Joseph Sanguedolce, maire de Saint-Etienne

29 juillet 1982
06m
Réf. 00269

Notice

Résumé :

Ce reportage est consacré au maire communiste de Saint-Etienne. Il évoque son passé, en tant que mineur, ses actes de résistance, son retour de déportation et son action à la mairie de Saint-Etienne.

Date de diffusion :
29 juillet 1982
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Éclairage

Le portrait, quelque peu convenu, que France 3 consacre à Joseph Sanguedolce au cours de son mandat municipal, souligne les origines et les pratiques populaires du maire d'une grande ville de France, puisque le reportage débute par les images d'un cycliste s'entraînant au petit matin sur un circuit de Saint-Étienne, avant de rejoindre à 9H, en costume cravate et rasé de frais, son bureau à la mairie. Tous ses biographes soulignent deux éléments qu'il a lui-même développés dans les interviews : ses origines siciliennes et un travail précoce à la mine à la suite de la mort de son père ; un parcours de militant du syndicat CGT des mineurs en passant par La Résistance, la direction de la CGT de la Loire et le PCF.

Né en Sicile en 1919, il travaille très tôt (à 12 ans, après l'obtention du certificat d'études) à la mine malgré d'excellents résultats à l'école : son salaire était indispensable à la vie de la famille. Il milite très vite au syndicat CGT des mineurs.

Mobilisé en 1940 à 21 ans, il est fait prisonnier et interné dans un Stalag en Allemagne jusqu'en 1941, puis il s'évade. En 1942, il crée un groupe de jeunes résistants des Francs Tireurs Partisans français (FTPF). Il est arrêté par la police française le 21 juin 1943, emprisonné à Lyon puis transféré à la centrale d'Eysses à Villeneuve-sur-Lot où sont rassemblés les détenus politiques (dont de nombreux communistes). Après l'échec le 19 février 1944 du soulèvement du camp, il est livré aux Allemands et déporté au camp de concentration de Dachau (le premier camp ouvert en Allemagne dès 1933) où il travaille dans des ateliers destinés à la fabrication des fusées V1 et V2. Après la libération du camp par l'armée américaine, Joseph Sanguedolce retourne en juin 1945 dans la région stéphanoise et à la mine. Il a raconté son expérience de guerre et de résistance dans un livre publié en 1973 : Résistance. De Saint-Etienne à Dachau.

Très vite, il s'implique dans la direction de la CGT et devient secrétaire de l'union départementale des syndicats, à plein temps, et le restera jusqu'à son élection comme maire de Saint-Étienne en 1977. Il traverse donc toute la période de la Guerre froide marquée en 1947 par la scission syndicale (entre la CGT et FO) et les grandes grèves des mineurs de 1947 et 1948 qui font plusieurs morts dans le bassin stéphanois. À cette date, CGT et PCF sont isolés dans la vie politique française dans leur soutien à l'URSS et leur opposition aux États-Unis. Le reportage met en avant la camaraderie le liant aux syndicalistes CGT, mais reste très discret sur le parti communiste français et son soutien au régime stalinien jusqu'en 1956 au moins.

Bénéficiant de l'accord de 1972 entre le parti socialiste, le parti radical et le parti communiste français, Joseph Sanguedolce devient, aux élections municipales de 1977, maire de Saint-Etienne dans le cadre d'une liste d'union de la gauche. Mais à cette date, la crise économique s'installe : dans le bassin stéphanois elle prend la forme d'une crise de l'emploi avec les difficultés des entreprises de la seconde industrialisation et surtout celles de Manufrance (fabrique d'armes et de cycles et vente par correspondance) dont la ville était devenue actionnaire en 1944 après la mort du fondateur Étienne Mimard et son legs à la municipalité. Joseph Sanguedolce tente de s'opposer à la reprise de Manufrance par Bernard Tapie et encourage la formation d'une coopérative ouvrière (SCOP). Mais malgré un prêt considérable consenti par la Ville, il ne peut éviter la mise en liquidation judiciaire de la célèbre manufacture. Certains Stéphanois ne lui pardonneront pas l'inefficacité des services municipaux face à une tempête de neige qui bloqua totalement la ville pendant trois jours en décembre 1982 et il perdra les élections du printemps 1983 face à François Dubanchet, un notable de droite.

Le reportage le montre - avec des images très posées - dans une réunion d'anciens combattants et résistants qui était une autre de ses préoccupations dans la vie civique : transmettre aux jeunes l'expérience de la seconde Guerre mondiale. Après sa défaite électorale, il s'engagera dans la transmission de cette mémoire en intervenant pour témoigner, dans les établissements scolaires et en soutenant le projet de construction d'un Mémorial de la Résistance et de la Déportation de Saint-Étienne, inauguré en 1999.

Joseph Sanguedolce est mort à Beauzac en Haute-Loire le 15 août 2010.

