La tour d'escalade de Vaulx en Velin

28 septembre 1990
02m 29s
Réf. 00397

Notice

Résumé :

Demain la 1ère tour d'escalade au monde sera présentée officiellement. Cette "tour", accolée à un immeuble à loyers modérés, symbolise surtout le renouveau du quartier. Elle fait de Vaulx-en-Velin la 2ème capitale de l'alpinisme en France.

Date de diffusion :
28 septembre 1990
Source :

Éclairage

Le 28 septembre 1990, le Journal Télévisé de FR3 Rhône-Alpes annonce l'inauguration, le lendemain, de la Tour d'escalade de Vaulx-en-Velin, dans l'Est de Lyon. Le reportage s'ouvre sur une savoureuse opposition : la tour de la Part-Dieu, symbole du nouveau quartier des affaires à Lyon, face à celle de Vaulx-en-Velin, au cœur d'une banlieue à la mauvaise réputation. Le reportage de Jean-Paul Savart et Pierre Lachaud souligne alors combien l'événement est significatif au niveau sportif en s'arrêtant sur les deux personnalités présentes pour l'inauguration. Native de Sainte-Foy-les-Lyon, Isabelle Patissier, alors âgée de 33 ans, est en effet l'une des meilleures grimpeuses du moment – elle termine seconde au championnat du monde l'année suivante. Patrick Bérhault (1957-2004) est lui aussi l'un des meilleurs de sa génération. Connu pour ses positions éthiques qui le font refuser toute compétition et réduire toute aide technologique au minimum, il symbolise l'escalade « libre » et participe depuis plusieurs années déjà à l'initiation des jeunes de la ville dans son activité de prédilection. Car la tour d'escalade vient en réalité compléter une offre d'équipements mis en place depuis le milieu des années 1980 et qui place la ville en position d'avant-garde en la matière. En effet, si les premières expériences de mur d'escalade datent des années 1960 en Angleterre, il faut attendre une vingtaine d'années pour que l'innovation s'implante plus durablement, d'abord en Belgique, puis en France où les premières structures apparaissent à la fin des années 1980. Avec l'aide d'Alain Bondetti, animateur d'escalade à Vaulx-en-Velin et auquel le reportage rend hommage, la Ville se dote dès cette époque de plusieurs Structures Artificielles d'Escalade (SAE) dans des gymnases.

La tour, pourtant, va plus loin. Par sa hauteur impressionnante de 47 mètres, le choix de la résine comme matériau principal, l'ajout d'une longue bâche de protection contre les intempéries, amovible et de couleur rose fushia qui confère à la façade une esthétique résolument « jeune », et sa conception d'ensemble, elle constitue alors un concept unique au monde. En multipliant les gros plans sur les prises et les vues en contre-plongée, le film met particulièrement en valeur toutes ces caractéristiques. Par ses plans lointains, il montre aussi combien la tour déplace les perspectives des habitants du Mas du Taureau pour lesquels le centre commercial demeurait jusqu'alors le seul lieu rompant la monotonie des barres d'immeubles.

La municipalité communiste de Maurice Charrier a en effet souhaité depuis longtemps utiliser le sport comme un moyen d'intégration sociale et d'apprentissage de la citoyenneté. La tour est symboliquement adossée à des logements sociaux. Elle fait partie plus généralement d'un projet politique où le pari éducatif est celui de la transformation des individus par l'expérimentation de situations à forte charge physique et émotionnelle. Le reportage ne s'y trompe pas, qui enchaine les séquences sur des enfants d'origines diverses et des deux sexes, en activité, avant d'évoquer l'envoi de trente d'entre eux en randonnée au Caucase. Quelques scènes de danse-escalade, autre spécialité de Patrick Bérhault, viennent d'ailleurs rappeler que le mur se prête à des formes diversifiées d'expérience corporelle qui permettent l'épanouissement de chacun.

La note optimiste du film transparait d'autant plus nettement à la lumière des événements qui suivent. Une semaine plus tard, le 6 octobre 1990, un jeune motard décède en tentant de forcer un barrage de police à quelques centaines de mètres de la tour, déclenchant des émeutes qui enflamment la banlieue pendant plusieurs jours. Quant au Centre Pilote d'Escalade et d'Alpinisme, qui gère la tour depuis sa construction, il déposera son bilan en 2006.

Thierry Terret

Transcription

Journaliste
Entre les deux, il y a un air de famille mais seulement un air. Dans le paysage lyonnais, le crayon de La Part-Dieu signe les contrats du nouveau quartier des affaires de Lyon, à Vaulx en Velin, la tour sert vraiment à grimper. Demain soir, Isabelle Patissier, troisième de l’actuelle Coupe du Monde, et Patrick Berhault, le grimpeur de l’impossible, tenteront la face sud du Mas du Taureau, une première mondiale. Patrick Berhault est le dernier de la Charte des 19 plus grands alpinistes du monde, à refuser toujours la notion de compétition rendue possible grâce aux surfaces artificielles. Sa présence ici est un symbole. Non, la tour d’escalade n’est pas réservée aux sports de haut niveau, avant tout, elle est la composante d’un immeuble d’habitation à loyers modérés dans une zup autrefois de mauvaise réputation. Une convention entre l’Etat, la Communauté Urbaine de Lyon et Vaulx en Velin à réhabiliter le quartier en prenant l’escalade tout court contre celle de la violence. Et ça marche, la petite délinquance est en chute libre. A Vaulx en Velin, les enfants des écoles apprennent à grimper comme à nager dans le cadre du tiers-temps pédagogique. A l’origine, il y a Alain Bondetti, un savoyard descendu dans la plaine pour apporter la montagne aux enfants de la ville puisque la recherche de la verticale est la première activité du petit d’homme. C’est lui l’inventeur du mur artificiel qui a fait des petits partout en France comme outil pédagogique. Mais le mur, c’est dépassé. Voici la tour. Deux ans de travaux, 5 millions de francs. Avec son sommet à géométrie variable, c’est la seule structure artificielle au monde capable de reproduire toutes les situations du milieu naturel. La montagne à domicile sans aucun danger et regardez. S’il neige en montagne, ici on tire la couverture. Mais attention, le but n’est pas d’enfermer la montagne dans un bocal mais de l’en sortir. Cet été, 30 enfants de Vaulx en Velin sont montés à 5000 mètres dans le Caucase et 50 personnes de plus de 60 ans ont atteint le sommet du Mont-Blanc. La montagne pour tout le monde, c’est possible avec le centre pilote d’escalade de Vaulx en Velin qui prépare sa prochaine révolution, un stade de parapente. Il sera construit là-bas, derrière les tours.
(Musique)