La Résistance en Picardie

28 août 1984
06m 04s
Réf. 00410

Notice

Résumé :

Évocation de la Résistance en Picardie. A Corbie, le canal faisait frontière entre la zone occupée et la zone interdite. Julia Lamps évoque comment en tant que membre du PCF puis des FTP, elle a servi d'agent de liaison. De nombreuses femmes ont participé certaines ont été prises et exécutées. Dans les fossés de la citadelle d'Amiens plusieurs exécutions se sont succédées à partir de 1940. René Lamps évoque l'exécution du groupe Michel le 2 août 1943.

Date de diffusion :
28 août 1984
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Éclairage

La Libération du département de la Somme eut lieu du 28 août au 3 septembre 1944. En 1984, dans le cadre des commémorations du 40e anniversaire, prévues pour l'été, le couple Lamps, qui joua un rôle de premier plan dans la Résistance départementale, témoigne. A cette date, le communiste René Lamps, homme d'appareil né dans la Résistance, vient d'être réélu maire d'Amiens pour un troisième mandat.

Instituteur né en 1915, il débute sa carrière en 1934 à Corbie, où il s'ouvre à la vie politique, dans un milieu favorable aux idées de gauche, et adhère au Syndicat national des instituteurs (SNI). C'est Julia Lemaire, dont il fait alors la connaissance et qu'il épouse le 17 juillet 1942, qui l'amène à s'engager. Née en 1921, elle est la fille de Léon Lemaire, figure pionnière du Parti communiste dans la Somme, élu maire de Corbie en 1935 et conseiller général en 1937. En 1936, la jeune Julia adhère au PCF, bientôt dissout et interdit par le gouvernement de la IIIe République suite à la signature du pacte de non-agression germano-soviétique.

Dès 1940, une poignée d'hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l'occupation, de la mise en place du régime de Vichy et du morcellement du département de la Somme, devenu un "nouvel espace frontière". Le Nord-Pas-de-Calais avait été séparé du territoire français et rattaché au commandement militaire allemand de Bruxelles. L'occupant procéda aussi au morcellement du département de la Somme, le sud se trouvant en zone occupée mais sous autorité française, et le nord, ainsi que le littoral faisant face aux côtes anglaises, en zone interdite, une ligne de démarcation suivant le cours de la rivière Somme.

Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures sont opérationnelles à l'automne 1940. En 1941, l'Organisation spéciale (OS), conçue pour assurer les actions, et un "Front national de lutte pour l'indépendance de la France" sont formés afin de diriger la lutte contre l'occupant. En 1942, la fusion de tous les groupes armés communistes permet la formation des Francs-tireurs et Partisans (FTP), présentés comme la branche armée du FN. Julia Lemaire participe ainsi aux liaisons entre militants. Si une grande part des combattants de l'ombre sont issus des rangs communistes, d'autres mouvements sont actifs : Libération-nord, l'Organisation civile et militaire (OCM), Jeune France, Résistance en Picardie, Charles-de-Gaulle, Noyautage des administrations publiques (NAP)...etc.

René Lamps entre en résistance en même temps qu'au PC clandestin au printemps 1943 et y occupe très vite des responsabilités, notamment pour pallier au vide laissé par les arrestations, qui frappent aussi Libération-nord entre l'été 1943 et le printemps 1944 : Léon Gontier, Jean Biondi, député-maire socialiste de Creil, Gaston Moutardier, Cyrille Werbrouck...etc. Ces deux derniers sont fusillés dans les fossés de la citadelle d'Amiens, devenus un des lieux de mémoire de la Résistance locale. Secrétaire départemental adjoint du PC clandestin, puis adjoint au commandant des FTP de la Somme André Loisy-Jarnier (futur chef départemental des FFI), René Lamps représente le PC au comité départemental de Libération (CDL) dès sa création en mars 1944. Julia Lamps y siège également, représentant l'Union des femmes françaises (UFF), branche féminine du PC. A la Libération, René Lamps est nommé secrétaire régional puis départemental du parti, fonction qu'il assure jusqu'en 1949 et de 1953 à 1956. Il est aussi élu membre suppléant (1945-1947) puis titulaire (1947-1950) du Comité central du PCF. Parallèlement, René Lamps entame une longue carrière d'élu. Il est député de 1945 à 1958 puis de 1962 à 1978 (Maxime Gremetz lui succédant alors à l'Assemblée nationale), conseiller général de 1959 à 1976 et maire d'Amiens de 1971 à 1989, sa liste étant battue par celle du centriste Gilles de Robien.

