Portrait de Charles Hernu

10 décembre 1981
13m 19s
Réf. 00266

Notice

Résumé :

Ce reportage retrace la vie de Charles Hernu, depuis ses débuts dans la Résistance à son poste de ministre de la Défense sous François Mitterrand. Il est maire de Villeurbanne de 1977 à 1990, ville de son enfance à laquelle il est très attaché.

Type de média :
Date de diffusion :
10 décembre 1981
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Thèmes :

Éclairage

Diffusé sur FR3 en décembre 1981, ce long portrait quelque peu hagiographique de Charles Hernu est destiné à rappeler l'implantation villeurbannaise, familiale et politique, du ministre de la Défense (1981-1985) de François Mitterrand, occupation qui l'accapare et qui l'éloigne de sa ville. Cette dernière est très présente à l'image dans de longs panoramiques pris en plongée qui montrent la diversité de la commune entre cheminées d'usines d'autrefois et gratte-ciel visionnaires.

Bien que né à Quimper - « accidentellement » dit le commentaire - le 3 juillet 1923 Charles Hernu insiste sur ses origines villeurbannaises. C'est d'ailleurs à Villeurbanne, cité dont il est toujours maire (et ce depuis 1977), qu'il décède le 17 janvier 1990. Son père était gendarme et membre du Grand Orient de France, traditions que son fils poursuivra. À 20 ans en 1943, Charles Hernu rejoint les Chantiers de jeunesse, puis devient délégué départemental à l'information sociale du gouvernement de Vichy. Emprisonné brièvement à la Libération (voir site de l'Assemblée nationale), il s‘engage alors dans la gendarmerie sous le label FFI, ce qui permet de parler dans ce portrait télévisé de son passé dans la Résistance

Adhérent du parti radical à Lyon, il devient proche de Pierre Mendès France qui l'incite à créer en décembre 1951 le Club des Jacobins. Il est partisan de l'union de la gauche (mais sans le PCF) et du Front républicain (coalition électorale de Jacques Chaban-Delmas à Guy Mollet, en passant par Mendès France et François Mitterrand). À 32 ans, élu député de la Seine, très actif dans l'hémicycle et dans les commissions, il est à l'origine de nombreuses propositions de lois dont plusieurs sur l'armée dont il devient un spécialiste. Il se dresse en vain en 1956 contre la loi Barangé d'aide à l'enseignement privé et énonce ce qui deviendra un mot d'ordre laïque pérenne, « À l'école publique, fonds publics. À l'école privée, fonds privés ». Il condamne en novembre 1956 le soutien du parti communiste français à l'URSS qui écrase l'insurrection hongroise dans le sang. Cependant Charles Hernu juge la France trop soumise aux États-Unis et à l'OTAN. Après le 13 mai 1958 (le coup d'état à Alger), il participe le 28 mai avec, entre autres, Pierre Mendès France et François Mitterrand à la manifestation pour « la défense de la République ». Il refuse de voter l'investiture du général de Gaulle et se prononce en faveur du NON au referendum sur la constitution. Sous la Cinquième République, Charles Hernu participe à la reconstruction de la gauche non communiste et, adhère au parti socialiste en 1971 à Épinay quand les clubs rejoignent le parti rénové sous la houlette de François Mitterrand. Dans le reportage, cette période apparaît en noir et blanc ou en sépia ; on trouve et retrouve la couleur avec l'action de Charles Hernu à la tête de la municipalité de Villeurbanne ou comme ministre de la Défense.

Le reportage débute par le portrait convenu de Charles Hernu, entouré d'une partie de son équipe municipale (dont Jean-Jack Queyranne) et reconnu par un enfant venu d'ailleurs à l'entrée d'un jardin public mis en place par la municipalité. Le jardin sert de cadre à une discussion sur la presse qui se poursuit par un entretien dans le bureau de Charles Hernu avec le drapeau français au premier plan, puis à son domicile personnel où la personnalité discrète de son épouse humanise le personnage. Les priorités du ministre pour sa ville ne sont plus alors la sécurité, secondaire selon lui (à cette date, il a en partie résolu le problème de la cité Olivier de Serres par la démolition progressive de ses barres depuis 1978 et mis en chantier la rénovation du Tonkin), mais l'emploi. La ville, industrielle, est frappée de plein fouet par la crise économique et sociale et les difficultés des chômeurs et de chômeuses sur lesquelles insiste le maire dans son propos, sont réelles.

