La fondation Georges Cziffra

16 novembre 2004
05m 41s
Réf. 00715

Notice

Résumé :

En 1973, le pianiste hongrois d'origine Georges Cziffra (décédé en 1994) rachète et se lance dans la rénovation de la chapelle Saint Frambourg de Senlis. Retour sur cette aventure et sur les actions de la fondation Cziffra qui permettait à de jeunes musiciens de se faire connaître grâce aux concerts et festivals.

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Date de diffusion :
16 novembre 2004
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Éclairage

Né György Cziffra à Budapest en 1921, d'un père musicien à Paris mais retenu prisonnier dans la capitale française pendant la première guerre mondiale (la Hongrie faisant partie avec l'Autriche de la coalition ennemie) jusqu'à son retour à Budapest en 1921, Georges Cziffra, devenu lui-même Français en 1968, aura connu une carrière aussi tourmentée que l'histoire de l'Europe au XXe siècle. Jeune pianiste prodige de 5 ans obligé de se produire dans un cirque itinérant puis élève de l'Académie Franz Liszt à 9 ans le jeune homme commence une carrière de concertiste à 16 ans, qui le conduit à travers l'Europe. Rattrapé par le deuxième conflit mondial il est enrôlé dans l'armée qui combat sur le front de l'Est sous commandement Nazi mais déserte son régiment de tanks à Noël 1943 pour tomber prisonnier d'Ukrainiens pro-soviétiques. Démobilisé en 1946, opposant au régime communiste qui s'est mis en place en Hongrie place, il est de nouveau fait prisonnier et condamné aux travaux forcés de 1950-1953. Les travaux manuels lourds auxquels il est commis (port de pierres etc) lui abîment les mains. Il devra en conséquence passer par une très longue et douloureuse épreuve, conservant de cette époque un bracelet de cuir au poignet droit. Libéré et réhabilité dans sa qualité d'artiste concertiste, il prend part à l'insurrection de 1956, apportant sa contribution par une interprétation enthousiasmante du Deuxième concerto de Bela Bartok. Puis il s'échappe avec sa famille à Vienne où il demande l'asile politique. Il atterrira à Paris où il crée en 1966 le festival de La Chaise Dieu (Auvergne) avant de se voir confier par André Malraux la réfection de la Chapelle royale Saint Frambourg, à Senlis. En quatre ans, il transforme ce monument devenu un garage à voitures, en un splendide auditorium pour la musique et fonde la fondation Cziffra. Cette dernière, forte de 3000 adhérents, organise des concerts prestigieux mais aussi des concours assurant la découverte et la promotion de jeunes artistes que Cziffra accueille sur ses propres enregistrements. La chapelle, décorée par le peintre catalan Joan Miro, perdra une grande partie de son rayonnement à la mort du flamboyant pianiste en 1994. Le parcours exceptionnel de Cziffra (raconté par lui dans Des canons et des fleurs, Robert Laffont en 1977) sa générosité d'artiste formé par la souffrance mais aussi et surtout son talent, son immense virtuosité de pianiste spécialiste de Listz et de Chopin, doté d'une main gauche et d'un main droite aussi fermes et véloces l'une que l'autre, ont marqué durablement l'espace musical national et donné à la ville de Senlis un prestige difficile à égaler pour les générations actuelles.