Julien Cahon

Transcription

Catherine Matausch
En ce moment, un peu partout à travers la France est fêté le 40ème anniversaire du Débarquement et de la Libération. Les manifestations sont nombreuses. Pierre-Yves, vous avez arrêté votre choix sur la capitale régionale ?
Pierre-Yves Morvan
Tout à fait. Finalement, en France, les Résistants étaient peu nombreux et leurs actions multiples n’en sont que plus remarquables. En Picardie, ils étaient quelques milliers d’origine diverse. Les FTP, les plus nombreux, d’origine communiste mais dans les rangs desquels figuraient également des non communistes, les gens de l’OCM, l’Organisation Civile et Militaire, des anciens des amicales régimentaires, l’ORA, l’Organisation Résistante Armée et les Gaullistes, bien sûr. De multiples actions, donc, de ces Résistants pendant la guerre. Des actions qui vont aller en croissant avec le temps. Bien sûr, la France ne se serait pas libérée du seul fait de la Résistance mais la Résistance, d’abord, a sauvé l’honneur national, et puis pratiquement, elle a aidé les alliés après le Débarquement en désorganisant les armées allemandes. Et puis, la Résistance des armées des Français libres ont permis à la France et au général De Gaulle, à la fin des hostilités, ont permis à la France de tenir sa place dans le concert des nations interalliées. Alors on célèbre un peu partout, effectivement, ce 40ème anniversaire. Il fallait choisir. Nous avons choisi Amiens pour évoquer cette période.
(Bruit)
Hubert Tilloy
Les Résistants, une goutte d’eau de par leur nombre dans la marée des alliés qui forcèrent les nazis à la capitulation. Ici, à Corbie, ce canal en 1940, les Allemands en avaient fait une frontière entre la zone occupée au sud et ce qui était la zone interdite au nord.
(Silence)
Hubert Tilloy
Dès le mois de septembre 1940, Julia Lamps, qui avait alors 19 ans, va franchir souvent ce canal pour faire passer en zone interdite ses camarades en leur apportant de faux papiers. Les sentinelles nazies, imbues de leur victoire, n’imaginaient pas alors que cette jeune fille souriante remplissait déjà, après quelques mois d’occupation, un rôle de militante. Dès 1940, en effet, le parti communiste était non seulement dans l’illégalité mais déjà dans l’action.
(Bruit)
Julia Lamps
Nous avions donc reconstitué clandestinement le parti communiste. Et tout naturellement, lorsque nous avions pu reprendre le contact avec des militants du parti communiste en septembre 1940, nous avons commencé la lutte contre l’Occupation et aussi contre le gouvernement de Vichy. Les camarades membres de la direction nationale du parti nous avaient demandé de bien vouloir servir d’intermédiaires entre la partie occupée de la France et la zone interdite ainsi qu’avec les organisations belges et hollandaises des partis communistes. C’est donc tout naturellement que j’ai servi d’intermédiaire pour faire passer la ligne de démarcation qui se trouvait sur ce canal et à l’aide de fausses cartes d’identité. Dans le courant de la guerre, ensuite, j’ai été agent de liaison des francs-tireurs et partisans français qui avaient pu s’organiser en groupe de résistance active. Et en 1943, j’ai été secrétaire de l’Union des Femmes Françaises jusqu'à la fin des hostilités.
(Musique)
Hubert Tilloy
Le rôle des femmes fut considérable dans la Résistance. Exemple : Renée Cossin, communiste amiénoise, torturée, déportée. Elle meurt à Auschwitz. Il n’y eut pas que les communistes. Madeleine Michelis, chrétienne, dans la clandestinité de puis le début, arrêtée à Amiens, torturée à Paris où elle est assassinée. Et tant d’autres par dizaines en Picardie.
(Musique)
Hubert Tilloy
Les faux-faits de la citadelle d’Amiens. Dès 1940, le 12 novembre, deux jeunes gens, Emile Masson et Lucien Brusc y sont fusillés pour cause de sabotage. 1940 encore, le 30 décembre, le gendarme Garrin y est lui aussi fusillé. Son crime ? Avoir tenu des propos gaullistes. Jusqu'en 44, nombreuses y furent les exécutions. Le 6 juillet 44, deux fonctionnaires des PTT, résistants, Gaston Moutardier et Cyrille Werbrouck. Des exemples parmi tant d’autres. Et ici encore, les 11 patriotes du groupe Michel exécutés le 2 août 43. Ils n’étaient pas tous communistes.
René Lamps
Nous étions en 43. Et en 43, il y avait eu une action très importante de la police et des Allemands pour donner des coups à la Résistance. Il est vrai que 1943 a été une année très lourde pour les Résistants de toutes obédiences. Mais ici, par conséquent, les Résistants étaient arrêtés les uns et les autres par la police française.
Hubert Tilloy
L’exécution de ce groupe a atteint le moral, à l’époque, de la résistance ?
René Lamps
Atteint le moral ? C’est difficile à dire. Effectivement, quand des camarades tombaient, chacun le ressentait. Mais après leur mort, l’action s’est intensifiée parce qu’à partir de ces actions, à partir, surtout, de l’exécution des 11 patriotes, un grand nombre de jeunes sont venus rejoindre la Résistance par réaction.
Hubert Tilloy
Il n’est pas sûr que ces clichés effectués par un officier allemand aient été pris à Amiens. Mais c’est à Amiens que les photos ont été développées, à l’époque, chez Caron qui prit le risque d’en faire une copie. Un document qui témoignait de la guerre des partisans.
(Bruit)