Portrait d'Antoine Pinay

13 décembre 1994
03m 55s
Réf. 00212

Notice

Résumé :

Portrait d'Antoine Pinay, industriel de Saint-Chamond, qui entra en politique comme maire de cette ville, devint député, ministre puis président du Conseil. En 1958, alors ministre des Finances il se voit confier la tâche du passage au nouveau franc.

Date de diffusion :
13 décembre 1994
Source :
Antenne 2 (Collection: MIDI 2 )
Personnalité(s) :
Thèmes :

Éclairage

Au JT de 13H du 13 décembre 1994, le journaliste Daniel Bilalian présente à l'occasion de la mort d'Antoine Pinay, une rétrospective sur le parcours de « l'homme au chapeau », symbole du français moyen, industriel et maire de Saint-Chamond dans la Loire pendant plusieurs décennies.

Né à Saint-Symphorien-sur-Coise dans le Rhône dans une famille de chapeliers, Antoine Pinay fait ses études chez les religieux, au collège mariste de Saint-Chamond. Après la Grande Guerre, au cours de laquelle il est blessé, il dirige la tannerie de son beau-père. Il est élu maire de Saint-Chamond en 1929 - mandat qu'il conserve jusqu'en 1977, conseiller général en 1934, député de la Loire en 1936, sénateur de 1938 à 1940. Le 10 juillet 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, et appartient au Conseil national en 1941. C'est pour cette raison qu'à la Libération il est écarté de ses fonctions municipales entre 1944 et 1947. Il retrouve son siège de député de 1946 à 1958 et préside le Centre national des indépendants et paysans. Après avoir occupé plusieurs ministères (Affaires économiques, des Travaux publics, Transports et Tourisme), il est président du Conseil (1953-1953) : en 1952, il lance un premier emprunt (1952-1958), garanti sur le cours de l'or et dispensé des droits de succession et de donation, qui est un succès. Faisant partie de la cohorte des ministres « non gaullistes », il devient ministre des Finances du général de Gaulle (de juin 1958 à janvier 1960). Antoine Pinay, s'était rendu à Colombey-les-Deux-Églises en mai 1958. Il voyait en de Gaulle un arbitre, seul capable d'éviter une guerre civile et s'est rallié alors à son investiture comme président du Conseil. Devenu président de la République, de Gaulle compte sur la popularité de l'homme au chapeau rond auprès des petits épargnants pour faire passer des mesures impopulaires prises dans le cadre du redressement économique. Nommé pour rétablir la confiance, Antoine Pinay, lance en 1959 un deuxième emprunt, exonéré des droits de mutation et indexé sur l'or qui rencontre un succès encore plus grand que celui de 1952. L'objectif du général de Gaulle, était, au-delà de la restauration nécessaire des finances publiques, de conforter l'influence de la France et de lui redonner, pour cela, une économie saine et forte : il place auprès de Pinay un comité d'experts animé par le libéral Jacques Rueff. L'assainissement des finances publiques exige une dévaluation réussie qui permette d'aborder dans les meilleures conditions l'ouverture des frontières prévue par le Marché commun. Le franc est dévalué de 17,55 %. De Gaulle, qui sait que la monnaie relève aussi de la psychologie, entend couronner l'opération de redressement du pays par la création « d'une nouvelle unité monétaire », le « nouveau franc» ou « franc lourd », qui vaudra exactement 100 anciens francs. Les résultats, rapides, sont attribués en grande partie à Antoine Pinay. La balance commerciale devient excédentaire, la France rembourse l'intégralité de sa dette. La démission d'Antoine Pinay, en janvier 1960 s'explique par ses différends avec le Premier ministre Michel Debré. Convoqué par de Gaulle le 11 janvier 1960 après des interventions jugées inopportunes sur la politique étrangère, Pinay démissionne le jour-même.

L'émission n'évoque pas les raisons pour lesquelles Antoine Pinay ne s'est pas présenté aux élections présidentielles de 1965 et de 1969 comme certains représentants de la droite le lui demandaient : sa biographe, Sylvie Guillaume qui a publié en 1984 Antoine Pinay ou la confiance en politique, a recueilli les confidences de l'un des collaborateurs d'Antoine Pinay : « Il m'a expliqué que les gaullistes avaient menacé de sortir des dossiers impliquant Pinay dans des ballets roses. » L'ancien président du Conseil était effectivement réputé pour aimer les très jeunes femmes. L'émission n'évoque pas non plus l'action du président du Conseil général de la Loire, à la tête du conseil d'administration de la Maison maternelle de Saint-Étienne, institution qui recueillait les « filles-mères » (mères célibataires) et les femmes désirant accoucher dans des conditions de discrétion.

