Le port de Sète en 1930-1940
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Résumé
Ce documentaire donne un aperçu de l’activité économique du port de Sète dans l’entre-deux-guerres. La pêche en mer est alors essentiellement pratiquée par des marins-pêcheurs italiens. Les barques catalanes sont utilisées pour la pêche à la sardine, les bateaux-bœufs pour la capture des thons… Le long du canal, les quais encombrés de futaille témoignent de l’importance du commerce du vin.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
1930
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- 00131
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Contexte historique
ParChercheur et doctorant en études occitanes, Université Paul Valéry Montpellier
Ce montage de films amateur, commenté par le réalisateur de l’émission Le grenier des images, Luc Bazin, donne un aperçu de la vie du port et des canaux de Sète au tout début des années 1930 et peut-être même un peu avant, comme le suggère l’image furtive d’un chargement d’oranges en vrac, qu’apportaient alors à Sète les dernières balancelles à voile espagnoles. On peut y voir également des bateaux-bœufs : de grandes barques de 14 à 18 mètres généralement construites à Martigues ou à Agde, mais toujours considérées comme emblématiques de la pêche sétoise. Dans une séquence rarement filmée, l’une rentre au port, à pleine voile latine, alors que d’autres sont prêtes à aborder le quai de la Consigne où elles étaient toutes amarrées. Une brève image de ce quai illustre le texte de Paul Valéry qui écrit que rien au monde n'est plus gracieux que la gerbe des antennes de nos bœufs, quand ils sont tous à quai, bordant le port vieux jusqu'au môle
. Pendant la période la plus prospère de cette pêche, un peu avant la Première Guerre mondiale, on pouvait y compter plus de quarante couples de bœufs attachés en double-file.
La technique de la pêche au gangui, chalut tiré par un couple de bateaux-bœufs, ainsi nommés par analogie avec les bêtes de trait, avait été introduite à Sète par les Catalans à la fin du XVIIIe siècle et adoptée par les Sétois, puis quasi exclusivement par les familles de pêcheurs italiens au début du XXe siècle. Le moment où les images sont tournées correspond à l’avènement de la motorisation. Pendant un long moment et en bruit de fond des commentaires, on peut entendre le son significatif d’un moteur à refroidissement par air qui à l’époque, commençait à équiper les embarcations. Cette motorisation évoluera rapidement, provoquant en particulier la fin des couples de bœufs, la pêche étant désormais possible en solitaire. Les bateaux-bœufs sétois disparaîtront au moment de la seconde guerre mondiale, la plupart ayant été réquisitionnés par l’occupant comme supports flottants de batteries côtières. Tous seront détruits, coulés ou abandonnés, parfois très loin de Sète, comme celui signalé à Naples à la Libération.
Dans cette archive, d’autres embarcations emblématiques des ports du littoral languedocien apparaissent. On y voit une nacelle, barque modeste et polyvalente, déchargeant des caisses de sardines destinées à la vente à la criée. On peut imaginer que, comme cela se faisait souvent pour ne pas manquer la vente, une nacelle transbordait le poisson depuis le bateau-bœuf, encalminé dans l’avant-port. Une autre longue séquence est consacrée au déchargement d’une barque catalane. Les premières de ces barques, que les Catalans nomment sardinal, étaient arrivées à Sète, Palavas ou Valras après la Première Guerre mondiale, rachetées par les pêcheurs locaux alors que la pêche - et leur construction - déclinait sur la côte Vermeille et roussillonnaise. Cette barque reconnue comme solide et très performante fut ensuite construite dans les chantiers de Sète et de Valras où la dernière fut mise à l’eau en 1964. La catalane est reconnaissable à son arbre [1] fortement incliné en avant, le bouge [2] de son pont et son capilhon à coiffe [3]. Elle était utilisée pour la pêche aux poissons bleus : anchois, sardines, maquereaux et celle au thon qui se pratiquait à la belle saison et à la journée…
Les thons déchargés depuis une catalane de dimension réduite, une mitja barca [4], ont certainement été capturés à la ligne. À Sète, contrairement à Palavas, on ne pratiquait pas la pêche au thon à la seinche [5], filet qui permet une capture par encerclement. Cette technique nécessitait en effet une flottille de barques et surtout une entente entre pêcheurs ce qui, à l’époque, ne faisait pas partie des usages sétois. Sur les dernières images, on voit sur les canaux de Sète de nombreux cargos au cœur de la ville, les quais surchargés de marchandises et l’intense activité des dockers. On y suit une « sapine [6] », grande barque de canal chargée de demi-muids [7] remplis de vin destiné à l’exportation, arrivant certainement de Mèze ou Marseillan. A l’époque, Sète disposait d’un parc de 600 000 de ces futailles [8], une démesure qui laisse imaginer l’importance de la production de vin dans la plaine côtière viticole de l’Hérault et la place essentielle de la ville dans son commerce.
[1] Arbre ou aubre nom occitan du mât.
[2] Le « bouge » désigne une forme fortement bombée.
[3] Le capilhon : à l’avant des barques méditerranéennes, c’est la pièce de bois qui prolonge et s’élève au-dessus de l’étrave.
[4] Demi-barque : les pêcheurs nommaient ainsi les barques, catalanes en particulier, qui n’arrivaient pas aux dimensions standard des grandes de 40-44 pans, (11-12m). Il n’y avait donc que des barcas, les grandes, ou des mitjas barcas, les autres.
[5] Cencha : ceinture en occitan. Pour cette pêche on parle aussi de cenchòla quand on utilise un filet plus petit.
[6] Sapine : nom donné aux barques, à l’origine en sapin, qui sur le canal du Midi et l’étang de Thau transportaient surtout le vin en fût.
[7] Demi-muid : fût robuste d’une contenance de 600 à 700 litres dont le modèle avait été adopté pour le transport de vin. La plupart étaient fabriqués dans d’innombrables ateliers de tonneliers à Sète et sur le pourtour de l’étang de Thau.
[8] Soit environ 400 millions de litres.
Transcription
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