Enfin on le voit dans ses fonctions de ministre de la Défense, discutant autour d'un verre avec de jeunes appelés. Plus tard, Charles Hernu a été contraint de démissionner de son poste en septembre 1985 après l'affaire du bateau de Greenpeace coulé en Nouvelle-Zélande par une équipe de la DGSE. Charles Hernu a été ensuite réélu député du Rhône en 1986 et 1988. Il est mort en 1990 frappé d'une crise cardiaque en prononçant un discours, à Villeurbanne.

Michelle Zancarini

Transcription

Charles Hernu
Bonjour, ça va ?
Inconnu 1
C’est Charles Hernu.
Charles Hernu
Oui, c’est Charles Hernu, ça va ? Ça va ? Ben, on y va, allez Nathalie.
(Musique)
Journaliste
Oui, c’est Charles Hernu, né en 1923 à Quimper dans le Finistère mais tout à fait par hasard. Quand on regarde attentivement la biographie de Charles Hernu, que retient-on ? Il est venu très tôt à la politique par la Résistance. Il a collaboré par la suite à de nombreux journaux et fonde en 1951 le club des Jacobins. Au départ, c’est un radical socialiste, et c’est en 1971 qu’il devient membre du comité directeur du parti socialiste. 1977, maire de Villeurbanne, 1978, député du Rhône. Mais Villeurbanne, c’est toute son enfance, c’est sa ville, sa région.
Charles Hernu
Je suis arrivé, j’avais 2 ans et demi. Mes parents se sont rencontrés et mariés à Lyon. J’ai vécu ma première école primaire, ma première école maternelle, j’ai fait ma première communion. J’ai habité toujours aux limites de Lyon et Villeurbanne. J’ai habité rue du Dauphiné à Lyon, puis mes parents sont venus habiter Cour Tolstoï, les gratte-ciels. Alors, c’est mon terroir, c’est ma ville.
Journaliste
Vous avez vu grandir Villeurbanne ?
Charles Hernu
J’ai vu se transformer Villeurbanne, et je crois que depuis que je suis maire, la transformation s’accélère. Je crois que Villeurbanne est différente de Lyon. Elle est complémentaire, elle est spécifique, c’est une ville ouvrière, c’est une ville où il y a 35000 ouvriers d’usine. C’est une ville attachante.
Journaliste
Parfois, l’homme est difficile à saisir car il se réfugie dans une prudente réserve. Face à un journaliste, il pèse toujours ses mots tout en donnant l’apparence d’une très grande simplicité. Puis brusquement, il prend position. Sur le rôle de la presse par exemple, il a une opinion bien précise. Et sur ce sujet, il est bon d’entendre par les temps qui courent, l’avis d’un homme politique socialiste d’autant plus que Charles Hernu a été journaliste.
Charles Hernu
Nous sommes dans un pays de liberté, il faut y prendre garde. Quand nous étions et quand j’étais dans l’opposition, il m’est arrivé de critiquer. Aujourd'hui que je suis majoritaire, je comprends très bien, bien sûr qu’on reste dans les limites de la décence, mais je comprends très bien, j’admets très bien le droit de critique. Je crois que ce qu’il faut, c’est expliquer les choses. Vous voyez, le ministre de la défense, pour parler vulgairement, se fait souvent engueuler dans tel ou tel journal.
Journaliste
D’une certaine campagne de presse d’ailleurs.
Charles Hernu
Oui, je n’écris jamais aux journalistes ou au journal qui m’a mis en cause, car je pense qu’il a la liberté d’interpréter. Dans la presse, ce qu’il est sacré, c’est le fait. Le fait lui, il ne doit pas être déformé. Mais le commentaire est libre, et le commentaire c’est l’affaire de chacun.
Journaliste
Villeurbanne, une grande ville de plus de 120000 habitants. Charles Hernu a été élu maire sur une liste homogène, socialistes, sympathisants et radicaux de gauche. Quand on parle de Villeurbanne, on est toujours tenté de parler de l’insécurité de certains quartiers. Visiblement, Charles Hernu n’aime pas cette image de marque. Pour lui, le seul problème, c’est l’emploi et rien d’autre.
Charles Hernu
