Pêche à la daurade sur la jetée de la Pointe Courte
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Résumé
Une fois par an, à la fin de l’été, lorsque les daurades migrent de l’étang de Thau vers la mer par le canal de Sète, les pêcheurs se concentrent au bout de la jetée de la Pointe Courte sur une centaine de mètres. Cette pêche spectaculaire, reposant sur des conditions très particulières, est une véritable institution.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
07 nov. 1997
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Contexte historique
ParChercheur et doctorant en études occitanes, Université Paul Valéry Montpellier
À Sète la passe de la daurade est une tradition et pour certains pêcheurs amateurs une institution dont les usages n’ont pas varié depuis des décennies. La dénomination « daurade » peut, dans les usages de la pêche, désigner au sein de la grande famille des Sparidés, une importante diversité de poissons, dont le pagre, le griset ou canthère, le marbré et le pageot, présents sur nos côtes. Celle de la famille qui intéresse la pêche sétoise est la daurade, qui en occitan signifie « la dorée » certainement à cause de la tache caractéristique que ce poisson présente entre les yeux. Cette espèce, qui habite les côtes européennes et notre littoral, est aussi nommée daurade royale, sauquena en occitan. Elle est connue et recherchée pour ses qualités gustatives. C'est aussi une espèce côtière qui partage son existence entre mer et étangs littoraux où, comme de nombreux poissons, elle passe l'été à croître et à engraisser. Il s’agit d’un poisson particulièrement sensible aux températures et à la salinité, qui n’hésitera pas à migrer quand, vers la fin de l’été, les conditions changent dans les étangs. C’est à ce moment que professionnels de la pêche et amateurs avertis l’attendent au passage.
Le Passage, lo Passatge, est justement à Sète le nom du canal ouvert sur l’étang de Thau, entre le quai du Mistral, au quartier de la Pointe Courte, et le bien nommé quai de la Daurade, au quartier de la Plagette. Chaque année, parfois dès la fin août, ce lieu d’une centaine de mètres de long devient le théâtre d’une pêche qui, si elle n’est pas toujours miraculeuse, reste spectaculaire par le nombre et la concentration de pêcheurs qu’elle peut attirer. Généralement c’est le matin, dès l’aube, que chacun patiemment tâche de réserver la meilleure place possible, c’est l’heure où tous préparent leurs cannes et leurs appâts.
Enfin, après une longue attente en toute convivialité, à la faveur d’un vent modéré et d’un courant rentrant dans l’étang, les conditions sont réunies. C’est alors, et seulement quand la lune et les daurades l’auront décidé, que sur les quais, de part et d’autre du canal, deux haies de cannes à pêche vont s’agiter nerveusement et se lancer dans un ballet de va-et-vient frétillant et luisant. Et ainsi, jusqu'à l'heure de la « renverse » du courant dans le canal qui va tout arrêter brusquement en début d’après-midi, vont se succéder des moments d’intenses satisfactions, d’amères déceptions, de fierté ou de honte.
Le reportage explique les raisons sous-marines de l’ampleur du phénomène qui lie opportunément dans la pratique, pêcheurs amateurs et pêcheurs professionnels, dans une symbiose de circonstance. À cause de l’abondante ressource, les pêcheries des uns vont ainsi profiter aux autres dans un équitable partage. Les professionnels installent en enfilade, dans l’axe du canal, une série de petites pêcheries fixes faites de longues nasses (verveux) dites « ganguis à poissons ». Ces dispositifs perturbent l’itinéraire d’une partie des daurades qui, échappant aux pièges professionnels, se voient alors interpellées et attirées par une foule d’appâts appétissants, « mourres durs » et « escavènes folles » dissimulant le fatal hameçon acéré de l’amateur. Certes durant cette pêche, dans la promiscuité et la fièvre qui règne sur ces quais, la belle harmonie de la convivialité ne va pas sans commentaires ironiques ou sans franches engueulades quand deux cannes se croisent, deux fils s’embrouillent ou quand il prend à deux hameçons l’idée de s’entre-accrocher. On en vient alors aux cris, à la vocifération, parfois à la menace de noyade mais rarement aux mains car on manquerait de temps et cela profiterait aux daurades.