Jusqu'à sa mort, celui que l'on surnomme le « sage de Saint-Chamond » sera régulièrement consulté par de nombreux hommes politiques qui font appel à son bon sens et à son expérience. Il joue le rôle de conseiller, celui d'un « notable de province conservateur ».

Michelle Zancarini

Transcription

Présentateur
Au départ Monsieur Antoine Pinay ne s’était pas directement dirigé vers la politique. Loin de là, c’est n’est que vers la quarantaine qu’il devient le Maire de Saint-Chamond où il dirige une petite entreprise de tannerie. Sa vie, Jérôme Cathala.
Journaliste
Sa légende, c’était un celle d’un Français moyen, d’un monsieur tout le monde entré presque par hasard en politique. Car à priori Antoine Pinay né en 1891 était plutôt destiné à rester un petit industriel dirigeant d’une tannerie installé à Saint-Chamond. C’est d’ailleurs à partir de cette de petite ville de la Loire que va se construire sa carrière politique. Maire en 1929 puis conseiller général, député. En 1940, le sénateur Pinay vote les pleins pouvoirs à Pétain. D’abord sanctionné à la Libération, il sera réhabilité et retrouvera sans difficulté son siège de député en 1946. Mais jusque-là Antoine Pinay n’est encore qu’un parlementaire parmi d’autres. La quatrième République va peu à peu le sortir de l’ombre en lui offrant d’abord quelques portefeuilles éphémères. Puis en mars 52, de subtils dosages politiques amènent le Président Auriol à le désigner pour former un ministère de Centre Droit, le Gouvernement Pinay obtient l’investiture, c’est une surprise. Président du Conseil pour la première fois, Monsieur Pinay est investi grâce à la scission des votes RPF dont l’ensemble était prévu contre. Autre surprise, le personnage Pinay fait immédiatement mouche auprès de l’opinion publique, d’autant que le nouveau président du Conseil qui a 62 ans et plus de 20 ans de vie publique derrière lui apparaît comme un homme neuf.
Antoine Pinay
Moi, je n’ai jamais fait ce qu’on appelle de politique politicienne, je n’ai jamais fait de réunion en public, je n’ai jamais assisté aux manifestations, aux manifestations publiques. J’ai toujours eu devant moi des problèmes qui intéressaient le pays et je m’en suis occupé sans me préoccuper de ma réélection et de mon avenir politique.
Journaliste
En attendant, le nouveau président du Conseil applique son programme de lutte contre l’inflation. Rigueur budgétaire et fiscale mais surtout lancement d’un emprunt indexé sur l’or. Avec au total un bilan mitigé sur le plan économique mais une cote de confiance au plus haut quand il démissionnera, l’expérience Pinay aura duré 9 mois. Paradoxe de cette période, Antoine Pinay est aussi populaire qu’un de Gaulle, en pleine traversée du désert, et bien plus qu’un Mendès France, qui attend encore son heure. 1958, avec le retour au pouvoir du général de Gaulle, Antoine Pinay conquiert un poste de premier plan. Ministre des Finances en compagnie d’un jeune secrétaire d’Etat nommé Valéry Giscard d’Estaing. A son actif, principalement la création du nouveau franc, le franc lourd.
Antoine Pinay
Un jour en sortant du métro, je prends mes journaux au kiosque à journaux qui était à côté de la station. Et il y avait là une petite fille qui devait avoir 6 ans, 7 ans qui achetait Babar et Tintin. Pour acheter Babar et Tintin, elle a sorti un billet de 10 000 francs. C’est après ça au conseil des ministres qui a suivi, que prenant ce prétexte-là j’ai sorti ce, cette idée de faire le nouveau franc parce que j’ai dit, tout le monde se croit milliardaire.
Journaliste
Mais en 1960 en désaccord avec de Gaulle, Antoine Pinay quitte le gouvernement et les allées du pouvoir pour se retirer dans sa ville Saint-Chamond. Par deux fois, en 1965 et 69, il refusera d’être candidat à l’élection présidentielle malgré la pression de ses amis politiques. Alors pendant 30 ans, Antoine Pinay va tenir le rôle du sage, celui auprès de qui les hommes politiques de tout bord aiment à se faire photographier. Celui à qui l’on demande conseil, celui qui détient la formule permettant de conserver popularité et confiance. C’est à dire le label Pinay qui fit d’un notable provincial et conservateur, le symbole d’une certaine conception de la politique.