Pour le problème de sécurité, on en viendra à bout. Par contre, c’est lié à la sécurité, la bataille à mener, c’est celle du chômage. J’ai créé dans cette ville un comité local pour l’emploi dont j’assume la présidence. Il faut que sur un an, 2 ans, la proportion du nombre de chômeurs et de chômeuses arrive à diminuer de 2 – 3 – 4 % pour commencer. Il faut amorcer la décrue. Vous voyez, là je suis dans mon bureau, c’est un samedi matin je reçois les Villeurbannaises et les Villeurbannais. J’ai déjà reçu 16 audiences, ils ne me parlent que de cela, la sécurité vient après. Le problème numéro 1, c’est le chômage.
Journaliste
Quand on interroge Dominique Hernu, son épouse, elle affirme volontiers que Charles Hernu vit à 150 à l’heure et qu’il est souvent difficile de le suivre.
Dominique Hernu
Il travaille beaucoup... 100 à l’heure, je dirais même 150 souvent.
Journaliste
Et on tient le rythme ?
Dominique Hernu
On s’adapte, quelquefois on va aussi vite que lui, quelquefois je roule sur une autre route.
Journaliste
Vous préparez un petit peu son travail ? Pas son travail exactement, mais enfin je veux dire, est-ce que vous l’entourez et puis de quelle façon ?
Dominique Hernu
Oui, j’essaie.
Journaliste
Monsieur le maire de Villeurbanne est aussi ministre de la Défense. Après le 10 mai, cela n’a surpris personne. Sa connaissance des problèmes militaires ne date pas d’hier. Ses premiers articles sur l’armée remontent à la guerre d’Algérie en 1956. A l’époque, il dénonçait le malaise de l’armée.
(Bruit)
Journaliste
Aujourd'hui, il y a un consensus de l’armée autour du socialiste Charles Hernu. Mais un consensus est toujours fragile. La recherche du dialogue commence déjà avec les appelés.
Intervenant 1
Un problème de timidité, parce que les premières ou secondes réunions, ils n’osent pas parler. Puis, ils voient que ça se passe très bien, alors là, ils n’hésitent pas à prendre la parole.
Charles Hernu
Est-ce que c'est vrai que vous êtes timide ?
Intervenant 2
Un peu, au début.
Intervenant 3
Parce que j’ai entendu parler de différents problèmes, quel est le principal problème ?
Intervenant 4
Les problèmes qui sont soulevés, ce sont surtout les problèmes directement liés au foyer ou à l’ordinaire. Il n’y a pas d’évolution vers d’autres problèmes relatifs aux appelés. Nous essayons à travers de ces conditions de revenir sur ces problèmes là, des problèmes d’organisation de l'emploi du temps sur la base, et de qualité des repas.
Journaliste
Sur le cumul des retraites, Charles Hernu est précis, il tient à rassurer les militaires de Carrière.
Charles Hernu
Et qu’il veuille bien accepter la médaille d’or du ministre de la Défense en le félicitant.
(Bruit)
Charles Hernu
Le projet de loi n’était pas en préparation pour le moment, et qu’en tout cas, il n’était pas question de séparer le corps des sous-officiers et des officiers de l’ensemble de la nation ; qu’il n’y avait pas, n’est-ce pas Monsieur le président, d’un côté, ceux qui seraient des cumulards, et d’autre ceux qui ne le seraient pas, parce que ce n'est pas juste, et que pour le moment, les seules mesures que nous étudions, c’est celles qui frapperont les cumuls au-delà de 60 ans.
Journaliste
Novembre 1981, Orange dans le Vaucluse. Pour la première fois, les membres de la commission de la défense nationale visitent la base aérienne 115 avec le ministre de la Défense. On leur présente les mirages F1 de la cinquième escadre aérienne des chasseurs français, chargés de la couverture du territoire. Visite de routine, pas tout à fait, car en fin de matinée, on découvre le mirage F4 vecteur de la bombe atomique, une force stratégique en alerte permanente et sur laquelle les points de vue s’opposent.
(Bruit)
Journaliste
Est-ce un hasard si Charles Hernu profite de cette visite sur une base atomique pour réaffirmer ce qu’il pense de la vague de pacifisme qui semble déferler sur l’Europe ?
Charles Hernu