Depuis 1997, et en peu d’années, les choses ont pourtant bien changé autour du Passage. Pour les daurades d’abord, qui, pour des raisons tenant peut-être aux évolutions climatiques ou aux nouvelles pratiques de pêche, semblent être moins nombreuses et plus casanières. Elles auraient ainsi tendance à la sédentarité dans l’étang de Thau où, au grand dam des ostréiculteurs, elles ont réalisé que la puissance de leur bouche et leurs dents acérées aidaient à ouvrir les coquillages et que les élevages d’huîtres représentaient pour elles un garde-manger conséquent. Ne restait plus aux ostréiculteurs qu’à doter leurs élevages de filets de protection. Quant aux pêcheurs amateurs, l'attractivité des confins littoraux a amené avec des adeptes toujours plus nombreux et moins avertis, une évolution des pratiques et des usages coutumiers, que les daurades elles-mêmes ont semble-t-il aujourd'hui du mal à comprendre.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Georges Pernoud
Alors, Yves, vous c’est une histoire totalement différente, une histoire euh… sympathique, souriante.
Yves Pélissier
Oui, c’est vrai.Ben déjà, pour changer, on va changer d’accent puisque nous partons à Sète dans le Midi de la France donc, pour assister à un événement qui n’a lieu qu’une fois par an.Un miracle en quelque sorte qui se produit toujours au même endroit et toujours à la même saison.
Georges Pernoud
Festival de pétanque ?
Yves Pélissier
Non mais c’est aussi précis que la pétanque et tout aussi acharné puisque, avec le temps, cet évènement attire de plus en plus de monde, ce qui, vous allez le voir, ne facilite pas les choses.
Jean-Pierre Bozon
Tous les ans, à la fin de l’été, cela recommence.Dès que les nuages apparaissent, dès que le mistral se lève, les pêcheurs se rassemblent au bout de la jetée de la Pointe Courte et attendent.
Pêcheur 1
Depuis ce matin 6 heures et demi, il n’y a plus une place là hein, même à 6 heures je dirai, il n’y a plus de place hein !
Pêcheur 2
Ils gardent les places, ils dorment dans les voitures, ils se pèlent…
Pêcheur 3
Eh ouais, on prend l’air mais faudrait prendre du poisson aussi !
Jean-Pierre Bozon
D’un côté, l’étang de Thau dans lequel se trouvent les daurades par centaines de tonnes.De l’autre côté, la mer que les poissons tentent de rejoindre au premier froid, en empruntant la seule voie possible, l’ancien Canal royal qui traverse la ville de Sète de part en part.Une demi-douzaine de filets sont posés au fond de l’eau à l’entrée du canal.En voulant les éviter, les daurades créent sur 200 mètres un véritable embouteillage.Une aubaine dont tentent de profiter les pêcheurs postés en embuscade.Encore faut-il que le courant aille dans le bon sens et que le vent ne soit pas trop fort.
Pêcheur 3
C’est maigre, c’est maigre, pour l’instant du moins.Le vent souffle trop fort.
(Bruit)
Pêcheur 4
Oh, putain, ce n’est pas vrai hein !Trop de vent, on n’arrive pas à les sentir les touches, on n’arrive pas à les sentir les touches, on n’arrive pas à les sentir les touches hein !C'est pas vrai, c’est pas vrai !Je viens de me faire nettoyer l’hameçon.
Journaliste
Pour que les daurades rentrent dans le canal afin de rejoindre la mer, il faut que le courant aille vers l’étang et que le mistral souffle ni trop ni trop peu.Après des heures d’attente, soudain, toutes les conditions sont réunies.
Pêcheur 4
Là il y en a une, elle est partie, non elle y est.Viens ici ma copine.C’est un virus, cette daurade nous donne le virus.Là, l’année dernière, j’en ai fait aux alentours de 60 kilos.Il y en a qui les vendent mais moi, j'en fais pas le commerce, non.Je les donne, et j'en fais profiter mes amis, ma famille.
(Bruit)
Jean-Pierre Bozon
Le virus de la daurade est contagieux.Les meilleurs jours, ils sont deux à trois cents à se bousculer sur quelques dizaines de mètres pour participer à la pêche miraculeuse.Pêcheurs occasionnels, chevronnés, voire professionnels, communient dans une même fièvre.Maladroits et timides, s’abstenir.
(conversations informelles entre pêcheurs)
Jean-Pierre Bozon
Et puis aussi soudainement qu’elles sont venues, tout d’un coup, les daurades ne sont plus là.L’an prochain, même époque, même endroit, comme chaque année, pêcheurs et daurades reviendront tenter leur chance ou jouer leur vie.
Georges Pernoud
On y va l’année prochaine ?
Yves Pélissier
Oui, c’est ce qu’on appelle un grand moment.
Georges Pernoud
Il faut s’entraîner quand même.Une bonne daurade grillée, ça vaut le coup.
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