Gens de Thau : les pêcheurs de l'étang
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Résumé
« Gens de Thau »: la tradition locale appelait ainsi ceux qui travaillaient et vivaient de l'étang. Le film de Laurence Kirsch présente dans cet extrait les techniques traditionnelles de pêche et de ramassage des coquillages dans l’étang. Il illustre le lien profond que ces gens
entretiennent avec le milieu qui les fait vivre.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
1996
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- 00136
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Contexte historique
ParChercheur et doctorant en études occitanes, Université Paul Valéry Montpellier
De très bonne heure, les Bort, père et fils, quittent leur domicile de Marseillan et se rendent aux Onglous, sur le tout début du canal du Midi, où les attend leur « barquet », une petite embarcation motorisée à fond plat. Le fils à la barre et le père à la proue vont, sans échanger un mot, sur l’étang pour « visiter », on dira en occitan manejar (manipuler) leurs « capéjades ». Une capéjade est une pêcherie fixe : une technique qui se décline selon divers montages, pour la plupart encore très utilisés sur l’étang. Il s’agit de réseaux de filets maintenus par des pieux plantés dans les fonds (les paus) et disposés de façon à amener le poisson vers des nasses, les « verveux », cuoleta en occitan, où ils seront retenus et capturés. Pour la capéjade, le réseau de filet part de la berge et les nasses sont aménagées au large autour d’un cercle de filets, le « coeur » ou lo torn. Au début du film, on pourra voir également des doublis un autre genre de pêcherie établie en pleine eau avec deux cœurs. Il existe selon ce principe une grande diversité de dispositifs, par doublement, ajout ou multiplication de filets ou de nasses. La « visite » consiste à sortir de l’eau, à l’extrémité de chaque nasse, la dernière chambre du piège, où se retrouvent toutes les prises. L’anguille constitue l’essentiel des captures et la petite taille des quelques daurades suggère que les images ont été filmées au printemps, au début de la saison de pêche.
Josian Bousquet est parti du port de Mèze pour aller pêcher le bibi dans les petits fonds à la conque des salins. Il est équipé d’une sorte de grand râteau muni d'une poche de filet et d’un long manche. Ce râteau, « l’arselière » (de l’occitan arcèli, clovisse) est en général utilisé pour la pêche aux coquillages par grattage des fonds. Le bibi, de son vrai nom siponcle nu, est aussi appelé « ver cacahuète » ou « bibi de Sète ». Il vit dans les fonds sablonneux ou vaseux et peut atteindre la taille d’un doigt et mesurer 10 centimètres de long. C’est surtout un appât recherché, car il a une peau épaisse qui le rend sélectif. Intouchable pour les petits poissons, il est efficace pour la pêche des plus gros, notamment le loup ou la daurade. Il était au moment du film assez abondant et pouvait assurer un complément de revenus conséquent. Aujourd’hui avec sa raréfaction, sa pêche devient aléatoire, alors que sa valeur atteint des sommets.
Une autre technique de pêche au coquillage ou à l’oursin est celle que l’on appelle « pêche à la boîte » ou mourrau en occitan. Dans le document, elle est pratiquée par Gilbert Garrau, certainement dans des hauts fonds (on parle couramment de « petits fonds »), non loin de Bouzigues ou de Balaruc-les-Bains. Cette pêche se pratique avec une petite embarcation légère, en général un negafòl, petite nacelle à fond plat. Le pêcheur s’allonge à plat ventre dans l’axe de l’embarcation en faisant dépasser sa tête et ses bras à la proue. Il tient dans sa bouche une lunette, sorte de boîte ronde dont le fond est vitré. Cette lunette lui permet de voir sous l’eau en évitant les reflets de surface. D’une main il tient une petite griffe (arpeta ou grapeta), de l’autre une épuisette (salabre). Ainsi équipé, il peut gratter et pêcher le coquillage enfoui ou, comme dans le film, faire la cueillette de l’oursin. La pénibilité et la raréfaction de la « marchandise », comme disent les pêcheurs, ont fait que cette pratique a quasiment été abandonnée aujourd’hui.
Il y a peu de temps encore Jean-Marie Ricard, de Bouzigues, exerçait cette pêche à l’oursin et aux coquillages mais, équipé d’un sac réalisé en filet, le sarrou, il allait directement les chercher au fond de l’eau, à la main, on dit alors « au doigt », ou à l’aide d’une arpeta à manche court. Cette pêche dite au cabus ou sautada, se pratique en apnée, en toute saison et pendant des heures. Elle nécessite pour ses adeptes une excellente condition physique et il est remarquable que Jean-Marie Ricard l’ait pratiquée pendant près de quarante ans. L’apnée est le seul mode de pêche sous-marine professionnelle autorisée. La plongée est aujourd’hui sévèrement réglementée et surveillée pour préserver la biodiversité, la ressource, et prévenir un braconnage longtemps endémique et ravageur dans l’étang de Thau.
Cet étang de Thau qui a vu, durant le dernier demi-siècle, la pêche et la cueillette peu à peu remplacées par l’élevage des coquillages, huîtres et moules en particulier. Les Gens de Thau, semblent entretenir avec l’étang un profond lien d’intimité, tous en parlent comme d’une richesse, un trésor
disent certains, mais tous, peut-être de façon prémonitoire expriment au moment du tournage une inquiétude qui se confirme aujourd’hui quant à l’avenir de ce milieu lagunaire fragile.
Remerciements à Laurence Kirsch.