D’abord, il n’y a pas de pacifisme unilatéral. Quand on est pacifiste, on est pacifiste pour tout le monde. Quand on est pacifiste, c’est pour que tout le monde désarme et pas simplement nous. Quand je dis tout le monde, c’est tout le monde. Je veux dire par là que ce sont ceux qui sont les plus armés, vous voyez bien à qui je fais allusion, qui doivent commencer à donner l’exemple. C’est bien pourquoi monsieur le président de la République leur a lancé un appel à eux deux pour qu’ils se rencontrent à Paris, j’espère, étant entendu que ce que représente la force française ne s’additionne pas avec une autre force d’un autre grand quel qu’il soit.
Journaliste
Novembre 81, le plateau d’Albion en Haute Provence. Ici se trouvent les missiles nucléaires de la force stratégique. Dans un rayon de plus de 20 kilomètres, 18 missiles sont enfermés dans des silos bétonnés. Fin 82, ils sont tous remplacés par des missiles beaucoup plus puissants ; et sur leur charge réelle, une charge thermonucléaire, les militaires sont discrets. On parle de 50 fois Hiroshima, mais ce n’est qu’un ordre de grandeur.
(Musique)
Journaliste
Pour Charles Hernu, cela ne fait aucun doute, il faut renforcer l’arsenal nucléaire. Les commentaires vont bon train, certains journalistes n’hésitent pas à dire, Charles Hernu, c’est la continuité.
(Bruit)
Journaliste
Vous êtes donc un familier de l’institution militaire, et alors, vous a-t-il fallu convaincre des militants socialistes, sensibles par tradition au pacifisme ?
Charles Hernu
Vous savez, il n’y a pas eu une tradition socialiste. Il y a plusieurs traditions socialistes. Il est vrai que le parti socialiste actuel les regroupe toutes. Il y a dans le parti socialiste un courant jacobin, centralisateur. Il y a un courant pacifiste, il y a un courant patriotique. Il y a vraiment une très grande diversité. Or, ces courants se sont fondus dans ce parti. On ne peut pas oublier que Jean Jaurès a écrit un livre extraordinaire qui est toujours d’actualité, L’Armée nouvelle, qui est d’ailleurs le titre du petit journal que je dirige au sein des conventions de l’armée nouvelle. Puis, lorsqu’il s’est agit, comme on dit de faire son devoir soit en 1914 et 18, soit en 1940, soit la résistance, soit la libération, on n’a jamais trouvé les socialistes hors de ce combat. Ce combat a toujours été celui des forces populaires. C'est vrai qu’il y a un courant pacifiste dans le parti, mais nous sommes tous des pacifistes. Moi aussi, je suis un pacifiste, et justement je crois à la dissuasion nucléaire comme non guerre. Le rôle difficile aujourd'hui de nos officiers, de nos sous-officiers et des soldats, c’est d’être toujours prêts à combattre pour savoir que cette préparation est au fond destinée à ne pas combattre.
(Bruit)
Journaliste
Tous les mardis matin, Charles Hernu est au ministère de la Défense. Son budget est de plus de 120 milliards de francs. C’est une entreprise énorme, peut-être la première en France. Les effectifs de l’armée en 81 dépassent les 700000 hommes, y compris les appelés. Ajoutées à cela, 300000 personnes dans le secteur armement. A ce niveau-là, on se demande si le chef d’entreprise ne prend pas le pas sur l’homme politique.
Charles Hernu
Vous le donnez à... Reprenons ça.
Journaliste
10 novembre 81, 9 heures 30 du matin, l’hôtel des invalides à Paris. Avant les cérémonies du 11 novembre, le premier geste du ministre de la Défense est de décorer 17 anciens combattants de la guerre 14-18 de la légion d’honneur.
Charles Hernu
Monsieur Claude Farret, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la légion d’honneur.
(Bruit)
Charles Hernu
Monsieur Henri Faure, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la légion d’honneur.
Journaliste
Deux soldats de l’infanterie, deux habitants de Villeurbanne, qu'ont-ils dit à Charles Hernu, bonjour Monsieur le ministre ou bonjour Monsieur le maire ?
(Musique)