Michelle Zancarini

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Ça vous arrive souvent Monsieur le Maire de faire un tour de circuit comme ça ?
Joseph Sanguedolce
Oh, ben une ou deux fois par semaine. Le matin avant d’aller au travail à 7 heures, je viens là. Une heure de circuit.
Journaliste
Ça maintient la forme.
Joseph Sanguedolce
Et bien on peut se maintenir jeune puis ça désintoxique de toute la fumée que nous avons dans les réunions, au cours de la journée à la Mairie. On a ici un peu d’oxygène.
Journaliste
Il est en effet assez fréquent de voir Monsieur le Maire tourner sur le circuit cycliste de Méons très tôt le matin. Il conserve toute sa passion pour le cyclisme qu’il pratiquait en compétition dès l’âge de 16 ans. C’était l’époque des Benoît Faure, des Pipoz, des Molinéris, et il faisait bonne figure au milieu de ces grands noms de l’époque. Puis il passe se changer et dès avant 9 heures, il est à la Mairie, face à ses dossiers et à ses rendez-vous.
Joseph Sanguedolce
J’étais l’aîné de 6 enfants. Le père est décédé assez jeune et j’avais quelques dispositions intellectuelles d’après ce que me disait mon instituteur et j’aurais pu poursuivre mes études mais j’ai eu mon certificat d’études à 11 ans et demi mais j’ai dû aller travailler très tôt puisque mon père malade est décédé quelques temps après. Il fallait élever la famille. Et j’ai eu cette grande chance qu’ayant le certificat d’études, j’ai pu être embauché à la mine à Roche-la Molière à 12 ans. Donc certificat d’études, je gagnais 2 ans de travail à la mine.
Journaliste
Chance si l’on veut parce qu’être à la mine à 12 ans, c’était pas tout rose.
Joseph Sanguedolce
Euh, travailler au fond, ensuite au jour, quand je suis rentré, mais nous en parlerons peut-être tout à l’heure, de prisonnier de guerre, ça a été interrompu ensuite par la résistance, euh, la déportation. Je suis retourné à la mine et puis j’ai été élu Secrétaire des mineurs mais le tout confondu font plus de 30 années de mine.
Journaliste
La jeunesse de Joseph Sanguedolce fut comme bien d’autres interrompue par la guerre. Prisonnier, évadé, il fut l’un des grands noms de la résistance dans la Loire.
Joseph Sanguedolce
Oui, la résistance tout d’abord, s’est faite d’une façon tout à fait naturelle. Euh, j’avais été prisonnier de guerre et puis je me suis évadé en 41, je suis rentré en France, je suis retourné travailler à la mine et lorsque j’ai vu ce pays occupé, rationné, les allemands nous pillaient, où il n’y avait plus de liberté, et pour moi, c’était inacceptable et intolérable. J’ai commencé à prendre contact avec mes amis politiques et qui étaient organisés. Puis c’est ainsi que j’ai commencé à organiser les syndicats clandestins et en même temps les FTP.
Journaliste
Fondateur des maquis FTP dans le département, il fut arrêté et déporté, de ses souvenirs vécus, il a fait un livre La résistance de Saint Etienne à Dachau . Et il a gardé de cette époque une très grande camaraderie pour ses compagnons anciens combattants et Maire, il leur donna cette maison.
Joseph Sanguedolce
Ça va, tu as droit là ?
(Bruit)
Journaliste
Alors monsieur le Président mais il y en a pas un de vous qui dit bonjour Monsieur le maire ici.
Intervenant 1
Ben, c’est difficile de Monsieur le Maire notre ami Joseph Sanguedolce, c’est un authentique ancien combattant.
Joseph Sanguedolce
Je suis rentré de déportation, je suis retourné à la mine. J’en ai fait une question de principe. Je suis resté 6 mois, euh pour retrouver une santé, puisque vous le savez, la plupart était morts dans les camps, ceux qui sont rentrés sont rentrés dans un état de santé déplorable, et je suis retourné à la mine avec mes amis, mes camarades et j’ai pris des responsabilités locales, départementales.
Journaliste
Il n’oublie pas non plus qu’il fut pendant plus de 20 ans le Secrétaire de l’Union Départemental CGT, et justement aujourd’hui, il doit se rendre à la Bourse du Travail, ce qui est rare.
Intervenant 2
Je dirai plutôt que ce sont les travailleurs et les délégués qui vont plutôt voir Joseph à la Mairie sur les problèmes qui sont posés aux travailleurs. Disons dans la période présente il y en a beaucoup.
Journaliste
Et vous, ça vous fait quelque chose de vous retrouver dans cette salle, ça a été votre bureau.
Joseph Sanguedolce
Ben, je suis resté dans cette place pendant plus de 30 ans, et ce qui est remarquable dans cette ville, c’est la fidélité des hommes à leur organisation. Ici il y a Benoît Frachon qui était le secrétaire général, qui a été devenu ce que, ce que vous connaissez, ensuite Marcel Thibaud qui est devenu Député, et puis moi, après 30 ans, on me refilait Maire de Saint Etienne. Tu es jeune, peut-être que tu pourrais devenir ministre toi.
Intervenant 2
Oh non, je pense pas.
Journaliste
Vous ne sembliez pas au départ disposé à prendre une telle responsabilité, que de diriger et de gérer une grande ville.
Joseph Sanguedolce
J’étais pratiquement prêt pour assumer une telle responsabilité, non pas que j’aspirais à cette responsabilité, mais je connaissais bien la... c’est la ville de Saint Etienne. Je connaissais son industrie, je connaissais la vie des gens, je connaissais les quartiers, je connaissais ses grands ensembles pour y habiter. Grands ensembles HLM. Et je voyais et les qualités et les défauts. Et à partir de là, lorsque nous avons établi le programme, j’étais prêt pour concevoir à travers les défauts que je vivais avec mes camarades salariés, travailleurs, pour voir ce qui manquait à Saint Etienne, ce qu'il fallait faire pour corriger. Si bien qu’en m’appuyant sur l’acquis historique de cette ville dans tous les domaines, nous avons pensé qu’il y avait autre chose à faire pour compléter, humaniser.
Journaliste
La journée s’achève souvent tard, lorsqu’il y a des manifestations en soirée ou des matchs de ASS. En été, c’est plus détendu. Alors il ne craint pas de se retrouver un moment sur un boulodrome au milieu de ses amis. Et comme il aime à le dire, là comme dans son métier de Maire, il va droit au but.
(Bruit)