Transcription
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(Musique)
Josian Bousquet
On se lève le matin, on va travailler 4 heures.Bon il y a des jours où ça marche et il y a des jours où ça ne marche pas donc il faut faire avec.Il y a des hauts et des bas, la pêche c’est ça, il y a des années où c’était vraiment valable, on gagnait bien la vie et là bon ça fait quelques années que bon on s’en sort mais il faut vraiment s’accrocher quoi, il y a de moins en moins de marchandise alors ça devient un peu plus dur.
(Bruit)
Alain Bort
Ah, il y a une dorade.
(Bruit)
Geoffrey Bort
Elle est petite.
Alain Bort
Non ça va, elle est jolie.
(Bruit)
Alain Bort
Oh là là, il y a quatre anguilles quand même.
(Bruit)
Josian Bousquet
Ah, là il y a un joli coup.
(Bruit)
Josian Bousquet
Chaque jour c’est à peu près réglé comme ça, 150, 200 vers.Le jour où des fois il y a un endroit où on réussit un peu mieux, des fois on dépasse les 200 mais bon ce n’est pas tous les jours.Aujourd’hui bon, si ça continue pareil j’arriverai peut-être à 200.Bon, on va continuer.
(Bruit)
Alain Bort
Je suis venu à la pêche petit à petit, c’est-à-dire en allant mettre des crocs pour pêcher les loups.Et c’est là que je me suis aperçu que je pouvais faire ce métier.Alors j’aimerais bien que mes enfants puissent en faire autant.Ça c’est la sargasse.
(Bruit)
Alain Bort
Et des crabes, et des crabes. Qu'est-ce qu'il peut y avoir !
(Bruit)
Josian Bousquet
Une pierre de 50 kg.
(Bruit)
Josian Bousquet
Là je dois en avoir presque 100, bientôt.Ceux-là c’est les plus jolis.Ça c’est les plus gros, après bon il y en a des plus petits.Le bibi, c’est un appât de pêche.Il y a des endroits où c’est des vers plus petits, mais là bon la moyenne elle est à moins de 2 francs mais si on arrive à travailler dans les vers un peu plus jolis, il y a 3 calibres à peu près, il y a le ver à 1 franc, le ver à 2,50 francs et les plus jolis à 3,50 francs le ver.Mais bon, ça fait une moyenne de 2 francs le ver.On paye pour avoir le droit de travailler.On paye un rôle.Entre tout rôle et familiale quoi, c’est les charges qu’il y a, ça fait aux alentours de 100 francs par jour à peu près.Qu’il faut donner le matin en se réveillant. Il faut arriver au moins à faire 400 francs pour que ça vaille le coût, pour déduire 300 francs de bénéfice quoi.Sinon, si on fait moins, ça ne vaut plus le coup de venir quoi.
(Silence)
Gilbert Garrau
Vous voulez en goûter ?Je n’oublie pas le couteau à oursins.Alors des fois il y a mon frère qui vient me voir, des fois on partait à 3 ou 4 barquets comme ça quand on allait travailler à Marseillan, pour ne pas user trop d’essence on partageait à 4, on était 4 ou 5 barquets derrière, les uns derrière les autres.C'était bien. Mais c’est-à-dire quand on sort avec la boîte il faut aller travailler dans les abris. Alors s’il fait un gros mistral, on va travailler devant Balaruc, on va travailler devant Bouzigues.Il faut se mettre dans les abris quand même, parce que sinon on ne tient pas.Bon parce que quand même c’est difficile, des fois on travaille avec des manches de 3 mètres, 4 mètres et il faut se tenir quand même.Quand on travaille à Marseillan, on travaille avec des manches de 4 mètres de profondeur.Enfin maintenant il y a plus personne. Maintenant les jeunes ils préfèrent se mettre avec l’habit, plonger, gagner davantage d’argent, c'est moins fatigant. Mais il n’y a que de ça hein, si vous venez après-midi-là, juste là devant le phare il y aura 50 plongeurs qui font des palourdes.
(Silence)
Jean-Marie Ricard
C’est vrai qu’on a un métier en or parce que la liberté du travail… il n’y a pas beaucoup qui l'ont.Bon je gagne ma vie, puis il y a un temps magnifique c’est vrai. Bon, c'est pas toujours évident.L’hiver quand il fait froid... J'ai eu plongé quand même l'hiver dernier,pas cet hiver, l’hiver dernier, j’ai eu plongé, l’eau était quand même à trois. Deux et demi, trois degrés.J'y suis resté 2 heures et demie dans l’eau pour faire les oursins, et je suis rentré il neigeait.Je vais approcher de la quarantaine, si j'ai fait la bringue, la bringue, la bringue et que je travaille 4 heures dans l'eau tous les jours ça va pas avec, ce n’est pas possible.
(Bruit)
Jean-Marie Ricard
Au fur et à mesure que je progresse dans l’eau, au fur et à mesure mon cœur il se met vachement…, à vachement ralentir, au maximum, pour pas que je m’essouffle. Et disons que je fais le moins possible en surface et le plus possible sous l’eau.Bon, je fais 30 secondes sous l’eau, en moyenne, et 15 secondes à la surface, pendant 4 heures.Tant que la journée n'est pas rentrée je travaille, je bosse.Mais y a des jours que je reste 4 heures et demie, 5 heures, il y a des jours où je reste un peu moins, ça dépend de la forme, voilà.Pour pêcher la palourde, il faut qu'elle baille bien.C’est-à-dire il faut qu’elle prononce bien des trous, qu’ils sont assez écartés et plus ils sont gros les trous, plus ils sont écartés, plus la palourde est jolie.Alors quand ça baille bien, on la pêche très bien.Il y a des jours que, il ne fait pas beau, il n’y a pas de rentrée de courant, la palourde ne baille pas.
(Bruit)
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