Jacques Darras

Transcription

Sylvain Rouil
Musicien généreux, Georges Cziffra a découvert notre région en 1973. A cette date, le pianiste virtuose entreprend de restaurer une vieille chapelle à Senlis pour en faire un lieu de concert. Il y accueille de jeunes artistes dans le cadre de sa fondation et les aide à se faire un nom. A l’occasion du 30ème anniversaire de la fondation Cziffra et du 10ème anniversaire de sa mort, ses anciens élèves ont organisé un concert en son honneur. Marie Kro et Hervé Lejeune.
(Musique)
Hervé Lejeune
Il fut, sans conteste, l’un des plus grands pianistes du XXe siècle. Mort il y a tout juste 10 ans, Georges Cziffra est aujourd'hui le père d’une génération entière de musiciens, de jeunes virtuoses portés sur les fonds baptismaux en cette chapelle de Saint-Frambourg et que Cziffra a contribué à faire connaître. Gérard Fallour est l’un de ces fils prodiges. Il avait à peine 30 ans lorsque le maître l’a invité à Senlis pour passer une audition.
(Musique)
Gérard Fallour
J’avais l’impression d’avoir horriblement joué parce qu’évidemment, j’étais très impressionné par le lieu et par la personne qui m’écoutait. Et il a été très chaleureux et d’une gentillesse merveilleuse comme il était. Et puis, il m’a dit : « Je vous aiderai ».
Hervé Lejeune
Et Cziffra n’a qu’une parole. Quelques mois plus tard, le jeune Gérard Fallour est contacté par un agent. C’est le début d’une longue carrière nationale et internationale.
(Musique)
Hervé Lejeune
Ils sont ainsi des dizaines à avoir grandi dans l’ombre du maître. Pour qu’ils puissent se faire un nom, Cziffra leur a prêté le sien.
(Musique)
Yves Henry
Les première choses qu’aie fait Georges Cziffra pour aider les jeunes, c’est des choses qui sont extraordinaires comme par exemple donner la seconde phase d’un disque à lui, la donner à un jeune. Il faisait la même chose aussi dans ses concerts : il donnait une partie de concert et puis il offrait l’autre partie à un jeune. Parce qu’il disait : « Moi, quand je joue, il y a 1000 personnes qui vont venir. Et il faut que ces 1000 personnes puissent entendre ce jeune artiste ».
Hervé Lejeune
Cette obsession d’aider ainsi les jeunes talents trouve sa source en Hongrie, pays de son enfance et de ses désillusions. En 1926, Georges Cziffra n’a que 5 ans et présente déjà d’incroyables dispositions pour le piano. Après des débuts dans un cirque ambulant, il entre à l’académie Franz-Liszt de Budapest, mais son talent est tué dans l’oeuf, bridé par un régime communiste qu’il finira par fuir.
(Musique)
Hervé Lejeune
Réfugié en France, il se met en quête d’un lieu où pourraient se produire les jeunes musiciens qu’il souhaite parrainer. Un illustre personnage lui parle alors d’une chapelle à Senlis.
Yves Henry
André Malraux, voyant ce qu’il avait fait à la Chaise-Dieu, a dit : « Je connais une chapelle à côté de Senlis. Puisque vous cherchez quelque chose, c’est un endroit qu’il faudrait… qui aurait besoin de vous ». Il est venu voir. Et c’était un garage à l’époque. Et il a dit : « Mais je trouve ça formidable. On va le faire ».
Hervé Lejeune
En 1973, lorsque le couple Cziffra acquiert la chapelle Saint-Frambourg, l’huile de vidange a remplacé depuis longtemps l’huile sainte des offices. Des travaux titanesques sont entrepris. Cinq ans plus tard, l’auditorium Franz-Liszt est inauguré.
Journaliste
Les ressources viennent d’où ?
Georges Cziffra
Les ressources viennent d’ici, de mes mains. Je ne suis ni milliardaire ni riche héritier.
Hervé Lejeune
Des mains en or, celles-là même qui ont résisté 3 années durant aux travaux forcés dans les camps de travail staliniens, lui permettent de financer son projet. Rapidement, Senlis devient un refuge et un lieu d’apprentissage pour les jeunes talents.
Georges Cziffra
Respecte bien les petites césures juste avant [inaudible] enfin, après l’introduction. Passe encore l'introduction, Allez, hop !
(Musique)
Guy Leperon
Fidèle aux concerts ! Vous n’en ratez pas.
Hervé Lejeune
Aujourd'hui encore, la chapelle de Saint-Frambourg est une couveuse pour jeunes musiciens. Les membres de la fondation veillent à ce que cette vocation perdure. Je crois que le maître lui-même ne manquait jamais un seul concert ?
Guy Leperon
Jamais, jamais. Sa place était là, à l’avant-dernier rang. Toujours dans le coin, toujours à admirer tous ces jeunes qui venaient, chaque dimanche pendant toute la saison. Puisque le but de la fondation, ça a été quoi ? Ça a été d’aider les jeunes, les jeunes de tous les coins de France qu’on nous présentait. Et chaque année, il auditionnait. Il y avait une audition qui durait une journée ou deux jours en fonction du nombre de candidats. Et on en sélectionnait… il sélectionnait une quinzaine, une vingtaine.
Hervé Lejeune
A la fin, il n’en restait qu’un. Le vainqueur de la fondation Cziffra se voyait ouvrir les portes de festival et de salles de concert. C’est ce dont a bénéficié le jeune violoniste Vadim Tchijik, l’un des derniers lauréats de ce concours pas comme les autres.
Michèle Peretti
Certaines fondations donnent des bourses. Chez nous, pas de bourse. Maître Cziffra disait toujours : « Une bourse, c’est une aide ponctuelle. On aide un jeune artiste pendant une année avec une bourse et après, c’est terminé. Nous, nous ce que nous essayons de faire, c’est de les aider sur plusieurs années jusqu'à ce qu’ils se soient faits un nom ».
(Musique)
Hervé Lejeune
10 ans après la mort de Cziffra, ceux qui lui doivent tant font raisonner la danse slave de Dvorak en son honneur, dans cette chapelle qui fut le berceau de la France. Un symbole que n’aurait pas renié Georges Cziffra, lui qui fut le plus Français des Hongrois.
(Musique)