Les 60 ans des bombardements d'Amiens
Notice
Les 27 et 28 mai 1944, les Américains bombardent Amiens pour préparer le débarquement. Trois bombardements, font 204 morts, 250 blessés et plus de 4000 maisons détruites. Jean-Pierre Ducellier, historien explique l'intérêt qu'il y avait de détruire le nœud ferroviaire d'Amiens avant le débarquement. L'essentiel des victimes ont été enterrées au cimetière de La Madeleine. Raymonde Gilmann, présidente des amis du cimetière, a perdu son père, cheminot, lors du bombardement, elle avait alors 9 ans.
Éclairage
Le reportage a été diffusé le 27 mai 2004, à l'occasion du 60e anniversaire des bombardements de la Pentecôte 1944 à Amiens, qui ont provoqué la mort de 204 habitants, 250 étant blessés et 4000 maisons détruites. L'historien Jean-Pierre Ducellier, auteur d'une vingtaine d'ouvrages sur La guerre aérienne dans le Nord de la France en 1944, publiés aux éditions Paillart à Abbeville, explique les raisons de ce bombardement, à l'approche du débarquement du 6 juin 1944 et compte tenu de l'importance du nœud ferroviaire d'Amiens.
Ce bombardement n'est pas le premier que subit Amiens au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le reportage fait également allusion aux bombardements allemands et anglais.
En effet, en mai 1940, après neuf mois de "drôle de guerre", les Samariens ont été brutalement confrontés à la violence de guerre et sont devenus les cibles de l'aviation ennemie. Dès le 10 mai, Abbeville et Doullens sont atteints par les bombes, de même que la fabrique d'avions Potez à Méaulte, près d'Albert. Péronne est bombardé le 17 mai. Le 18 mai, à 15 heures, Amiens subit son premier bombardement, qui vise des points de communication stratégiques, en particulier la gare Saint-Roch. Selon le témoignage d'un habitant, recueilli en 2002, "les Amiénois sont là, dehors, hébétés, ne comprenant pas ce qui arrive"(1) . Le 19 mai, une seconde vague de bombardements vise la ville. Les habitants du centre qui avaient fui la nuit précédente et étaient revenus dans la matinée quittent de nouveau leur maison dans la précipitation. " Je jugeai plus prudent de quitter ma maison et nous allâmes ma famille et moi passer une nuit dans une cabane de bois au milieu des jardins vers la route d'Allonville, d'où nous entendîmes toute la nuit la sinistre chanson des moteurs d'avion sillonnant le ciel" écrit dans son journal Taminaux, chef d'îlot dans le quartier Saint-Pierre : il avait au préalable constaté "les formidables dégâts accumulés en si peu de temps par les bombes d'avions : les façades des cafés faisant face à l'entrée de la gare étaient littéralement rentrées à l'intérieur des bâtiments [...] et au milieu de ce chaos des cadavres, toujours des cadavres, partout la même vision"(2) . C'est dans la journée du 19 mai et surtout dans la nuit du 19 au 20 mai que nombre d'Amiénois décident de quitter leur refuge provisoire et de partir. "Les avions ennemis reviennent nombreux, on en compte une soixantaine. Des bombes tombent un peu partout, et c'est précisément l'instant où un grand nombre de personnes, renonçant à rester dans Amiens, quittent leur refuge et s'en vont" (3). Le préfet Pelletier peut, après l'armistice, estimer que le département de la Somme "qui compte près de 25 000 immeubles totalement détruits est le plus sinistré de France"(4) . Si des faubourgs ont été épargnés, le centre ville d'Amiens est, hormis la cathédrale, largement détruit, en particulier la zone proche de l'Hôtel de Ville et du Beffroi.
Le 18 février 1944, la ville est le théâtre de l'une des actions de commando les plus célèbres de la seconde guerre mondiale, " l'opération Jéricho ", dont les objectifs restent discutés. 18 Mosquito FB Mk VI du Wing 140 de la Royal Air Force couverts par 4 Hawker Typhoons Squadron 198 conduits par le pilote belge R. Lallemand bombardent la prison d'Amiens. Les projectiles provoquent l'écroulement d'une partie du mur d'enceinte et les dégâts alentour sont considérables. En dehors de la prison, on compte 46 maisons endommagées dont 3 détruites, essentiellement route d'Albert, ainsi qu'une aile de l'hospice Saint-Victor. Il y aurait eu par ailleurs une centaine de victimes.
Les bombardements américains du 27 mai 1944 font donc suite aux bombardements allemand et anglais. Les victimes sont inhumées au cimetière de la Madeleine, filmé à la fin du reportage. " Un cimetière d'une incroyable beauté", dit Raymonde Gillmann, présidente des amis du cimetière, dont le père a été tué lors des bombardements de la Pentecôte. Ce cimetière avait été aménagé en 1817-1818 par l'architecte François Auguste Cheussey et le jardinier Fontaine qui aménagent le site vallonné en un parc à l'anglaise. Avenues boisées, sentiers, plaines engazonnées y offrent des points de vue remarquables sur des tombeaux de personnalités amiénoises, comme celui de Jules Verne, dû à Albert Roze.
(1)Témoignage de M. Mille recueilli le 4 mars 2002, cité par Hélène Delande, Communauté urbaine et violence de guerre, mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine sous la direction de Philippe Nivet, Université de Picardie, 2002, 187 p., p. 43.
(2) Archives départementales de la Somme, 22 J 6.
(3) Pierre Vasselle, La Tragédie d'Amiens, Amiens, Librairie Léveillard, 1952, p. 130.
(4) Archives départementales de la Somme, 26 W 109.