construction de l'usine date de 1985. Son inauguration a eu lieu en 1986 en présence de Liliane Bettencourt et du maire de la ville, Serge Monfourny. Il faut dire que ce dernier s'était battu - sa commune étant en concurrence avec Orléans - durant 6 années pour attirer le géant du luxe.
Aujourd'hui, fort de ses 210 salariés - tous en CDI, rémunérés en moyenne 1,5 SMIC avec 3 à 4 mois d'intéressement - et de ses 15 500 m2 de superficie, l'établissement produit les plus prestigieuses griffes du groupe dont Armani (Si dont l'actrice Cate Blanchett a fait la promotion), Lancôme (La vie est belle), Diesel (Only the brave) mais aussi Yves Saint Laurent, Cacharel, Guy Laroche, Paloma Picasso, Maison Martin Margiela, Victor&Rolf, etc. Au total, plus 60 millions d'unités sortent chaque année des ateliers de l'usine qui compte 550 produits référencés. Des pièces dont certaines sont conçues et conditionnées minutieusement, à la main, une trace de doigt n'est même pas tolérée sur de tels produits de luxe ! Elles sont toutes expédiées depuis la centrale logistique de Roye.
L'établissement qui pèse 26 % des ventes de la division luxe de L'OREAL se veut un modèle pour le tissu productif local. Il arbore pour ce faire les certifications ISO 9001, ISO 14000 et OHSAS 18000 (qualité, management environnemental et hygiène et sécurité au travail). Et puisque dans le luxe, la priorité est donnée à la précaution et à la réactivité pour faire face aux pics de demande, Fapagau dispose de 23 lignes de production totalement automatisées et pilotées par ordinateur. Les précieux robots et machines outils sont élaborés dans des PME locales comme Secad (Saint-Quentin) et Sacmo (Holnon). La ville de Saint-Quentin s'appuie justement sur cet exemple de synergie industrielle pour convaincre d'autres entreprises de suivre l'exemple et de contribuer ainsi à la création d'une véritable filière "robonumérique" locale. En outre, une part importante des flacons pour les parfums les plus prestigieux est réalisée par le verrier Pochet basé à Gamaches dans la Somme. Enfin, de l'alcool de betterave produit localement est utilisé pour la confection de certains parfums.
Consciente de sa responsabilité sociale et environnementale, l'entreprise forme aussi de nombreux apprentis et intègre progressivement sur sa ligne de conditionnement un travailleur à mobilité réduite. Des efforts en matière de récupération des eaux de pluie sont également entrepris tandis que le site internet de L'OREAL mentionne que l'objectif de Fapagau de réduire de 50% ses émissions de CO2 a été atteint en 2012 !
La réussite de cette pépite industrielle gasiaquoise qui a encore investi 4,5 millions en 2013 prouve que l'industrie peut non seulement subsister, mais aussi se développer dans un territoire en difficultés comme l'Aisne.